BORDEAUX-PARIS 1937 :
UN DERBY TROP LOIN ou P... DE CAMIONS
Depuis 1931, Bordeaux-Paris, le « Derby de la Route » comme en expiation à la carambouille de l’édition de l’année précédente dont « le Grand » Francis Pélissier avait été la victime (cf. STAYER FR Bordeaux-Paris 1934 : "Un Bordeaux-Paris sous le même soleil"), se dispute selon la formule derrière motocyclette.
Les engins d’entraînement ? De robustes Terrot 350 cm3, qui écriront sept exercices durant, pétarades et fumées mêlées, moultes séquences homériques d’une histoire qui en était déjà pourtant fort riche. Sept Bordeaux-Paris furieux, bruitifs et épiques, mais qui vont inexorablement conférer à l’épreuve la réputation d’une course d’épouvante.

Car chaque année la liste des candidats au Derby de la Route s’étiole… Il faut reconnaître que ses lauréats successifs ont eu la fâcheuse manie de ne jamais y renouer avec une nouvelle victoire, comme s’ils avaient été « carbonisés » par cet ardent périple au pays du sur-régime. C’est vrai que près de 600 kilomètres à plus de 45 de moyenne, « ça use, ça use » un coureur…
Pour ne rien arranger, depuis 1934 l’organisation a choisi la surenchère, en faisant disputer l’épreuve derrière motos de bout en bout, sous un même soleil ( cf. STAYER FR Bordeaux-Paris 1934 : "Un Bordeaux-Paris sous le même soleil" ) Spectaculaire, la recette. Mais redoutable. La première du genre a été celle du triomphe d’un total outsider, le Français Jean Noret, téléguidé et transcendé par son génial mentor, Francis Pélissier.
L’édition suivante a vu la victoire d’un néophyte de classe, le Belge Edgar de Caluwé, qui a pulvérisé au passage le record de l’épreuve à 46.770 km/h de moyenne ! Au terme d’une course complètement frapadingue, sorte de poursuite au (très) long cours disputée sur le mode « à toi-à-moi » avec le Français Jules Merviel pendant plus de cinq-cents kilomètres (!), le néophyte belge découragera le retour fantastique dans le final d’un autre Français, Julien Moineau. De Caluwé a à peine vingt-deux ans, l’âge des certitudes non éprouvées, et une faim de loup. Ce futur vainqueur du Tour des Flandres a du talent à revendre et une totale méconnaissance des affres qui attendent le candidat embarqué dans cette aventure hors-normes. Somme toute, le profil idéal pour foncer plein gaz de Bordeaux au Parc des Princes dans le sillage de centaures cuir-assés et semer le bruit et la stupeur dans villes et villages de la France profonde comme dans un film de Roger Corman.
Las, quand De Caluwé « repiquera au truc », ce sera du bout des pédales, et plus jamais pour un parcours gagnant. Comme avant lui les autres lauréats, Bernard Van Rysselberghe, Romain Gijsels, Fernand Mithouard ou Jean Noret. Tous vainqueurs éblouissants, mais tous tricards d’un second bouquet sur l’épreuve. Un peu comme si ces Derby de la route derrière motos vous marquaient le subconscient au fer rouge et vous remettaient en tête une fois quitté les Quatre Pavillons le chemin de croix speedé subi l’exercice précédent, le rouleau toujours fuyant de la Terrot et la litanie des bornes kilométriques défilant de Bordeaux à Paris …
L’édition 1936 achèvera de faire réfléchir les plus hardis. Son vainqueur, l’énergique Paul Chocque, a littéralement rouleau-compresseurisé la course cette année-là, éparpillant ses suivants à vingt-deux minutes et plus… Avec la victoire de ce coureur aguerri et mûr, on se prend à croire à la possible normalité d’une épreuve redevenue abordable. Mais Paul Chocque n’est pas candidat à un nouveau rallye pour 1937… Ben voyons... Une raison supplémentaire pour nourrir la méfiance des potentiels candidats, dont la prudence est de toute façon abondée par la ladrerie de maisons de cycles sans audace, ou par la frilosité de directeurs sportifs qui ne balancent pas longtemps entre gestion pépère d’un team et quête hypothétique de légende…
Décidément oui, Bordeaux-Paris est bien devenue une course qui fait peur. Pour ce millésime 1937, le record (!) de 1935 (8 partants) est à deux doigts d’être battu. Pourtant, les noms de Cloarec, Mauclair, Moineau, Merviel, Lauck, Bertocco, de Terreau le stayer, de Jean Maréchal, Marcel Laurent, des Belges Daneels, Walschott, Vlaeminck et De Caluwé, du Hollandais Van Schendel et des espagnols Canardo et Montero sont claironnés au gré des éditions du journal organisateur L’Auto… Quel plateau potentiel ! Mais ces noms sont lancés en pâture aux aficionados de l’épreuve comme autant de leurres. Et le 24 Mai, jour de clôture des inscriptions, le bilan des volontaires pour le Derby de la Route sera bien maigre, avec seulement onze candidats répondant à l’appel du journal l’Auto : une vraie peau de chagrin. Avec ça, trois grands noms seulement à l’affiche : les Français Roger Lapébie et Georges Speicher, et le Belge Frans Bonduel (troisième de l’épreuve en 1931 et second l’année suivante). Malgré leurs déclarations à la presse un brin fanfaronnes, nul besoin d’être grand clerc pour deviner que ces ténors ne sont là que pour cacher la misère. La bedaine naissante du champion belge paraît d’ailleurs bien difficile à cacher aux observateurs, et la proverbiale nonchalance de Georges Speicher apparaît un peu surjouée, tout comme la trop joviale bonhomie affichée par Roger Lapébie.

Les autres ? Pas franchement des têtes d’affiche, comme les Français Auville (pourtant récent vainqueur de Paris-Vimoutiers), Debenne, Terreau, Moineau, l’inusable Benoît Faure, et le vainqueur de l’édition 1934 Jean Noret. Ah oui ! Nous allions oublier deux néophytes : le Belge Somers, et l’Asniérois Louis Thiétard. Du bout des lèvres, Pierre Pierrard, le boss de l’équipe Mercier s’est décidé – pour faire nombre et afin que l’organisateur cesse enfin de le harceler – à lancer un jeune (vingt ans) flamand de la région d’Anvers, Joseph Somers. Robuste garçon. Endurant. Seul soutien d’une famille nombreuse. Et – cerise sur le gâteau - ignorant absolument tout de l’aventure dans laquelle il est engagé. Ça ne vous rappelle pas quelqu’un ? Par ailleurs, ne parlant pas un mot de français. Son palmarès ? Rien de bouleversant depuis ses victoires chez les amateurs et indépendants, mais quand même une victoire dans une étape du Tour de Belgique et une place de 3 dans le récent Paris-Rennes, qui peut suggérer l’homme en forme. Culotté le garçon en plus : lorsqu’on l’interroge sur sa participation, validée au terme d'un essai convaincant derrière moto (une première pour lui !) autour de l’hippodrome de Longchamp, il répond « Si ça me plait ?… C’est un boulot comme un autre... ! »... « J’aurai vingt ans à la date de Bordeaux-Paris. Je veux m’offrir un bel anniversaire ! » Intrigué, le journal organisateur L’Auto, dans son édition du 29 Mai, fait un peu monter la sauce à son sujet et ose : « Somers ? Un bouledogue accroché à un fond de culotte ». Il sera moins prolixe lorsqu'il s’agira d’évoquer la participation du Français Thiétard, pourtant récent vainqueur en début de mois de la Polymultipliée, même si le journaliste Claude Tillet suggère qu’il pourrait bien causer la surprise.
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Un Bordeaux-Paris sans Francis Pélissier, c’est un peu comme un plan de reprise sans licenciements, ou encore une sortie de ville sans fast-food : inenvisageable. « Le Sorcier de Bordeaux-Paris », black listé et en procès avec la maison Mercier, suivra donc la course… mais en voiture, pour le compte du quotidien Ce Soir. Et pas question de le voir interférer sur le développement de l’épreuve, et suivre ou conseiller un quelconque coureur ! Les autres directeurs sportifs, autant craintifs que mesquins, l’auront à l’œil, tous prêts à porter le pet auprès des commissaires en cas d’intervention de sa part. Pourtant, difficile d’imaginer « le Grand » ne pas trouver un moyen de faire parler – même en coulisses – sa science de Bordeaux-Paris, à un moment ou à un autre de la course. Affaire à suivre...

11 = 9. Patatras ! Deux jours plus tard, le champion de demi-fond et vainqueur du Criterium des AsErnest Terreau, qui a eu l’imprudence de déclarer à la presse au moment de sa candidature « Quand on tient 100 on tient 600 ! (kilomètres n.d. STAYER FR) » se retire piteusement, en arguant ne pas vouloir gâter son coup de pédale de stayer. Retrait plus lourd de conséquences, celui de Julien Moineau, un acteur souvent placé dans les éditions précédentes. Il se juge insuffisamment prêt pour affronter les rigueurs d’une épreuve qu’il connaît trop bien.
La peau de chagrin a rétréci… Décidemment, Bordeaux-Paris inspire toujours autant la crainte.
Bordeaux. Dimanche 30 Mai. Trois heures du matin. Les motos sortent du parc fermé du Garage Bacqueyrisses où elles étaient parquées depuis la veille 14 h, bien à l’abri des éventuelles roublardises des pacemakers. On y vérifiera l’habillement (même les sous-vêtements !) et le matériel, vélos y compris (entre-axes de 61 cm et roues de 700, opération de plombage obligatoire)

Quatre heures. Sous les yeux de milliers de personnes venues assister nuitamment à un rituel fascinant, le groupe s’ébranle, direction le parc réservé des allées de Tourny et les opérations de contrôle au Grand Café du Commerce. A quatre heures quarante-cinq pétantes voici les concurrents rassemblés devant le Grand Café, dans l’ordre qui leur a été attribué par tirage au sort : Bonduel, Lapébie, Noret, Speicher, Debenne, Thietard, Auville, Somers et Benoît Faure à la queue leu-leu. Dix minutes plus tard, les camionnettes attachées aux coureurs démarrent dans l’aurore en file indienne. Pendant ce temps, devant le Grand Café, les Terrot pétaradent leur impatience.
Côté coureurs et pacemakers, on gamberge ferme sous les casques. Cinq heures : le vénérable Maurice Martin à la barbe fleurie, fidèle au Derby depuis sa première édition en 1891 ( !), donne le départ de la quarante-troisième édition.
Au même moment, une trentaine de kilomètres plus loin, un peu après Cavignac, une voiture a déjà taillé nuitamment la route. Elle a pour fonction d’informer par micro les spectateurs massés au bord des routes, sur la foi des renseignements envoyés par une voiture émettrice et des estafettes motocyclistes qui renseigneront le chef de reportage, Robert Perrier. Ce système de transmission par T.S.F. constitue une première. A cette encombrante escouade il faut rajouter la caravane publicitaire constituée de lourds et pesants (dans tous les sens du terme) camions… Un bazar chamarré, brinquebalant, poussif, flirtant à chaque tour de roue entre le ridicule et le dangereux.
On déambule dans la cité bordelaise à vingt-cinq / trente km/h, le cortège des équipages se dirigeant maintenant vers les Quatre Pavillons. C’est le moment pour Jacques Goddet, rédacteur en chef de l’Auto, juché sur la Bugatti 3 litres 3 pilotée par l’as du volant Jean-Pierre Wimille, de lancer la « bombe » (un pétard) actant le départ réel. Le jour s’est levé depuis un moment, il est 5h 35 exactement : Bordeaux-Paris 1937 est lancé !
Départ violent, « à la manette » : soixante-quinze à l’heure et plus ! La méthode rendue fameuse par Francis Pélissier a fait florès. Bonduel s’est rué en tête et mène grand train. Las ; il crève bientôt dans la côte pavée de Saint-André-de-Cubzac (km 17), et dès lors, le temps de changer de machine, il est ventilé par un Roger Lapébie éclaboussant de puissance. Cinq minutes de totale furie, pour donner le ton de la journée.
Certes, la brève passe d’armes entre les deux champions a eu de l’allure. Pourtant, leur empressement à en découdre si tôt dans la course ne ressemble- t-il pas à celui de deux hommes bien empressés à donner le change et sachant déjà en leur for intérieur jusqu’où ils pousseront l’aventure ? Le style impeccable de Roger Lapébie - bien qu’assez intrigant (le futur vainqueur du Tour est positionné très en avant sur sa machine, façon stayer) - déchaîne en tous cas le lyrisme des suiveurs, littéralement sous le charme. C’est vrai qu’il dégage une impression de puissance sereine et compacte, qui rassure, et éblouit.
59.800 kilomètres ont été abattus dans la première heure. Lapébie a traversé comme une flèche Chevanceaux, avec à ses trousses son « équipier Mercier » Somers, pointant à 58’’, lui-même suivi à distance par l’inattendu Thietard à 1’45’’. Bonduel quant à lui effectue un superbe retour pour recoller à la tête de course : hélas, il sera bientôt victime d’une seconde crevaison du côté d’Angoulême.

Six heures cinquante-deux du matin. Barbezieux (km 77), la porte des Charentes. Roger Lapébie brûle le macadam comme en se jouant, impavide et royal. Jacques Goddet, qui a battu l’hiver et le printemps durant le rappel des bonnes volontés, se réjouit de voir l’as de chez Mercier honorer d’une victoire - que chacun voit déjà écrite - le prestige de ce Derby de la route qu’il affectionne tant.
On fait les calculs en voyant passer la fusée couleur violine : 58.400 km/h de moyenne ! Mais Somers, l’épatant outsider belge, fait mieux que résister, puisqu’il pointe maintenant à quarante-sept secondes seulement du taureau bordelais. Attention « Jeff », t’es pas tout seul, comme aurait dit Jacques Brel ! Car voici que rapplique Louis Thiétard, qui s’est insinué ni vu-ni connu dans la smalah motorisé de son adversaire, fantomatique et furtif parmi la noria des motos et camionnettes. Mais bien vite, l’Anversois va s’employer ferme pour déloger le squatteur. Il sera aidé en cela par l’absence de la camionnette-suiveuse du Français. Ne pouvant bientôt ni s’hydrater ni s’alimenter, Thietard devra vite mettre les pouces.
"Non Jeff, t'es pas tout seul". Car dix minutes plus tard, dans la côte de Pont-à-Brac, voici Somers qui fond sur le carnaval motorisé qui essaime autour de Roger Lapébie. Et les deux hommes vont lutter coude-à-coude dans le sillage des Terrot, Lapébie semblant arracher le bitume avec son énorme braquet (plus de huit mètres !). Dans la descente de Pontignac, Somers réussit à lui prendre quelques distances et à Roullet (km 99), c’est lui qui aura le privilège de réveiller les villageois du cru. Il est sept heures trente du matin et force est de constater qu’il a proprement « déposé » le champion français !
Nous sommes aux alentours de la deuxième heure de course. Un tantinet vexé de l'issue de cette passe d'armes, Lapébie rumine sa vengeance. Lorsque Somers traverse Angoulême (km 110), il le file à cinq secondes, prêt à dégainer. Thiétard, lui, aborde la cité du Circuit des Remparts plus d’une minute après les deux faux-frères. Speicher, Benoît Faure, Noret, Bonduel débouchent ensuite, échelonnés dans une fourchette de cinq à huit minutes. Auville quant à lui navigue déjà à plus de neuf minutes du duo de tête, et le pauvre Debenne plus loin encore. La moyenne horaire de la seconde heure de course est descendue de quelques crans : 54.700.
Treize kilomètres après Angoulême, du côté de La Chignolle : voici l’endroit où Roger Lapébie, admirablement drivé par Van Ceulen, choisit d’estoquer promptement Somers. Sur un coup sec la contrariété Somers est balayée : la route vers le Parc des Princes semble dégagée maintenant. Et elle le paraîtra plus encore lorsque, du côté de Ruffec, au kilomètre 153, on lui rapportera que Frans Bonduel - pas fâché quant à lui de voir ses chances anéanties – a quitté la course.

Roger Lapébie, escorté par Paillard et Van Ceulen, aborde maintenant à plus de cinquante à l’heure le département de la Vienne. Derrière, Somers, vaguement sonné, crapahute désormais à trois minutes ! Le récent vainqueur de Paris-Nice semble à ce moment irrésistible : il « colle » à la perfection à la moto, et son abattage reste impressionnant. Toutefois, avant Croutelle (km 212) ne voilà- t-il pas qu’il change soudain de vélo, afin d’adopter un développement moins « lourd » ? Dîtes, tout à fait entre nous, la belle machine ne serait-elle pas en train de se dérégler ?
Apparemment non, puisqu’ avant Poitiers déjà écrasé de chaleur (km 219), qu’il investira sur le coup des neuf heures vingt-cinq, son avance sur Somers [qui, au contraire de son rival, s’est débarrassé de son casque de pistard], est montée à 5’40’’ ! Il est 9 h 43, une chaleur de plomb fondu commence à recuire la ronde infernale. L’avance de Lapébie est montée en flèche, certes, mais la moyenne horaire, elle, est descendue de même : 50 km 200 ! On apprend que Auville et Noret – exit l’insolent vainqueur de l’édition 1934 – ont pour leur part abandonné, sans avoir à aucun instant pesé sur la course.

Le troisième homme du début de course, Louis Thiétard, ne semble plus quant à lui en mesure de revenir sur le duo de tête : lorsqu’il pénètre dans le chef-lieu de la Vienne, son débours est déjà de 9’45’’. Deux minutes après son passage apparaît « la Souris », le Stéphanois Benoît Faure, et il faut attendre encore quatre minutes pour voir arriver un Georges Speicher apparemment pas très concerné.
Châtellerault déjà moite de chaleur (km 253) se rafraîchit du passage en coup de vent de Lapébie sur le coup de 10 h 45. Mais quatre minutes seulement après lui s’annonce un Somers rageur, suivi trois minutes plus tard de Thiétard. L’avance de Lapébie va dès lors fondre sous le soleil ardent. Sa cadence, impériale jusque-là, se gâte désormais de séquences de danseuse de plus en plus rapprochées. Aux approches de Dangé (km 267), pour lui il y a désormais… danger (Désolé !) Car il devient évident que le "lévrier" belge - les journalistes ont finalement opté pour le "lévrier" de préférence au "bouledogue" - se rapproche maintenant inexorablement du futur vainqueur du Tour de France. Dix kilomètres plus loin, l’avance de Roger Lapébie a fondu de trois minutes supplémentaires : il ne dispose plus que d’un pauvre capital de soixante secondes d’avance sur Somers ! Effet de l'astre du jour qui depuis un moment darde de méchants rayons sur les nuques et les dos des coureurs, sans épargner les entraîneurs qui commencent à baigner cruellement dans leur jus ? Sanction d’un sur-régime ? Ou conséquence de l’imprudente position en machine adoptée par l’ex-champion de France ?
Après Port de Piles (km 276), le champion français pénètre en Indre et Loire, escorté par une aura d’inquiétude journalistique. Deux kilomètres plus loin, à La Celle Saint Amand, il est à l’évidence « dans le dur ». Et puis d’un seul coup, au kilomètre 283, à l’approche de Sainte-Maure (km 288), la belle mécanique s’enraie définitivement. La vitesse du leader ne dépasse bientôt plus guère que celle d’un joggeur apoplectique. Le dos de notre Roger national semble se cimenter un peu plus à chaque coup de pédale. Et le voilà qui décélère maintenant tout à fait, jusqu’à décoller du sillage de la moto, direction un arrêt-fossé pas très maîtrisé, achevé face contre l’herbe. Son frère Guy saute dès lors, fou d’inquiétude, de la camionnette-suiveuse de laquelle il l’entourait depuis Bordeaux de ses soins attentifs. Quand il le relèvera, Roger Lapébie, pétrifié façon momie, pourra voir comme dans un mauvais songe le Somers qui passe...

« Les reins docteur… les reins ! » Frère Guy, bouleversé, l’incite, (pour la galerie ?) à remonter en selle : « Allez Roger, on repart ! » Tu parles, Charles… Au bout d’un kilomètre, il faut se rendre à l’évidence : il est « kaputt » l’ex-vainqueur déclassé (si injustement) de Paris-Roubaix 1934. Abattement total des suiveurs… Tel un maquignon, Jacques Goddet va jusqu’à tâter le siège des douleurs de son favori, des fois qu’il y ait eu tromperie sur la marchandise…

Mais non, l’homme est bien « h.s », « plombé » pour de bon, des billes d’acier s’entêtant à s’entrechoquer dans ses reins. C’est une catastrophe pour l'organisateur. Pensez-donc : « son » Bordeaux-Paris va revenir à un sans-grade, un quidam, un obscur... Et le directeur de la course de blêmir : " Encore faudrait-il qu’il reste des concurrents sur la route !" s'alarme-t-il soudain...
Et franchement, cela paraît loin d’être gagné de ce côté-là… Quelques instant plus tard, il apprendra que Georges Speicher, le dernier des favoris encore en course, a jugé bon d’abandonner après Chatellerault (km 253). L’ex-champion du Monde a déclaré nonchalamment qu’il n’a pas pu résoudre la délicate question de l’alimentation du cycliste à plus de cinquante à l’heure. Il n’en semble d’ailleurs pas plus fâché que cela. Le prestige de Bordeaux- Paris ? Pas son affaire à l’élégant Georges ! Et puis, dans une petite quinzaine, il y a un second titre de champion de France qui l’attend, sur son terrain de chasse favori, l’autodrome de Montlhéry. Là-bas, l’exercice sera davantage dans ses cordes. Au moins aura t-il réalisé dans cette perspective bonne « pige » derrière moto...

Les autres concurrents, les Auville, Noret ? Disparus ! Debenne ? Aux abonnés absents. Dans la Bugatti pilotée par Jean-Piere Wimille, Jacques Goddet, fait les comptes, désemparé : en tête, un Belge inconnu. Derrière, loin derrière, le terne Louis Thiétard, l’antithèse d’une vedette. Et encore plus loin, deux pauvres coursiers – et pas les plus « glamour » du peloton - Benoît Faure-Mathusalem et le pauvre Roger Debenne. « Sa » course est en train de partir en quenouille… Il ne lui reste plus qu’à accompagner l’errance de ceux qui restent encore sur la route. Drôle de pensum.
Pendant ce temps, Somers a littéralement avalé la côte de Sainte-Maure dans un style impressionnant. A Montbazon (km 310) il affronte sans panique un passage à niveau fermé, qu’il franchit à pied.

Quand il approche des faubourgs de Tours (km 322), il est muni d’un solide viatique : douze minutes d’avance sur son suivant immédiat, Thiétard, désormais à l’agonie.
Mais ’attend désormais l’épreuve de la route des bords de Loire : cent-dix-huit kilomètres dans la fournaise, sans aucun abri !... Maintenant Jeff, t’es bien tout seul !

Et puis bientôt, voici une rumeur, qui court de bouche en bouche : Benoît Faure aurait abandonné ! Panique dans la caravane sur fond de débandade annoncée.
On sera à peine rassurés lorsque l’on se fera confirmer un peu plus tard qu’en fait le Stéphanois a été heurté salement dans Tours par une voiture qui s’est éclipsée illico. La foule a entouré la « Souris » de sa sollicitude, et insisté pour le diriger vers l’hôpital le plus proche. A deux doigts d’obtempérer, notre homme a été vertement arrachée des griffes de la foule par ses entraîneurs indignés, et remis en selle après une engueulade ( !) soignée de son pacemaker Chardon, sur fond de « De mon temps, il y avait des vrais champions, plus courageux !… » Ouf ! Il reste donc bien quatre concurrents sur la route de Bordeaux à Paris. Mais le boulet n’est pas passé loin.
A Amboise (km 348) Thietard, ratatiné sur son guidon, passe la Loire façon spectre, somnanbuliquement collé à la moto de son entraîneur Lehmann. Quelques quidams apitoyés murmurent en voyant passer le maillot rouge et blanc, comme gênés d'applaudir au passage de ce qui ressemble à un convoi funéraire... « Il y a longtemps que Somers est passé ! » ose même souffler en sa direction un spectateur un brin sadique… La Loire passée, il est temps pour Louis Thiétard, dans un état second, de procéder in petto à l’inventaire des malheurs qui l’ont accablé depuis le départ... Sa camionnette-suiveuse d’abord , qui a pris feu peu après le début des hostilités. Résultat, tricard de nourriture pendant cent bornes et plus ! Et puis il y eu cet arrêt en bord de Loire. Là, après avoir été ravitaillé - sur le mode minimal - par un motocycliste de secours, il a dû stopper net et poser le pied suite à l'apparition d’inquiétants saignements. Et quand, enfin, il a pu se sustenter c’est pour aller directement « au refile », avec une belle régularité. Depuis, rien, absolument rien, ne lui tient au corps. Sale journée, vraiment.
13 h 23. Blois (km 383) constate le passage d’un Somers désormais laborieux et grimaçant, déchirant à grand-peine la touffeur ambiante. Au même moment, Thiétard s'éteint lui doucement du côté des bords de Loire, quatorze minutes derrière le Belge ! C’est peu de dire qu’il est au bord de l’abandon : cet abandon, il le souhaite, il le veut, le désire, l’implore même ! A Beaugency (km 414) notre homme est encore plus mal, si possible ! Dans la camionnette-foire-à-tout qui le flanque, l’ancien coureur Philippe Bono, et Jean Noret - qui a abandonné avant Poitiers et pris place parmi les copains – jouent sans y croire à leur camarade la partition du réconfort, aidé par Pierre Jaminet et « coach » Evrard. C’est à qui mentira le plus au malheureux : « Somers est encore moins bien que toi, Louis ! Il va abandonner ! »… « Tu dois continuer : il y a douze sacs à la clef ! » Saoûlé de jactance, assommé par l'infernal cagnard qui écrase les bords de Loire, la tête et le ventre vides, Louis Thiétard alterne pour toute réponse séquences de pédalage désordonnées et vomissements furtifs. Sur ces entrefaites, un Jacques Goddet aux quatre-cents coups s'est rapproché du convoi. Il s'est décidé à prendre le relais des conjurés de la camionnette. Et le voici abjurant le moribond à ne surtout pas renoncer. Mais ses sermons restent sans effet : Thiétard n'est plus qu'un mort qui pédale...

Alors, après les coups de semonce, la grosse artillerie s'impose. Aux grands maux, les grands mots ! Le directeur de la course assène au cadavre roulant l'argument suprême, définitif : « Si vous finissez la course, vous ferez le Tour de France ! »
Thietard a semblé avoir entendu l'annonce divine, et on jurerait l'avoir vu secouer vaguement la tête… Eh… c'est que la chose est à considérer quand on est coureur professionnel, même si on est " à la cave", et au trente-sixième dessous…
Si c'est bien la misère derrière, devant, loin devant, il ne faut pas croire pour autant s'imaginer que c’est la fête pour l’homme de tête,qui commence à s’inquiéter auprès de ses entraîneurs du nombre de « bornes » restant à parcourir. « Soixante-dix ! » lui répond « au flanc » Wynsdau, en rajoutant - avec une solide mauvaise foi alors qu'Orléans est en vue - : « Allez ! Encore une heure, une heure et demie, et c’est fini ! »
La foule (considérable) est venue assister au passage des rescapés du massacre. Sur le coup de 14 h 44, elle applaudit un Somers mal en point, qui rebondit en grimaçant sur chacun des pavés infernaux du Faubourg Bannier. Et Théo Wynsdau de jeter un œil inquiet sur son coureur : c’est vrai qu’il n’a pas l’air très flambant « Jeff ». Peu après, sur la route de Cercottes, il ne sera pas plus rassuré lorsque son coureur lui réclamera une glace. " Va pour la glace..." pense-t-il. " Après tout, tant qu’il ne demande pas de l’herbe… "
Loin derrière, Louis Thiétard en perdition a été pointé à la sortie d'Orléans à 26’45’’ du coureur Anversois. La course est devenue procession. D'ailleurs, la messe est dite, la course est faite non ? Et nombre de journalistes commencent à remonter vers la capitale, pas plus intéressés que ça à traînasser derrière cette errance surchauffée dont il n’y a plus rien à attendre.
Dans la camionnette-ravito affectée à Louis Thietard, sur la plate-forme de laquelle Bono, Noret et Jaminet s'affairent entre vélos de rechange, cageots de bananes, gâteaux de riz, caisses de bière et glacières, on est sur des charbons ardents. La diatribe de Jacques Goddet a mis ce petit monde en transe. On débat, on indétermine, on perplexe, on indécise, on brainstormise… Quelqu’un connaîtrait-il la recette qui permet de ressusciter un coureur moribond ?... Rien. Nada. No-thing... Jusqu'à ce que, au plus profond de son désarroi, Philippe Bono entende une voix, pas forcément céleste…
Car c'est celle du « Grand » Francis Pélissier, "le Sorcier de Bordeaux-Paris". En thaumaturge incognito, il lui a instillé les paroles sacrées. Sur ses conseils feutrés, le soigneur prend alors résolument l’initiative que commandent les circonstances : réveiller le « mort ». Pour ce faire, « karcheriser » l’estomac du cadavre au… Pernod pur ! Et une fois ingurgitée la potion magique du druide Pélissierix, c’est le miracle ! Un instant plus tard, on assiste au spectacle improbable d'un Thietard-Astérix reprenant peu à peu ses esprits, puis entreprenant de rembobiner en mode accéléré les minutes de retard accumulées depuis les bords de Loire. Je vous avais prévenus : Francis Pélissier a trouvé le moyen de s’inviter dans la course !
Devant, loin devant, la trajectoire du menuisier d’Anvers, un peu flottante depuis son incursion en Eure & Loir et aux approches d’Angerville, est devenue tout à fait préoccupante : « pas glop » la sortie de la Beauce pour le Flamand. Coup de pompe carabiné… Grosse souffrance… Fournaise implacable… La tête nue surchauffe : le voilà maintenant qu'il fait un pied de nez halluciné à un groupe de badauds qui ont eu le toupet de ne pas l'applaudir...

«Théo, Paris, loin encore ? »… « Soixante-dix kilomètres, c’est ça ? » Et cette chaleur à rendre fou… Wynsdau gamberge... il a bien vu que depuis un moment son poulain n’arrive plus à conserver le sillage de la moto. Et le voilà qu’il zigzague carrément sur la route maintenant, tout en vomissant sporadiquement… Soudain, Somers se met à réclamer, non plus une glace cette fois, mais… de l’herbe !
Il la demande d’abord sur un mode poli, avant d’insister bientôt avec véhémence « De l’herbe ! Je veux manger de l’herbe ! » « Jeff, qu’est-ce que tu racontes ?… Allons, rappelles-toi : douze mille francs au bout ! » lui réplique Pierrard son entraîneur, qu’une vilaine sueur froide commence à gagner malgré la fournaise ambiante. Mais le regard bleu acier à la fixité hallucinée du demandeur est de ceux qui n’invite pas aux tergiversations. Un brin (désolé pour ce pauvre à peu près) interloqué, Pierrard se décidera à envoyer ses gens à la cueillette d’une bonne poignée d'herbe folle...
Drôle d'arrêt-buffet... Et drôle de boutique que ce Derby 1937 : diététique étrange, mélanges (!) mystérieux… les plaines brûlantes de la Beauce vous ont, en ce dimanche surchauffé de Mai des allures de forêt des Carnutes. Pastis miraculeux d’un côté… Dégustation d’herbe folle de l’autre… Et qui sait quoi d’autre encore, entre bords de Loire et Parc des Princes ?… L’excellent journaliste Jean Antoine aura peut-être soulevé le rideau de l’arrière-cuisine en écrivant le lendemain : « Il aura régné dans ce Bordeaux-Paris une désagréable odeur de pharmacie… »
Somers hagard a dépassé Angerville (km 488) sans la voir, sur le coup des seize heures. Vingt et une minutes plus tard s’y présente un Thiétard désormais euphorique (Merci à notre père… nod comme n'aurait pas manqué de le dire Léo Ferré). Faisons les comptes : Somers a donc bel et bien perdu plus de cinq minutes pendant la traversée de la Beauce…
Les soigneurs du coureur français, attachés par courroie à la camionnette-suiveuse qui file à cinquante à l'heure et plus, douchent frénétiquement leur poulain au moyen d’un pulvérisateur, et le frictionnent « au vol ». Chacun dans la Chevrolet est transcendé désormais. Force est de constater, au vu des secondes qui dégoulinent au fil des kilomètres, que l’homme de Genial Lucifer est en train d’entamer un retour… diabolique (désolé... Pas pu m’empêcher).
Pourtant à Etampes (km 506) c’est un Somers nouveau qui descend de machine pour quitter le 27 x 7 et enfourcher un vélo doté de changement de vitesses, approche de la Vallée de Chevreuse oblige. Chose incroyable : le zombie hébété d’Angerville est désormais frais et pimpant. Et il vous grimpe la longue côte en sortie de ville dans le sillage de la moto de Lavalade s’il vous plaît ! Un prodige à porter au crédit de l’herbe miraculeuse ? Ou à un quelconque remède de cheval ?

Mais à Dourdan (km 523), traversée à tombeau ouvert par le miraculé au maillot vert, coup de théâtre : il ne dispose guère plus que de huit minutes et des poussières d’avance ! Un Thiétard enragé est en train de refaire son retard avec des bottes de sept lieues !
Hélas ! Temps mort dans son « opération remontada » entre Angervilliers (km 532) et Limours (km 538) : le voici obligé de rouler au pas suite à un embouteillage suscité par un arbre obstruant la route. La cause ? Un accident provoqué par un autocar homicide (un mort et quatre blessés parmi le public) qui a percuté une voiture en stationnement… Au grotesque de la caravane publicitaire-bazar, cahotante et dangereuse, s’est ajoutée la touche tragique d’un drame de la route. Louis Thiétard a dû mettre pied à terre pendant que ses pacemakers s’attachaient à faire passer leurs motos par-dessus l’arbre couché. Puis, sans un regard pour les corps et les tôles broyés, l’équipage infernal a repris en mode forcené sa poursuite luciférienne (J’insiste : Genial Lucifer)
A Buc (km 551), la ridelle de la camionnette Chevrolet où est placardé le nom de Somers est enfin en vue de la caravane-Thiétard ! Mais le Belge oppose une fameuse résistance. Parmi les rares suiveurs encore présents, certains trouvent trop beau le scénario du retour miraculeux !

Après tout, qui sait si Somers et ses sbires motorisés n’ont pas depuis quelques kilomètres décidé de couper un peu les gaz pour gérer la fin de course ? Pourquoi pas… Par contre, si Somers joue la comédie du coureur en perte de vitesse, reconnaissons qu’il la joue sacrément bien. Car son visage raviné par la douleur, son acharnement quasi-animal à défendre sa position et son regard lavé par toutes les souffrances de la journée se porteraient en faux contre la vénéneuse hypothèse. Et puis, en ces instants dramatiques, où sa victoire se joue à un fil, comment ne pas plutôt croire, à le voir débouler à une vitesse insensée dans Versailles, qu’il s’accroche à toutes forces et au-delà à son Graal (douze mille francs !) tel – bien vu le journaliste de l’Auto – « le bouledogue accroché au fond de culotte » ?

Dans la côte de Picardie, après cinq-cent-soixante kilomètres de course, le « Somers Circus » est maintenant à la portée d’un Thiétard qui escamote à fond de train l’auguste levée menant à Ville d’Avray. Puis c’est un obus rouge et blanc qui bascule et fond à 80 km/h et plus aux trousses du mirage Somers, direction Saint-Cloud (km 568).
La jonction est pour bientôt. Somers n'est plus qu'à trois cents mètres. Ça risque d’être juste pour jointoyer avant le Parc des Princes certes, mais l’affaire est jouable. D'ailleurs voici déjà Thiétard qui entame plein gaz le deuxième virage de la descente de la côte de Saint-Cloud. Le rond-point de la Reine approche, tout comme se rapproche la caravane de Somers... Le Parc des Princes n'est plus très loin... La jonction est toute proche... La jonction est pour… Jamais !
La faute à... un autobus ( !), qui vient de stupidement couper la route de son entraîneur ! Thiétard a déjanté consécutivement au freinage inopiné, et chuté… Il a eu beau enfourcher prestement un vélo de rechange, « elle est morte », bien « morte » maintenant.
P… de camions… Et pauvre Thiétard. La camionnette en panne d'abord, l’autocar folâtre ensuite et enfin ce bus imbécile… De quoi avoir pour longtemps les poids lourds en aversion…
Une fin absurde pour épilogue d’une poursuite de folie… Et voici un Joseph Somers sublimé qui débouche du tunnel du Parc des Princes…

Pour sa sixième course chez les professionnels, il a décroché la timbale en or. Si, dans son entourage, on a voulu jouer avec le feu – comme l’avanceront quelques journalistes - il reste alors qu’il aura mené à bien une opération-gestion bien périlleuse. Sinon, il l’aura échappé belle, tout simplement. Vingt-mille spectateurs chauffés à blanc par le final haletant mis en musique par la faconde de Georges Berretrot réservent au plus jeune des vainqueurs du Derby de la Route une ovation du feu de dieu. Et on grimpera bien davantage encore côté décibels en tribunes lorsque l’héroïque

Thietard déboulera une minute plus tard, le temps pour lui d’apercevoir Somers achever son dernier tour de piste. Vingt-cinq minutes de refaites en moins de quatre-vingt kilomètres, et tout cela pour finalement mourir à une minute et des poussières au Parc ! P… de camions !
Le vénérable Benoît Faure mettra dans sa poche la prime dévolue à l'auteur du tour de piste le plus rapide. Il n’aura au moins pas perdu sa journée. Quant au pauvre Debenne, englué dans les embouteillages des retours de voitures sur Paris, il poursuit en anonyme pendant ce temps-là un martyre inutile et rejoindra le Parc des Princes plus de deux heures après Somers. Eh oui, Bordeaux-Paris derrière motos de bout en bout est bien « la course qui tue »… au moins pour une saison.
La cérémonie officielle offrira le pénible spectacle d’un vainqueur et de son second pareillement harassés et hébétés. Un protocole-malaise pour ponctuer une course-épopée nimbées de vapeurs sulfureuses.


Cette fois, le Derby de la Route s'est hasardé trop loin dans sa quête de légende…
Bordeaux-Paris ne peut plus continuer sur la voie de la démesure… Une nouvelle recette s’impose !
Vous avez dit Derny ?




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Patrick POLICE pour STAYER FR, le 7 Juin 2019
Sources : " L’Histoire de Terrot" de Bernard Salvat ; Match L’Intran ; Le Miroir des Sports ; Paris-Soir ; Le Petit Parisien ; La Fabuleuse Histoire du Cyclisme ; L’Auto ; Miroir du Cyclisme ; L’Intransigeant ; Ce Soir ; revue Cycl’hist interview de Louis Thiétard ; Hors-série Bordeaux-Paris Coups de Pédale ; La Fabuleuse Histoire du Cyclisme ; VELO 66 ; Cyclosport ; Exelsior ; Paris-Midi ; Le Figaro ; Le Matin ; L’Humanité ; Le Journal; documentation François Bonnin.
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Le Palmarès "digest" de Joseph Somers, le plus jeune des vainqueurs de Bordeaux-Paris, l' un des rares champions belges d’avant-guerre qui aura réussi à poursuivre sa carrière au plus haut niveau après le deuxième conflit mondial :
1 m 77, Né le 29 Mai 1917 à Wommelgem - Décédé en 25 Mai 1966 à Anvers
12 victoires en 1934; Indépendant en 1936; 2ème Gand-Wevelgem 1936; 1 étape du Circuit de l’Ouest 1936; 7éme Liège-Bastogne-Liège 1936; 8ème du Grand Prix des Nations 1936; Tentative contre le record de l’heure : 43.830 km
1 étape du Tour de Belgique 1937; Bordeaux-Paris 1937
Tour de Belgique 1939 (vainqueur de trois étapes); Vainqueur d’une étape du Tour du Luxembourg 1939; Vainqueur de deux étapes du Tour de Suisse 1939; Demi-finaliste du championnat du Monde de poursuite 1939 (interrompu par la déclaration de guerre)
Circuit des 3 Villes Sœurs 1941
Grand Prix des Nations c.l.m.1943; Grand Prix de Belgique c.l.m. 1943
Grand Prix de Wallonie 1944
A Travers la Belgique 1945 1er exaequo avec Rick Van Steenbergen
Circuit des Ardennes flamandes 1946; 2ème Bordeaux-Paris 1946
1er Bordeaux-Paris 1947
3ème Bordeaux-Paris 1950
Patrick Police, pour STAYER FR
le 7 Juin 2019 & mis à jour le 2 Mai 2020

