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STAYER FRANCE  :  100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE : 100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE ex-STAYER FR est le blog du demi-fond et de l'association FRANCE DEMI-FOND. adresse mèl : fddf@dbmail.com page Facebook : @VANWOORDEN21

Publié le par Oscar de Ramassage
Publié dans : #HISTOIRE DE STAYERS

 En mémoire de Bernard Deconinck qui vient de nous quitter, et dont le père Henri était l'ami d'Aubert Winsingues 

 

  STAR DU CYCLO-CROSS, ET LE DEMI-FOND POUR DESTIN  : AUBERT WINSINGUES  

 

 

Je tenais à ce que ce portrait d'Aubert WINSINGUES figure dans ce "site de la renaissance" qu'est STAYER FRANCE.

Tout est parti du choc que fut pour moi la découverte de l'existence de ce coureur, à la lecture du superbe ouvrage de Pascal SERGENT "Le Cyclisme Nordiste".

Le charisme qui se dégage de la physionomie du coureur nordiste, l'aura des photos prises en course, la superbe de sa trajectoire, la tragédie qui la conclut, tout était réuni pour m'impressionner durablement...

Je vais tâcher de vous faire partager cet enthousiasme avec ces deux portraits.

Le premier a été publié il y a quelques années de cela dans la version précédente de ce site, "Les Fondus du demi-fond"

Le second est un article de présentation de mon livre "L'épopée du cyclisme sur l'autodrome de Linas-Montlhéry" Votre lecture et vos éventuels commentaires seront comme un hommage à ce fameux bonhomme...

  


Aubert WINSINGUES est né le 24 Juillet 1906 à ROUBAIX. Il est le dernier d'une fratrie de huit enfants. Il va résider sa vie durant dans sa bonne ville de ROUBAIX, rue de Lille, au cour Tanchou,  lieu dit "Octroi de Roubaix". Marié à Jeanne BREYNE, ils auront un seul enfant, un fils, Roger, qui verra le jour le 12 Juillet 1929.

" Faciès aimable mais sérieux. Des yeux intelligents, un corps d'athlète aux lignes pures... Attentif, il avait, tout de suite, discerné sa voie. Travailleur, il avait conçu le plan des laborieux à l'esprit subtil. Coureur cycliste ? Sans doute, mais la carrière est encombrée et il voulait sortir, s'imposer, s'affirmer. Le cross cyclo-pédestre l'attira... Il se mit au travail avec assiduité, son sérieux et son application portèrent rapidement leurs fruits... "  Ainsi la presse de l'époque dépeint-elle notre homme, qui, plombier de son métier, récoltera durant sa trop brève carrière près  de 200 victoires sur route.  

Conseillé à ses débuts par l'ancienne gloire locale Charles Crupelandt, il se révèle excellent routier, très bon pistard (deux fois champion du Nord de vitesse), il est, comme beaucoup de ses pairs de l'époque, un touche-à-tout du cyclisme. En 1928, il se signale  en animant une échappée dans le Circuit Franco-Belge, où il donne des sueurs froides aux pros. En Belgique, il est déjà considéré  comme un sérieux "comingmen", un futur bon... Mais c'est surtout ses performances dans les régionales de cyclo-cross lors de la saison 1929 qui vont attirer l'attention des suiveurs.  Il cultive une adresse hors du commun en s'entraînant à garder l'équilibre en roulant sur les rails du tramway, sous les yeux admiratifs des badauds  Roubaisiens !

La presse sportive nationale de l'époque, dès lors prévenue, salue sa performance, lorsqu'il prend en Mars 1930 la troisième place du championnat de France de cross cyclo-pédestre,  derrière un autre Nordiste, son camarade Henri DECONINCK et l'intouchable Camille FOUCAUX. Elle indique que, avec une paire de coureurs pareils, le Nord apporte là deux hommes "d'excellente classe". 

1931 sera la saison de la confirmation : le 24 Février,  il franchit le premier la ligne du championnat de France Inter Clubs  couru à Montlhéry devant... Henri DECONINCK. Succès pour leur club, les Halles Sportives Lilloises. Il termine ensuite cinquième du championnat de FRANCE individuel. 

Et en 1932, le double champion du Nord de cyclo-cross  "explose" aux yeux du grand public :  il "bisse" aux interclubs, toujours devant son compère Henri DECONINCK. Le Nord dispose désormais d'un sacré "carré d'as" : derrière WINSINGUES et DECONINCK, s'affichent en effet deux "clients" : le Lillois André VANDERDONCKT (qui deviendra champion de FRANCE de cross cyclo-pédestre en 1933) et le Lensois Charles VAAST, champion de FRANCE en 1934 de cette même spécialité et "Champion du Monde" 1939. Quelle extraordinaire génération pour les "ch'tis" ! 

Sa prestation du championnat de France interclubs a tant impressionné, qu'il est annoncé comme favori du Critérium International Cyclo-Pédestre ( qui constituait alors l'officieux championnat du Monde de la discipline) Et, le 7 Février 1932, Aubert WINSINGUES va définitivement forcer les portes de la gloire, et de quelle manière ! Il remporte en effet l'épreuve  en surclassement : départ à bloc en tête, descente  du fameux "Trou du Diable" à vélo (le seul à pouvoir réaliser cette prouesse), et pour finir, "explosion" du record de l'épreuve dans le temps de 44'42"...  

Le seul à descendre à vélo "Le trou du diable"

Ses concurrents sont abasourdis - les Belges et les Luxembourgeois surtout -, qui doivent se contenter des accessits. Aubert a même réussi à impressionner le maître de la spécialité, Camille FOUCAUX. La presse de l'époque décrit Aubert WINSINGUES comme un coureur "nerveux", "souple", "résistant", "adroit", un "véritable acrobate".   Au championnat de FRANCE, disputé à FONTAINEBLEAU le 13 Mars 1932, il ne peut pourtant rien contre un Camille FOUCAUX assoiffé de revanche, mais non sans avoir emballé la course, l'avoir animée par des attaques répétées, et c'est seulement dans l'ascension finale de la côte pavée qui mène de La Table du Roi à la Table du Grand Maître, qu'il cède au terme d'une lutte farouche avec "le crocodile" FOUCAUX. Ce "combat des chefs" a enthousiasmé le public et la presse.  

Winsingues Bertellin et Deconinck, trio d'as du Criterium International 1932

  

On le reconnaît dès lors comme un véritable espoir, et on lui prête en ce mois de Mars 1932  l'intention de s'aligner dans les grandes classiques réservées aux Indépendants : Paris-Evreux, Paris-Rouen, Paris-Reims ...

  

Par ailleurs, aux côtés des pros Maréchal, Frantz, Merviel au sein de l'équipe LUTETIA - WOLBER, le champion nordiste Albert BARTHELEMY et son ami Henri DECONINCK, il participe au Critérium National, le premier du nom, puis à PARIS-ROUBAIX, où il récolte une belle "gamelle" qui lui vaudra des photos pas très avantageuses dans la presse sportive.

 

  

L'avenir  s'annonce riche en promesses pour lui lorsqu'un évènement va bouleverser le cours de son existence.  En Mars 1932, est inauguré le vélodrome du Croisé-Laroche. Situé sur le territoire de MARCQ-EN-BAREUIL, à proximité de la capitale des FLANDRES, il est  l'outil espéré par tous les amateurs de cyclisme de l'agglomération de LILLE, ROUBAIX et TOURCOING. 

Aubert est l'un des premiers assidus à l'entrainement sur ce nouvel anneau. Henri WALLIEZ, ancien sprinter et directeur du Vélodrome du Croisé-Laroche  et le coureur Maurice BOUCHER, qui  regardent Aubert tourner sur la piste, vont être les instruments du destin.  Leur raisonnement est le suivant : le cyclisme sur route et sur piste nordiste est encombré, pas le demi-fond. Il faut, pour courir derrière motos, des qualités physiques, du sang froid, de l'intelligence, toutes qualités qui sont l'apanage d'Aubert.  Ainsi, Aubert WINSINGUES  va t-il être aiguillé sur cette voie dans laquelle il doit normalement briller, compte tenu de ses possibilités.  Le Dimanche 29 Mai 1932, son nom figure à l'affiche du "Grand Prix des Comingmen", où il doit affronter le Parisien Maurice BONNEY et l'Italien MARCHETTA.

  

La veille, il confie à un ami qu'il se sent en méforme et qu'il préfèrerait ne pas s'aligner au départ. Mais pour ne pas contrarier le Directeur du vélodrome, Henri WALLIEZ, il n'en fait rien paraître. Dans le sillage de Colombatto, il va remporter la première manche et terminer second dans la deuxième. Il reste six tours à accomplir dans la troisième manche. Aubert produit son effort, hurle à Colombatto "Allez, Allez ! " 

A droite Aubert Winsingues, quelques instants avant l'accident

L'équipage arrive à la hauteur de BONNEY au moment où celui-ci passe MARCHETTA, dans la sortie du virage de la ligne d'arrivée. A ce moment, le pneu de la moto de Colonna, l'entraîneur de BONNEY qui était déjà passablement dégonflé depuis plusieurs tours éclate, casse sa roue et, en culbutant, renverse MARCHETTA et son entraîneur Borgatti.  Pour éviter Bonney, Colombatto rase la balustrade, serré par la moto de Borgatti, choisit de se coucher 40 mètres plus loin pour ne pas rentrer dans la foule. Mais derrière, WINSINGUES a  heurté les balustrades.  Les trois entraîneurs sont au sol, et l' une des motos vient faucher l'attirail du marqueur de tours. 

Immédiatement, les trois coureurs sont amenés à l'infirmerie du vélodrome. BONNEY, qui a eu l'arcade sourcilière gauche ouverte, et MARCHETTA, victime de quelques brûlures sans gravité, se tirent bien de l'affaire, et repartent le soir même pour PARIS. Aubert lui est transporté à l'Hôpital de LILLE Saint Sauveur, où il ne reprend pas connaissance.  Il  souffre d'une double  fracture à la mâchoire, de fractures du crâne et de l'épaule droite. Il est radiographié le lundi matin. Après avoir recouvré un court instant connaissance, juste le  temps de reconnaître  sa femme et son fils Roger, il sombre dans le coma. L'opération du trepan n'est pas tentée par le Professeur LAMBRET. 

 

Aubert WINSINGUES meurt le Mardi 31 Mai 1932. Le NORD et la FRANCE ont perdu un coureur de classe, si  attachant et  plein de promesses.  C'est une véritable foule qui l'accompagnera le vendredi 3 Juin 1932,  de l'église du Saint-Sépulcre à ROUBAIX jusqu' à sa dernière demeure, au cimetière Municipal. Le deuxième convoi prévu pour recueillir les fleurs et plaques n'est pas suffisant pour recevoir tous les témoignages apportés ce jour-là.

 

Camille FOUCAUX, son adversaire valeureux, est venu spécialement de la région parisienne lui rendre un dernier hommage. Et bien sûr ses camarades Nordistes VAAST, VANDERDONCKT, DECONINCK, LENGAGNE,  BOUCHER suivent le convoi funèbre au milieu d'une foule respectueuse et recueillie.

 

Un ange est passé, qui n'aura même pas pu goûter son temps de gloire... N'essayez pas aujourd'hui de retrouver l'emplacement de sa tombe. La concession en est  expirée.  Il ne reste d' Aubert WINSINGUES que ces quelques émouvantes photos, témoins d'une existence trop brève et si tragiquement achevée.

 

Alors, ne conservons que le souvenir de ce coureur attachant, si plein de mordant et d'adresse, qui dévalait avec une habileté étourdissante le "Trou du Diable", et méditons, en nous attardant sur l'expression de ce visage plein d'intelligence et de mélancolie, sur l'injustice du sort, qui nous a privé trop tôt d'Aubert WINSINGUES, mort à l'aube de sa vingt-sixième année et d'une carrière prometteuse, en accomplissant son métier de coureur cycliste,  laissant après lui pour affronter l'existence une veuve et un fils de trois ans qui n'aura pas eu le temps de connaitre  son père...

 

Pour l'éternité cycliste, ce portrait, réalisé après sa disparition, des médailles et le glorieux maillot du Critérium International ...

 

 Epilogue : Ce jour tragique de Mai 1932, son camarade Henri DECONINCK l'avait remplacé sur un contrat qu'Aubert lui avait demandé d'honorer à sa place. Cette même année, quelques mois plus tard, Henri DECONINCK, l'autre grand espoir du cyclisme nordiste, télescope en course durant le Circuit de l' OUEST une voiture. Soigné à l'hôpital de BREST, il en ressort estropié. Le palmarès de cet autre grand espoir s'arrêtera à l'année 1932, lui aussi...

 

 


 

Patrick POLICE - mis en ligne le 14 Janvier 2016  pour STAYER FR le - transféré sur STAYER FRANCE le 20 Juin 2020.

Sources : l'Auto; Paris-Soir;   Le Dimanche de Roubaix Tourcoing; Le Grand Hebdomadaire Illutré de la région du Nord de la France; fonds personnel de la famille Winsingues; Journal de Roubaix; Le Réveil du Nord; Le Cyclisme Nordiste de Pascal Sergent.

 Je remercie tout spécialement Mr Philippe WINSINGUES son petit-fils, qui m'a ouvert largement l'album de photos familial.  Je remercie aussi  Bernard  DECONINCK, le fils du camarade d'Aubert, le champion nordiste Henri DECONINCK; Pascal SERGENT, pour avoir écrit  l'ouvrage qui a été le point de départ de ce sujet;  Etienne HAREL, qui a été un intermédiaire essentiel ...

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Forget - Mai 2020
Bonjour
Venant de découvrir votre site je tiens à vous remercier pour votre travail d'historien à part entière d'une discipline assez méconnue du cyclisme.
J'ai beaucoup d'admiration pour ces hommes pour la plupart issus du peuple et leur courage. Ils méritent que l'on fasse vivre leur mémoire, c'est un pan de notre histoire.
Félicitations d'essayer à continuer à faire vivre ce sport.
Bien à vous.

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Philippe Winsinhues - 22 Juin 2020

...Merci pour votre publication pour faire vivre ce sport encore mal connu à mon sens...

...Je ne serais encore vous remercier pour l'intérêt que vous apporter à mon grand père, je n'ai malheureusement

pas encore eu l'occasion de remercier également monsieur Pascal SERGENT, pour toutes les publications dans les journaux et livres qu'il a publié  et ce depuis des années ...

Aubert WINSINGUES…  un ange est passé sur l’autodrome 

 

 Il est d’une adresse diabolique, adresse qu’il a pris l’habitude de peaufiner en défiant les lois de l’équilibre au gré des rails de tramway de l’agglomération lilloise…. Dans son terroir nordiste, et même jusqu'en Belgique, la réputation de ce Roubaisien souple et racé n’est plus à faire. Il est bon routier, excellent pistard, cyclo - crossman supérieur.

Dès l’hiver 1931, il intrigue les observateurs parisiens, en remportant le championnat de France Interclubs de cyclo-cross sur le circuit cyclo-pédestre de l’autodrome de Linas-Montlhéry. Il  n’est donc plus tout à fait un inconnu pour le public parisien lorsque le 7  février 1932, il étrille le gratin européen du cyclo-cross lors du Critérium International cyclo - pédestre. A cette occasion, il chavire les foules et les chroniqueurs parisiens en étant le seul à franchir le redoutable  « Trou du Diable » à bicyclette. L’image passera à la postérité.   

   

Quinze jours plus tard, il  réussit sur le circuit de l’autodrome, entre le virage du Gendarme  et le raccordement de Bailleau un nouveau hold-up sur le championnat de France Interclubs, avec ses camarades des Halles Sportives Lilloises.

Une autre quinzaine de jours plus tard, Aubert Winsingues pousse dans ses derniers retranchements le superman de la spécialité, «  Le crocodile » Camille Foucaux, dans un homérique championnat de France disputé en Forêt de Fontainebleau.

 

Oui, en cette année 1932, Aubert Winsingues est entré « dans la cour des grands ». Il va d’ailleurs étalonner et monnayer son talent sur épreuves nationales sur route et au gré des contrats sur piste auxquels sa renommée grandissante l’amène à prétendre.Le dimanche 29 Mai, il n’est pas dans sa meilleure forme pour disputer le « Grand Prix des Comingmen » à Marcq-en-Bareuil, une épreuve derrière motocyclette. Sur l’anneau du Croisé Laroche, les manches se succèdent, carrousel vrombissant de cuir et d’acier. On tourne à quatre-vingt-kilomètres à l’heure, et davantage, dans le sillage des motos. C’est  la dernière manche. Aubert, l’enfant du pays,  se doit d’aller chercher la victoire pour son public. Il reste dix tours à accomplir. 

Un document : quelques minutes avant l'accident qui devait lui coûter la vie, Aubert Winsingues (au centre)

Allez, il faut se faire à nouveau violence… Hurler à l’entraîneur à moto de monter en tours dans l’infernal tourniquet. Et malgré la lassitude, assurer le spectacle, en bon ouvrier… Accélérer, à s’en brouiller la vue, pour arriver à la hauteur de Marchetta et Bonney  au coude-à-coude.  

Soudain,   Bonney  part devant lui en zig-zag,  après que la  formidable détonation d’un boyau qui éclate ait retenti. Bonney percute  Marchetta,   les entraîneurs à motos  chutant à leur tour. 

Vite, Aubert doit, en une fraction de seconde, trouver le trou de souris à travers lequel il pourra s’infiltrer et éviter ainsi l’horrible choc. Il reste  un tout petit passage, en haut du virage… mais  étroit…  si étroit…  A près de quatre-vingt-kilomètres à l’heure, Aubert Winsingues   percute, dans un vacarme épouvantable, la balustrade du virage.   

Emmené à l’hôpital de Lille Saint Sauveur. Il y arrive dans un état pitoyable : fractures du crâne et de l’épaule. Double Fracture de la mâchoire.  Aubert, l'archange du cyclo-cross, s’éteindra le mardi 31 Mai 1932.   Il n’enchantera plus de ses prouesses le circuit cyclo-pédestre de l’autodrome.  A vingt - six ans, il laisse  une veuve, un orphelin, et un cyclisme nordiste en deuil.

 

Ce texte a été réalisé dans le cadre d'une plaquette éditée pour la présentation du livre :

L'épopée du cyclisme sur l'autodrome de Linas-Montlhéry


 

 

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