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STAYER FRANCE  :  100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE : 100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE ex-STAYER FR est le blog du demi-fond et de l'association FRANCE DEMI-FOND. adresse mèl : fddf@dbmail.com page Facebook : @VANWOORDEN21

Publié le par Oscar de Ramassage
Publié dans : #SUR LA ROUTE DES GEANTS BORDEAUX-PARIS

 

BORDEAUX-PARIS
1985 : MORT D’UN DERBY

 

Lorsque l'on veut se débarrasser de son chien, on dit qu’il a la rage (proverbe connu)… Et cela faisait un bon moment déjà qu’il «  pesait » à ses organisateurs, le « Derby de la Route »… Marre de battre le rappel des (mauvaises) volontés chaque année, d’en appeler en vain aux vertus du « challenge à nul autre pareil », aux « valeurs » du respect du métier, à la « pérennité du patrimoine cycliste » sur fond de montée des périls… tu parles, Charles !

 Chaque année, malgré les appels au peuple, c'est la même rengaine de candidatures arrachées au forceps, de directeurs sportifs réticents et fuyants… D’autant que, comme si ça ne suffisait pas,  chaque nouvelle édition est annoncée - depuis une bonne génération déjà – dans les colonnes des quotidiens et magazines sportifs à la façon d'une complainte déprimante. On y présente, sur le mode fatigué, le Derby de la Route comme une classique hors d’âge, trop ardue pour les générations présentes, amollies paraît-il par la facilité des temps présents, et les prétendues tentations des grandes villes. Et quand ces mêmes consentent à rendre compte de l’épreuve, ils le font sur un mode bâclé, en chroniques désabusées, servies-express, entre une tranche de Tour de l’Oise et un morceau  de Giro.

Il faut reconnaître que chacun y a mis  du sien, au fil des éditions qui passent, pour précipiter la fin du « Derby de la Route ». Coureurs,  journalistes, et même organisateurs (nous verrons comment),  tous,  à un moment ou à un autre, ont fait ce qu’il fallait pour hâter l’enterrement de cette véritable épreuve de vérité.  Et "la vérité fait peur", comme chacun le sait.

Peur aux coureurs surtout, et trop d’entre eux, au fil des générations, ont préféré ne pas étalonner leur réputation à la vérité de Bordeaux-Paris. Peur aux directeurs sportifs également, circonspects, eux, devant les frais à engager dans pareille épreuve.

 Depuis quelques éditions, on sent confusément qu’il faut en finir avec cette gêneuse du  calendrier cycliste, incompatible à l’heure du prêt-à-courir et des grand-messes télévisuelles.  Comme il fallait un prétexte à des organisateurs las d’un demi-siècle d’efforts vains, et qu’on peinait à le trouver,  en cette édition 1985 s’est présentée une « tête de turc » idéale, le candidat tant attendu par les fossoyeurs impatients. Un obscur, un sans-grade, un "pas Français" de surcroît, bref, le client idéal. Il a pour nom Martens, pour prénom René, de nationalité belge.

Pourtant, sur la ligne de départ de ce quatre-vingt-deuxième Bordeaux-Paris, on est loin – qualitativement parlant -, de la pauvreté de certaines éditions précédentes, je vous en fais juge. Emargent à la liste des prétendants  Gilbert Duclos-Lassalle,  lauréat en 1982, vainqueur du Prix de Rennes, rodé aux contre-la-montre de la récente Vuelta. Victime la saison dernière d’un accident de chasse, il est surmotivé pour inscrire à nouveau le Derby de la Route  à son palmarès. Il y a Pascal Poisson, roule-toujours au coup de pédale velouté, tailleur de bouts-droits patenté chez l’équipe Renault, et plutôt dans le coup à la récente Flèche Wallonne, qu’il a bouclé dans les dix premiers. 

Pascal Poisson et Gaston Dewachter, en 1984  - photo J-M Letailleur  

Voici Hubert Linard, vainqueur - certes sur le tapis vert - en 1984, après le déclassement pour dopage de Marcel Tinazzi. Fidèle de Bordeaux-Paris, vainqueur d’une étape du Tour Midi-Pyrénées,  il ne vient jamais sur la route de Bordeaux à Paris pour amuser la galerie.

 Mais si l'on cherche un favori, il faut plutôt lorgner du côté de Jean-Luc Vandenbroucke, l’éternel espoir du cyclisme belge, vainqueur en cette saison des Trois Jours de la Panne et des Quatre Jours de Dunkerque, excusez du peu ! Moins « coté », son compatriote, René Martens, dont il faut forcément se méfier puisque, impréparé, il a terminé second, il y a deux ans de cela, du Tour du Midden Zeeland – trois cents bornes dont deux cents derrière derny… Si c’est pas un indice, ça !

 Un challenger sérieux pourrait être Guy Gallopin, vainqueur au mois d’Avril d’une étape du Tour du Vaucluse. Il tient à améliorer sa quatrième place de l’an dernier. Autre favori, le Hollandais Hennie Kuiper, ex-champion olympique et du monde, qui effectue une saison 85 à tout casser : vainqueur à trente-six ans de Milan-San-Remo, troisième d’un Tour des Flandres dantesque, huitième d’un Paris-Roubaix du même métal.

 

A la liste des prétendants émarge aussi le français Philippe Lauraire, coéquipier de René Martens. Il a remporté en début de saison  la Ronde des Pyrénées. Il affiche des ambitions plus modestes, mais son directeur sportif, le bouillant Luis Ocana, croit en ses chances. Les autres, Eric Guyot, Dominique Garde, le Hollandais Jonkers, Christian Levavasseur, n’ont pas ouvert le compteur à victoires depuis le début de la saison, mais ils font honneur à leur profession (eux) en s’engageant sur cette course hors-norme.

 Ils sont donc douze, seulement, jusqu’à ce que se manifeste au dernier moment un coureur amateur du C.C Wasquehal, un Irlandais qui fera parler de lui, plus tard, bien plus tard, dans d’autres circonstances : Paul Kimmage. Quantitativement, c’est faiblard. Qualitativement par contre,  c’est une autre affaire, et dès lors, pourquoi toujours pleurnicher, côté chroniqueurs, sur les vertus fantasmées du  temps  passé et d’un supposé « âge d’or » ? Le départ fictif est donné nuitamment à deux heures trente-cinq, de Bordeaux-Centre, après l’appel des concurrents. Les noctambules massés devant l’Office du Tourisme assistent au passage de la cohorte des coureurs et suiveurs qui s’ébrouent et gagnent en procession, par les quais de la ville, comme de coutume, le centre commercial des Quatre Pavillons, à Lormont, d’où sera donné le départ réel, sur le coup des trois heures du matin.

Dans le confort des voitures suiveuses qui traversent bientôt mollement Saint-André-de-Cubzac, Angoulême, Ruffec endormies, on ne déplore pas encore la monotonie de la course à venir. Il faut dire que le petit peloton taille la route à la lumière des phares à un  très respectable  37,816 km / h de moyenne.  Huit heures du matin sont passées lorsque les coureurs investissent Vivonne  et son « arrêt-toilette » avec une demi-heure d’avance sur l’horaire le plus optimiste.  Là, installés à l’aise dans les salles de repos du château de Vounant, situé en entrée de ville, les plus faiblards se refont une santé durant quarante minutes de pause pas volée, avant d’affronter le « dur ».

Quand les treize courageux se remettent en route, les quelques badauds présents se poussent du coude : « Vise un peu le matériel !...  »… Il est  vrai que la mode, en cette année 1985, est à l’aérodynamisme, record de l’heure de Francesco Moser oblige.  La roue lenticulaire est le gimmick de ces années 1984-1985, elles font florès… Pascal Poisson, Jean-Luc Vandenbroucke, René Martens, Gilbert Duclos-Lassalle notamment, l’ont adopté. On ne trouve - bien sûr - que des avantages à cette fameuse roue lorsque l’on interroge les coureurs, (contrat avec l’équipementier oblige ?) Mais Gilbert Duclos Lassalle lui, a fait encore plus fort, en adoptant un cadre plongeant, avec un guidon type « corne de vache », qu’il se refusera à maudire, tout à l’heure, lorsqu’il passera un peu perclus la ligne d’arrivée, mais qui nourrira quelques décennies plus tard une savoureuse séquence du film « Le vélo de Ghislain Lambert ».

La pause « arrêt-toilette » consommée, il faut désormais tracer la route direction Poitiers, kilomètre 218, l’un des lieux emblématiques de Bordeaux-Paris, où piaffent d’impatience la petite escouade des « Burdin-Motobécane ».  Séquence magique sur le boulevard Jeanne d’Arc :  c’est le ballet des coureurs qui s’affairent à capter au travers de l’essaim bourdonnant des engins le sillage de leurs entraîneurs. 

 Après une heure de mise en jambes, au kilomètre 286 (Les Ormes), c’est le maillot rouge et blanc « Fagor » de Philippe Lauraire, galvanisé par son directeur sportif Luis Ocana, qui, le premier, s’échine à tendre la file, faisant décrocher illico Christian Levavasseur.  Une demi-heure plus tard, Gilbert Duclos-Lassalle, à Sorigny (km 300), peu avant Montbazon, appuie sur l’accélérateur. Et là, surprise : voilà  Jean-Luc Vandenbroucke, pourtant l’un des favoris, qui décroche ! Auparavant, à hauteur du premier ravitaillement, c’était le Belge René Martens qui avait estoqué, comme ça, l’air de rien, sans insister, après la côte de Sainte Maure. L’élégant Jean-Luc Vandenbroucke - décidemment réfractaire au "Derby de la Route" – ne tarde d'ailleurs pas à « mettre la flèche »,  à hauteur d’Amboise, aux abords des trois-cent-cinquante kilomètres, complètement  hors du coup. Grosse déception - côté organisation surtout -, au spectacle de la déroute du champion belge, incapable d’amortir le premier véritable changement de rythme du jour.

 Plus loin, décidémment inspiré par l’heure du déjeuner, René Martens accélère insidieusement au deuxième ravitaillement, dans la levée après Rilly, au trois-cent-cinquante-septième kilomètre. Derrière, il y avait un moment que le Hollandais Jonkers et l’Irlandais Kimmage  faisaient l’élastique, avant de « rupter » définitivement.  La « randonnée » au bord de la Loire décrite par les journalistes est en train de faire mal aux jambes à certains, mine de rien, le vent de face Nord-Est et le pignon de douze dents (pour ceux qui l’ont monté) aidant, parachevant l’insidieux travail de sape des kilomètres nocturnes parcourus à grand train. Pendant ce temps, l’entraîneur d’Hennie Kuiper, Ziljaard, avec ses allures de bibendum a éveillé l’attention des commissaires. Intrigués, ils ne tardent pas à découvrir le pot aux roses : le joyeux farceur constate devant eux la présence du trou fait dans son maillot, qui, lesté par la clé et la bougie de rechange règlementaire, laisse entrer le vent, le  transformant ainsi en voile protectrice… Il a beau chercher, non il ne comprend pas comment cela a pu arriver ! 

Kuiper et Ziljaard

Cet intermède consommé, les « cadors »  montent l’un après l’autre prudemment au créneau, comme ça, « pour voir ». Pascal Poisson, René Martens, Gilbert Duclos-Lassalle et Hennie Kuiper y vont chacun tour à tour d’une petite « pointinette ». Mais quand le Batave et son entraîneur aux allures de Père-Noël sans hotte accélèrent le rythme,  après la traversée de Blois (km 380,5), nul doute que le petit peloton est désormais mûr pour la rupture, même si tout le monde a pris soin de ne pas se découvrir jusque-là.

Et voici que se profilent les faubourgs d’Orléans... Quatre cent trente-neuf kilomètres ont été accomplis. A l’entrée de ville, René Martens envoie une belle secousse et s’isole,  quand, à ses trousses, en passant sous un pont, Hubert Linard, le vainqueur sortant, et Hennie Kuiper s’accrochent. Le Burdin du Hollandais a souffert, et il va lui falloir une solide minute pour reprendre ses esprits, et repartir. Ce n’était pas vraiment le moment… Car devant, on ne se fait pas des politesses et des mamours, et on se commet, enfin, dans le sérieux.

 A la sortie  d’ Orléans, ce sont G.D.L et Pascal Poisson qui mènent la chasse à qui-mieux-mieux, Guy Gallopin et Eric Guyot s’accrochant  furieusement un temps aux ridelles, avant de « reculer ». Le commando - bientôt renforcé par  Hubert Linard,  auteur d’un retour ahurissant – compte quarante - huit secondes de retard sur le fuyard, qui, devant, semble porter beau. La périphérie d’ Orléans est loin maintenant, et c’est plein gaz que Duclos-Lassalle et Hubert Linard animent la chasse.

 

Ils ne pleurent certes pas leur peine, mais ils ne reprennent rien au coureur Limbourgeois. En bourrasque, dans la monotonie surchauffée des plaines beauceronnes, les Burdin-Motobec’ zonzonnent à qui mieux-mieux, à la lisière de la surchauffe…  lorsque celui de Pierre Morphyre, l’entraîneur de Gilbert Duclos-Lassalle, rend soudain l’âme ! Sale affaire… notre G.D.L national, dépité, devra ramer seul quelques kilomètres, pour attendre le retour du Burdin nouveau. Ca se complique du coup fâcheusement pour les poursuivants. D’autant qu’Hennie Kuiper, revenu entretemps, en a bien sûr profité pour filer plein pot direction Pithiviers, à la chasse au Martens. Mais ça lui passe très vite, et ce seront  bientôt Pascal Poisson et Hubert Linard qui, ayant fait un temps le vide fait derrière eux, pousseront à fond  pour tenter le rapproché.

 Las : ils plafonnent à une minute du Belge, et constatent au bout de quelques  kilomètres « à bloc » qu’il leur est impossible de colmater la brèche. Devant eux, à moins d’une paire de kilomètres, la tête haute, les bras tendus « à la stayer », les reins impeccablement bloqués sur la selle, René Martens dégage une sacrée impression de puissance et d’efficacité. Pour la facilité, on repassera, ce n’est pas le registre du monsieur ! Lui, sur le vélo, c’est plutôt le style «  leveur de fonte » ;  la bouche mi-ouverte ponctuée d’un rictus douloureux et le visage empourpré – une habitude chez lui, on le moque assez  à ce sujet -  traduisent assez l’intensité de son effort. 

 Nous voilà en présence d'un  vrai coureur "flandrien", dans la tradition, rustique et dur-au-mal,  et d’une valeur jusqu’ici bien sous-estimée, c’est certain ! 

Après Pithiviers, au kilomètre 480, Pascal Poisson pointe à 1’28’’ du Belge, Hubert Linard à 1’52’’,  Duclos-Lassalle à 2’, Guy Gallopin à 3’15’’. Et puis, brusquement, le style jusqu’ici impeccable du coureur de l'équipe Renault se désunit. Pascal Poisson, qui dégageait jusqu’ici une formidable impression, est en surchauffe, aux sens propre et figuré, et ne va pas tarder à s’effondrer. Quand à Hubert Linard, il n’attend pas longtemps avant d’être la victime à son tour d’un de ces fameux « coups de buis » qui comptent dans une carrière de coureur. Très vite, le coureur du team Peugeot prend la mesure de la situation : il était venu pour gagner, pas pour faire nombre. S’il n’a pas  a été exact au rendez-vous, c’est bien la faute à cette chute imbécile. Dès lors, il ne voit plus de raison à s’attarder dans la course, qu’il quitte aux alentours de la quatrième zone de ravitaillement (Malesherbes, km 500).

Il ne reste bientôt plus seul  sur le pont que le valeureux G.D.L, revenu en furie de l’arrière. La mèche en bataille, il a pris son guidon « cornes de vache » par « en dessous » (pas facile) et a mis ses tripes sur la table...

En vain … A Milly-La-Forêt (km 513), il est à deux minutes et cinq secondes du fringant Limbourgeois, qui  mouline son 56 x 13 (son mécano n’avait pas pu lui monter une couronne de 12), sans jamais faiblir.  

Pas moyen pour le Gascon de passer sous la barre des deux minutes de retard. Quand il arrive au sommet de la côte de Corbeil-Essonnes (km 538),  saoûlé de douleurs posturales (la roue lenticulaire ou le cadre plongeant ?), la messe est dite : trois kilomètres avant, entre Le Plessis-Chenet et Corbeil, au km 535, son passif était de 2’35’’ sur Martens. Quant à Guy Gallopin, dont la trajectoire va crescendo  et Pascal Poisson, ils   accusent maintenant 7’45’’ de retard, Kuiper naufrageant loin derrière.

 Tigery, Brunoy, Yerres sont traversés à grand train par le coureur flamand, qui par moment, semble « pousser » le « Burdin » de son entraîneur De Bakker. Ce dernier le couve depuis Poitiers, attentif et taiseux,  ne le quittant que pour  ravitailler en mélange huile/essence auprès de la voiture suiveuse, brèves séquences pendant lesquelles il  confie son protégé à l’entraîneur de rechange, Kumpen.

 Derrière, le passif de Gilbert Duclos-Lassalle n’en finit pas de s’alourdir. A Limeil-Brévannes (km 561), qui marque l’entrée dans le département du Val-de-Marne, nul doute que René Martens est désormais à l’abri de tout retour, même si survenait un  aléas de course. Dans la voiture suiveuse de l’équipe Fagor, Luis Ocana  se mord un peu les lèvres en se remémorant ses propos, tenus avec son coureur quelques temps auparavant : « Je te préviens, Bordeaux-Paris coûte cher. Je ne t’engage que si tu es certain d‘aller au bout! »...  Franchement, c’est de l’argent bien placé sur ce coup-là, non ?

 René Martens ne tarde pas à déboucher sur le circuit dans  Fontenay-sous-Bois, et à exécuter,  en bon ouvrier sûr de sa force, le pensum des deux tours du circuit de 2,6 kilomètres. Au terme de son équipée sauvage de cinq-cent-quatre-vingt-cinq kilomètres, il coupe en vainqueur la ligne d’arrivée fixée sur le boulevard du Maréchal Joffre,  fourbu, la mine pas forcément aussi fraiche que la dépeindront aigrement les chroniqueurs, entouré fraternellement de ses deux entraîneurs De Bakker et Kumpen. 

Photo Elji

Il apporte à cette équipe « Fagor » « new-look » drivée par Luis Ocana sa première grande victoire. Mais il n’a pas coupé le premier la ligne d’arrivée du circuit !  L'épatante Nathalie Pelletier, partie seule avant la caravane, en accomplissant le même parcours, en a terminé une heure avant. Chapeau la dame ! 

 Luis Ocana lui, n’en revient toujours pas de la performance de celui qu’il avait engagé en début de saison pour tailler des bouts droits pour son leader Fons De Wolf.  «  Il m’a vraiment étonné ! Déjà, quand je l’ai vu au départ, je ne m’attendais pas à le trouver si affûté ! ».

Il faudra patienter 4’ 35’’ pour assister à l’arrivée de Gilbert le Magnifique. Il a la mine des mauvais jours, mais il n’a rien à regretter. Aujourd’hui, il était moins fort que le Belge, tout simplement, même s’il peut prétendre que sans l’incident de course dont il a été victime, l’affaire aurait peut-être pris une autre tournure. Derrière le Béarnais, la course continue, dans laquelle Pascal Poisson et Hennie Kuiper n’en finissent pas de reculer.  

Duclos-Lassalle derrière Pierre Lévêque – photo Elji

 L’épatant Guy Gallopin - le local du jour -, transcendé, chouchouté, littéralement porté par la « Gallopin family » [Joël sur le Burdin en entraîneur-animateur-supporteur -, Alain aux soins],  les a dépassés, et il coupe la ligne en troisième position. Une troisième place à la saveur et la signification particulières, dans cette course définitivement pas comme les autres... Bref, une place  du genre de celle qui vous classe un coureur.

Guy Gallopin et ses frères – photo collection  J-M Letailleur

Plus loin, Pascal Poisson en finit,  16’56’’ après le vainqueur. Une déception pour lui, et peut-être plus encore pour son entraîneur, Gaston De Wachter, qui boucle là son dernier Bordeaux-Paris, lui qui a conduit à la victoire les plus grands, De Roo, Janssen, Godefroot, Van Springel… Salut l’artiste !  

Hennie Kuiper arrive en cinquième position. Peu importe la chute et ses conséquences, qui l’ont privé d’un autre rôle dans la course, il est d’abord avide de revanche : il déclare qu’il reviendra l’année prochaine…

Hennie Kuiper - photo D. Turgis

S’il connaissait la suite…

 CONCLUSION

 N’en déplaise à ses détracteurs, ce Bordeaux-Paris millésime 1985 ne dépare pas le palmarès - même si la moyenne - 43.647 km/h - n’a rien eu de mirobolante - et son vainqueur n’a certainement pas à rougir de la comparaison avec ses prédécesseurs.

 Mais voilà, René Martens est un « tricard » dans le métier. D’aucuns le surnomment dans le peloton « le bourricot », pour sa faculté à encaisser sans broncher les charges de travail ingrates. Sa victoire au Tour des Flandres trois années auparavant avait déchaîné un lynchage  médiatique d’une rare violence ( la « famille » cycliste, y compris le Grand Eddy Merckx, ne se gênant pas pour « charger la barque » )…  Vainqueur également d’une étape du Tour de France 1981, (la neuvième, Nantes-Le Mans) , de la Flèche Hesbigonne en 1982 et de la Coupe Sels en 1983 (des courses qui pourtant « parlent » au public flamand), le microcosme cycliste le considère avec dédain, Outre-Quiévrain comme ailleurs. Au point que pendant deux années, le Belge va même songer à « quitter le métier ».   

 Aussi, quand, en ce samedi 25 Mai 1985, il gagne - et sans discussion aucune - un Bordeaux-Paris qui en a valu bien d’autres, les plumitifs en  rajoutent : « le moment est venu de « sonner le tocsin » de la course »  (dixit Pierre Chany) ; «Bordeaux-Paris a besoin d’un coup de plumeau » (J.M Leblanc dans L’Equipe); « Bordeaux-Paris mérite d’autres développements (Jacques Goddet dans son éditorial de L’Equipe) … On parle de « vainqueur de second rang, de basse noblesse » comme le relève justement Guy Caput dans Miroir du Cyclisme, en s’en indignant.  

 René Martens fut certainement bien plus qu’un « bourricot » : on ne gagne pas un Tour des Flandres, une étape du Tour et un Bordeaux-Paris notamment sans disposer d’un minimum de classe, même si lui-même pensait n’être qu’un « petit » coureur. Et si on avait eu le courage de pousser l’aventure Bordeaux-Paris un peu plus loin, nul doute que bien des challengers de valeur auraient eu du mal à s’offrir le scalp du Limbourgeois.

 Epilogue : René Martens a jugé bon de ne pas donner suite à nos demandes répétées et persistantes d’interview

Allons... Bordeaux-Paris est bien mort… 


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René Martens - Bordeaux-Paris 1986 – photo Elji

 

Patrick Police, pour STAYER France le 22 Décembre 2012 – remis en ligne le 19 Mai 2020

Remerciements à : Laurent Martin, Jos De Bakker, Raymond Persijn, Alain Gaudillat, Alain Gallopin, Karel Andries, Serge Jaulneau, Jean-Marie Letailleur, Dominique Turgis, Philippe Bouvet et  Jean Court.

 


 

CET ARTICLE EST DEDIE A LA MEMOIRE DE MON POTE LAURENT MARTIN, "ELJI", QUI A FOURNI LA MAJORITE DES PHOTOS ILLUSTRANT CET ARTICLE. TU NE SERAS JAMAIS OUBLIE 


 Dom

Dom (visiteur) · 2 janvier 2013

Bravo Patrick. Merci de faire revivre cette belle course qu'était Bordeaux-Paris. Dans mes souvenirs, c'était plus Kuiper la tête d'affiche que VDB, mais bon. Je ne me souvenais plus que Duclos avait retenté l'expérience du cadre plongeant après la première tentative de 1982.
Comme tu le dis, quand un coureur n'a pas "la carte" comme on dit aujourd'hui, les "milieux autorisés" lui trouveront toujours des défauts.

 

Roche (visiteur) · Il y a 9 jours

super reportage seul Patrick en a le talent . C etait une belle epreuve : dernys , spectacle , rebondissements, . Ne pourrait on pas la faire revivre ? Est- ce encore une question d argent? Convaincre des sponsors vaut il le coup car les retombées ne sont peut etre pas extraordinaires plus que cela ! Maintenant tout un chantier , des organisateurs qui doivent prendre tout en main , projet vraiment demodé? Et si c etait a nouveau possible merci" les devoués " capables de prendre tout en charge . Pourquoi pas . Cependant le cours des evenements nous a appris que des epreuves disparues le sont bel et bien a jamais Bordeaux- Paris , Paris -Luxembourg et ...plein de belles epreuves meme les 6 jours Paris , Bordeaux ,Grenoble sans doute pas rentables : manque de spectateurs . Itou en Allemagne :Dortmund ,Munich , Stuttgart ( formule a 3 coureurs sur la fin ) Zurich ..On peut conclure helas que le foot attire davantage et par consequent pas de probleme pour trouver sponsors et rentabiliser Nostalgie quand tu nous tiens !

AUTOUR DE BORDEAUX-PARIS 1985 :

L'INTERVIEW D'ALAIN GALLOPIN 

 

Patrick Police : « En 1984, votre frère Guy participait à son premier Bordeaux-Paris ? » 

Alain Gallopin : « Oui, mais pas que lui. C’était une première pour Guy, mais aussi pour ses frères, Joël et André en qualité d’entraîneurs sur les « Burdin », et pour moi au volant de  la voiture.

On a couru les Bordeaux-Paris 1984 et 1985, « en famille » »

 

Patrick Police : « Comment s’est déroulé ce Bordeaux-Paris 1985 ? » 

Alain Gallopin : « Il faut revenir à l’édition précédente avant d’en parler. En 1984, Guy avait été largué parmi les premiers à la sortie de Tours, vers Saint-Maur de Touraine si mes souvenirs
sont bons, pour revenir très fort sur la fin de course : il termine cette année-là cinquième (quatrième après le déclassement de Marcel Tinazzi), sur les talons de Le Guilloux et Bazzo.

A la fin de la course, on a compris l’importance de ces « petits détails » qui font la différence dans Bordeaux-Paris (le « timing » à adopter pour le ravitaillement des « Burdin » par exemple), l’identification des points stratégiques de la course (la N 152 après la forêt d’Orléans par exemple). Guy avait pu prendre confiance, en dépassant dans le final nombre de concurrents (je me rappelle de Gregor Braun, complètement arrêté, à la dérive quand Guy le passe … lorsque tu vois un coureur de ce calibre dans cet état, ça fait quelque chose …); bref, on avait acquis une bonne expérience et de la confiance pour l’avenir.

On avait surtout compris après cette édition que Guy était fait pour cette course. C’était un coureur robuste,  endurant ; peut-être pas doté de la « super-classe » mais en tous cas d’une sacrée résistance »

 

Patrick Police : « En 1985 donc, Guy était mieux armé pour son second Bordeaux-Paris ? » 

Alain Gallopin : « D’abord, il était beaucoup moins stressé par l’évènement, le fait d’avoir terminé fort l’année précédente et d’avoir laissé du beau monde derrière lui était un facteur de confiance. Motivé aussi, parce qu’en 1984, on était un peu désolé de ne pas être en meilleure position lorsque nous étions passés sur la route de Malesherbes, à proximité d’ Angerville, notre « fief »,  et qu’on avait à cœur de faire mieux. »

 Patrick Police : « Comment s’est déroulée la course ? C’est vrai qu’il ne s’est rien passé de sérieux jusqu’à Orléans ? » 

Alain Gallopin : «  Oui, tout à fait. Nous, on avait bien géré les évènements jusque-là. Moi, dans la voiture, j’assurais l’assistance et le ravitaillement en carburant des « Burdin ». Je me rappelle que je m’en f… plein les mains pour remplir, affolé,  le réservoir de l’engin, à chaque fois que mes frères se présentaient à la voiture. Ca a donné quelque chose de pittoresque quand Guy, qui souffrait terriblement du fessier, s’est arrêté pour me  demander un massage. Il a eu droit à un massage-express, fait avec une mixture « pommade anesthésiante-mélange essence/huile 4/° °° », qui l’a tout de même soulagé jusqu’à la fin de la course ... quant à ses douleurs au siège   elles sont réapparues plus tard, et il a pris la fin de semaine à s’en remettre ! Mieux qu’en 1984, il était relativement bien placé à la sortie d’Orléans, et il a fini très fort, dépassant Pascal Poisson, qui était en perdition, sur la fin de la course, après la côte de Corbeil, je crois … »

 Patrick Police : « En 1986 et 1987, l’aventure continue » 

Alain Gallopin : « Ce n’était plus la même chose. Guy fait « deux » en 86 et « trois » en 87. Mais on était plus autour de lui dans la course, ce n’était juste qu’une course normale en ligne de plus … »

 Patrick Police : « Alors, ce Bordeaux-Paris 1985, c’est un bon souvenir ? » 

Alain Gallopin : « Ouil mais en fait, nous avons vécu deux éditions fa-bu-leu-ses. En plus, ces Bordeaux-Paris, c’était vraiment pour nous une « affaire de famille ». Des souvenirs extraordinaires. C’était une course incomparable … le plus impressionnant, c’est la vitesse … Dans Bordeaux-Paris, tout temps d’arrêt était pénalisant … pour rentrer sur un groupe qui roule à 55/60 km/h par exemple, tu ne t’imagines pas comme les kilomètres paraissent interminables, et quand tu arrives à  raccrocher », tu ne sais jamais si tu ne t’es pas « cramé » pour le faire, et si ça ne va pas te pénaliser dans les instants qui suivent … Oui, tout va très vite, dans un Bordeaux-Paris ... 

 Pour en revenir à mon frère, je suis convaincu que si la formule derrière engins motorisés n’avait pas été abandonnée, Guy, avec l’expérience, l’aurait un jour remporté. Il avait fait une progression régulière, et il avait toutes les qualités de résistance qu’il fallait pour vaincre »

 

 

Autour de Bordeaux-Paris 1985 : l'interview de Jos De Bakker

Interview de Jos De Bakker

 

 

Jos de Bakker a soixante-dix-huit ans, et affiche bon pied -bon œil, et excellente mémoire ! C’est à la Pizza Verona, à Anvers (coquet restaurant situé dans le cœur de la vieille ville) que nous avons pu réaliser cette interview en toute cordialité et décontraction. Je profite de cet article pour le remercier encore de son excellent accueil.  Pour ceux qui l’auraient oublié - ou qui ne le savent pas -, Jos De Bakker fut le  sprinteur belge numéro un des années cinquante, l’un des trois meilleurs mondiaux de son époque. Il fut pour la vitesse belge  le trait d’union entre "Milou" Gosselin et Patrick Sercu.  Quatre fois troisième des championnats du monde professionnels de la spécialité entre 1959 et 1966, il devient à sa retraite en 1968 l’un des meilleurs entraineurs à derny et moto de sa génération. 

  


 Patrick Police : « Vous vous êtes présenté dans quelle disposition d’esprit à ce Bordeaux-Paris ? »

Jos De Bakker : « Sérieusement, on ne venait pas pour gagner. Moi, j’y croyais pourtant, je l’avais « drivé » au Zuiderzee derny Tour, disputé sur la fameuse digue hollandaise, alors je savais qu’il serait à la hauteur. Mais il ne faut pas oublier que René disait de lui-même qu’il était un « petit coureur »

 Patrick Police : « Comment s’est déroulée la course ? »

Jos De Bakker : « Il ne s’est rien passé de sérieux jusqu‘à l’entrée d’Orléans. Mais en arrivant sur la ville, la course s’est un peu emballée. Accélérations, ralentissements, suivis de périodes de neutralisation. Dewachter, l’entraîneur de Poisson, et Ziljaard, celui de Kuiper, se marquaient « à la culotte » et se regardaient en chiens de faïence. Puis la course s’est jouée en arrivant sur un rond-point.  Là, Dewachter m’a fait un petit signe de tête, l’air de dire « Allez, vas-y ! » (la solidarité entre « pays » peut-être ?). Du coup, j’accélère, on passe le rond-point par la gauche, les autres restant sur la partie droite de la route. On fait de suite « le trou », et un peu plus loin derrière nous, c’est la chute, avec  Linard,Kuiper et Ziljaard qui se retrouvent à terre. En fait, on n’a pas poussé à fond à ce moment-là,   à peine pris une centaine de mètres ».

Patrick Police : « Et après ? »

Jos De Bakker : « Franchement, je pense que Kuiper n’était déjà pas au mieux quand est arrivé cet incident. S’il avait été au top de sa forme, il n’aurait pas tant tardé à  revenir, c’est du moins mon avis. En ce qui nous concerne, quand on a appris à la sortie d’Orléans que nous avions déjà cinquante secondes d’avance, là, j’ai dit à René « Allez, on y va ! ».  Et à partir de là, on n’a même pas eu un seul mot à échanger jusqu’à l’arrivée, le travail était fait ! ».

Patrick Police : « Comment aviez-vous préparé l’épreuve ?  Des sorties de trois-quatre-cents kilomètres  « à l’ancienne », comme Van Springel ou Bernard Gauthier ? »

Jos De Bakker : « Non. Deux-trois sorties d’entraînement dans la semaine qui a précédé la course, après que René soit sorti d’un Tour d’Espagne où il avait bien souffert. Des sorties donc derrière mon derny, dans la région d’Anvers, sur le "cyclable" le long du Canal Albert. Mais des sorties « à fond ». A la fin de l’une d’elles, René était tellement épuisé qu’il ne pouvait même  pas monter les marches de  ma maison de Kappelen pour se rendre  à la salle de bains située à l’étage ! Ajouté à ce régime le Tour de l’Oise et des kermesses complétées à chaque fois par une séance  derrière derny, et il était fin prêt pour la course ! »

 

Patrick Police : « C’était votre  première victoire dans Bordeaux-Paris ? » 

Jos De Bakker : « Oui; et j’en ai disputé dix, avec l’entraîneur de réserve, Kumpen, qui est devenu l’actuel employeur de Martens.

D’ailleurs, quand on interroge Martens sur son Bordeaux-Paris, il répond maintenant « J’ai gagné Bordeaux-Paris avec mon entraîneur, Kumpen ». Mais c’était bien moi son entraîneur principal ce jour-là. Ca me fait un peu mal au cœur, mais bon … 

 

Sinon, j’ai de bons souvenirs des Bordeaux-Paris courus avec Ferdi Van Den Haute. On a fait une fois deuxième, en 1981. En 1982, on revient, mais il n’était vraiment pas dans le coup.

Tellement qu’à un moment, il me dit : « Jos, c’est bon, j’abandonne ! » Il pose le pied à terre et s’assoit dans la voiture suiveuse. Et là, il me demande : «  Et toi, tu fais quoi ? » Je lui réponds, « Ecoute, il fait beau, moi ça va … Je vais continuer en derny  jusqu’à l’arrivée … » Et voilà mon Ferdi qui se relève, et qui me répond « Allez, on va finir ensemble ! ». Il se   remet en selle, et du coup, voilà qu’on  remonte en prime des coureurs à la dérive chemin faisant, pour finir finalement en huitième position ! Sacré Ferdi ! »

 Patrick Police : « Jos, au bout du compte, tu as fait combien deBordeaux-Paris ? »

Jos De Bakker : " Trois avec Van den Haute … Deux avec René Martens,  avec à la clef une victoire en 1985, et une huitième place en 1984 (il était malade ce jour là)... 

René Martens et Jos De Bakker en 1984 - photo Dominique Turgis

 

... un en 1980 avec Willy Scheers... un autre en 1977, avec Fons De Bal (abandon). En 1976, j’étais « réserve » pour Frans Verbeeck entraîné par Cois Cools, en 1974, où on finit quatrième, avec Noël Van Clooster et l’entraîneur de réserve Kindekens, et en 1970, je suis réserve … ça fait dix  Bordeaux-Paris ! »  Dix participations. Le compte y est.  

 

 

Et Jos De Bakker est le dernier entraîneur vainqueur du "vrai" Bordeaux-Paris.

 

Patrick Police, avec tous mes remerciements à Jos De Bakker et Raymond Persijn

 

Autour de Bordeaux-Paris 1985 : Qui a tué Bordeaux-Paris ?

 

 

 

Les organisateurs ont éprouvé au fil des époques toutes les formules pour le régénérer, en vain … Avec entraîneurs, derrière auto, avec entraîneurs humains jusqu’en 1930, derrière motos commerciales Terrot entre 1931 et 1937, derrière derny de 1938 à 1974, derrière motos Kawasaki 100 cm3 de 1976 à 1980, et enfin quatre éditions disputées derrière l’engin  Burdin, resucée du derny,  jusqu’au dernier « vrai » Bordeaux-Paris, celui de 1985.

 A chaque fois, après une courte accalmie d’espoir renaît la morosité et la conviction que la recette est dans le changement, et en lui seul.

 Avec la victoire de Jacques Anquetil en 1965, on a pu croire un temps la légende de B-P remise sur les rails (alors qu’il n’y avait que dix partants  cette année-là, et pas tous des super-champions, soit-dit en passant).

Et si Eddy Merckx ou Bernard Hinault avaient manifesté la simple conscience professionnelle d’y participer … ne serait-ce qu’une fois, eh bien la doyenne des courses liftait sa légende  pour des décennies ! 

 Mais garantir le patrimoine cycliste est souvent le cadet des  soucis des champions … Trop cher, le supplément d’âme !

Pour cela, chapeau bas à Jacques Anquetil, pour avoir été le seul des trop rares super-champions de l’après-guerre (j’entends au sommet de leur art) à oser se mettre en danger sur les routes de Bordeaux à Paris, ce que n’ont pas fait ses successeurs.

 Le 82è Bordeaux-Paris disputé le 25 Mai 1985 aura donc été le dernier disputé derrière engins d’entraînement. Et la victoire indiscutable du « bourricot » René Martens les aura définitivement déprimés, on se demande encore pourquoi. 

 Et puis, les temps sont alors à la « modernité » imbécile, tendance cyclisme mondiââl. En cette année 85, on est emporté par cette frénésie puérile de « dépoussiérer », « moderniser ». Périmée donc, la course derrière engin motorisé, aux yeux de la nouvelle équipe organisatrice de Xavier Louy, le successeur de Félix Lévitan : l’heure est à la modernité, quel qu’en soit le prix.

 Alors, dès l’édition 1986, on assistera au pitoyable hara-kiri d’une des plus belles « classiques » du cyclisme, qui sera courue désormais en formule « épreuve de masse », genre Marathon de New-York à deux roues. Et parce que l’on ne tire pas sur les ambulances, nous ne parlerons pas de ces tristes avatars qui, s’étiolant jusqu’en 1988, n’ont fait que précipiter une fin qui n’avait rien d’inéluctable.

 Les hallucinatoires années quatre-vingt-dix approchent… Heureusement, notre chère vieille dame ne verra pas cela.

 Et René Martens aura été le dernier vainqueur du « vrai » Bordeaux-Paris. 

photo Elji

 

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M
Très très beau résumé d'une si belle compétition, atypique, extraordinaire, unique, exceptionnelle.<br /> Bravo Patrick, ce travail est formidable.
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