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STAYER FRANCE  :  100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE : 100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE ex-STAYER FR est le blog du demi-fond et de l'association FRANCE DEMI-FOND. adresse mèl : fddf@dbmail.com page Facebook : @VANWOORDEN21

Publié le par Oscar de Ramassage
Publié dans : #AUTOUR DU DEMI FOND, CULTURE DEMI FOND

Je n'ai pas besoin de revenir sur l'admiration que je porte à Roland Konigshofer, le grand stayer autrichien des années 80-90, multi-champion d'Europe et du Monde. Je m'étais fendu déjà dans le passé d'un hommage dans mon ancien site STAYER FR, que je remettrai en ligne prochainement.

Non, si aujourd'hui je partage ces images  d'une course où il exposait son maillot de champion du Monde 1991, c'est parce que, outre leur aspect éminemment spectaculaire, elles sont assortis d'un commentaire de Roland lui-même, commentaire empreint d'intelligence, de lucidité. Un morceau de  philosophie stayeresque.

Comme je ne suis pas un aigle (adler) en allemand, j'espère ne pas avoir trahi ses propos à travers la traduction que j'en ai fait, aidé (heureusement) par un  deux membres éminents de l'association France Demi-Fond.

N'hésitez pas à travers l'espace commentaires sous l'article à apporter les observations que vous jugerez pertinentes.

 

REGARDEZ D'ABORD LE FILM EN BAS DE PAGE PUIS LISEZ.

 

C'est un morceau d'anthologie, comme un remake façon stayer du film de Claude Sautet "Les Choses de la vie ". 

Je ne rajoute pas un mot, je laisse  Roland Konigshofer commenter les images.  

" Grand Prix de la Foire à Leipzig 1991. Je viens juste de remporter mon troisième titre de champion du Monde. La piste en béton semi-couverte de Leipzig est très plate, et en arrivant,  le recul du rouleau de la moto  m'a apparu trop court. "

" Comme le demi-fond n’est pas un sport olympique, il n’avait pas fait l'objet de promotion en RDA. La discipline existait certes, mais le niveau des coureurs n’était pas trop élevé. Et après la chute du "Mur" les organisateurs ont voulu inviter l’élite des sportifs de l’Ouest."
 

"Nous sommes arrivés sur place avec des équipements et du matériel plus performants que ceux utilisés jusqu'à lors (roues pleines, cadres carbone),  ce qui a eu pour conséquence d'élever la vitesse des courses disputées sur le vélodrome. Les organisateurs n'ont pas tenu compte de ces nouveaux paramètres, et n'ont pas modifié le recul des rouleaux de la moto d'entraînement en conséquence. Le résultat a été que, dans le tout dernier virage de la course,  alors que notre équipage n'était même pas à la limite de son inclinaison maximum, le sabot de la moto de mon entraîneur Karl Igl  a frotté la piste. Cela ne s’était jamais produit auparavant... La roue arrière de la moto, à la limite d’adhérence, a dérapé."

"A ce moment, je n’ai pas eu beaucoup de temps pour réagir. En raison du brusque arrêt de l'effet d'entraînement, et du frottement de la moto qui s’écrasait au sol, j’ai immédiatement heurté le rouleau, ce qui a rompu la partie haute de ma roue avant. Ce fut ma chance ! Si je n’avais pas été précipité tout de suite au sol, j'aurais été catapulté au-dessus de la lice dans les rangs des spectateurs (vous pouvez d'ailleurs voir sur le film des gens s’enfuir). Et les bancs de bois et de béton auraient été dangereux pour moi à la vitesse où l'accident s'est produit..."

"A propos de la vitesse justement, nous tournions à ce moment autour de 90 km/h. Comme protection, j'avais seulement un  gros casque de pistard à coque dure, des gants d'n modèle courant, mon maillot en soie et mon tricot de peau sans manches... Karl Igl - mon entraîneur -  lui au moins avait son costume de cuir et un casque de motard."

"La chose la plus frappante à propos de cette chute est la grande quantité d’étincelles, étincelles qui semblent presque comme sortir d’un lance-flammes. C'est un phénomène qui a tendance à se produire lorsque le métal (sur la moto, le vélo, et même les rivets sur mon casque) pénètre dans le béton tel un disque de coupe.  De telles images sont  plutôt rares dans le cyclisme. A noter qu'en demi-fond, la force centrifuge est si conséquente que le vélo de stayer est assorti de supports - renforts - supplémentaires sur le guidon et la selle, sinon vous pouvez les plier. "

"L’un des plus grands problèmes que vous pouvez rencontrer dans ce sport, et qui doit être maîtrisé lorsque l'on débute et que l'on atteint ces niveaux de vitesse - plus élevés que dans d'autres disciplines - ce sont les forces « centripètes » (qui vident le sang de la tête, vos jambes et pieds qui semblent prêts à éclater, avec  les mains et fessiers soumis à des contraintes extrêmes, en particulier sur les pistes en béton qui sautent (ce que vous pouvez également voir dans la vidéo). Vous ne devez pas oublier de raidir vos coudes dans les courbes à grande vitesse - sinon vous allez vous retrouver avec le menton sur l'avant dans le virage. Cela m’est arrivé lors de ma première course,  sur la courte piste de deux cents mètres des 6 Jours de  l’ancienne Deutschlandhalle à Berlin (ce jour-là j'ai risqué ma vie!)"

"Sur la force centrifuge :  l’architecte de nombreux vélodromes Ralph Schurmann, a conçu celle de Vienne pour une vitesse maximale de 100 km/h ( que nous avons atteinte), et du rayon de courbure  et de l'inclinaison résulte une valeur de 3,3g . Ceci est aussi cause de ce qu'on appelle le "Greyout". Les forces G agissent sur le corps humain, en raison d’un violent changement de vitesse et/ou de direction : en comparaison, lorsque vous accélérez à fond dans une voiture « normale », vous recevez environ 0,3 g dans votre siège - avec une voiture de F1 c'est 1,5. Mais revenons à la chute..."
 

"Si vous sautez hors de votre voiture à 90 km/h sur l’autoroute, vous glisserez sur l’asphalte / béton beaucoup plus longtemps que nous l'avons fait. Pourquoi ? Précisément par l'effet de la force centrifuge, qui, dans notre cas, nous a pressés sur la piste avec environ 2g. À cela s’ajoute l’accélération gravitationnelle de la piste haute de 3 m, qui s’est ensuite infléchie. Après cette culbute, tout le monde peut facilement imaginer à quoi je ressemblais après... Karl lui s'en est sorti avec quelques ecchymoses. Comme il n’a pas rebondi sur la piste, il a bien glissé le long de celle-ci, et son costume de cuir a  joué son rôle protecteur . De mon côté, tout mon corps était râpé, avec une très profonde brûlure à l'épaule, causé par son bref contact avec le rouleau surchauffé de la moto, qui m'a rattrapé vers la fin de ma chute. Mais sinon, aucune  blessure "grave"."

"Mais au moment de la chute, c'est le cadet de vos soucis ! Vous savez qu'il y a derrière vous, en embuscade, des attelages qui peuvent vous écraser. J’ai donc aussi tourné "contre le sens de la marche", afin d’être en mesure de réagir et peut-être les "intercepter" avec mes jambes. Par chance, dans le sprint d'arrivée (nous étions dans le dernier virage de la course) nous avions bien semé le reste de la meute et ils étaient suffisamment éloignés de nous." 

"Pour la cérémonie protocolaire, il n’était pas indispensable - heureusement pour moi - de rester debout, car après la chute du Mur de Berlin, sur toutes les pistes de l'ex-RDA les marques de voitures occidentales exposaient leurs gros modèles  en tant que sponsors de l’événement. Et c’était une bonne chose pour les trois du podium d'accomplir le tour d'honneur  trimballé sur le capot d'un cabriolet AUDI blanc,  les jambes pendantes sur le siège arrière pour faire le tour d'honneur sur la piste. La voiture  avait des sièges en cuir blanc. Je peux affirmer que je les ai vraiment littéralement barbouillés de sang..."
 

"Enfin, pourquoi voyez-vous sur ces images une telle profusion d'étincelles ? Les projecteurs dans le stade de la R.D.A étaient d'une puissance  si faible  que courir en nocturne sur ces pistes était déjà "limite" (mon cauchemar a  toujours été de voir se produire un jour une panne de courant...) et les focales des caméras de télévision étaient ouvertes au maximum afin qu’elles puissent discerner quelque chose. Du coup, ce  feu d’artifice a produit un certain effet."


"La nuit d'après... Pour moi elle est à oublier... Le lendemain, à Chemnitz (ex Karl-Marx-Stadt), je devais disputer une autre revanche du Championnat du monde. Sur une vraie piste de demi-fond (à l'inclinaison plus accentuée après la ligne bleue). Là, il fallait  vraiment avoir des "bollocks " pour oser rouler vite (vitesses extrêmes et la force centrifuge qui va avec). La question qui se posait pour moi  était, bien sûr,  ma fin de carrière - ou est-ce que c'est ce qui me vient à l'esprit aujourd'hui -   et si oui, je devais vraiment   y retourner à nouveau...  Mais avant que vous puissiez même sérieusement y réfléchir, vous savez que vous avez une famille à nourrir... Je n'avais qu'une seule option." 

"Pour être en mesure de s'aligner au départ le lendemain, Karl avait dû souder la veille la  la fourche de la moto, qui avait été arrachée dans la chute.  Je devais aller à Chemnitz. Prime de départ mais pas prix de course. Eh oui, j'étais  champion du Monde... A notre arrivée, direction la piste, pour quelques tours de chauffe  (très brièvement, à cause de la gêne pour les riverains causée par nos nuisances sonores) La nuit avait été difficile à cause de mes blessures. Et en plus j’étais mort de peur. Littéralement. [...]  Dans ces conditions nous avons tout de même gagné la première manche, grâce à ma première position au départ (et aussi probablement par ce que mes adversaires, "impressionnés" par ma chute de la veille n’avaient pas osé me passer...) Dans la seconde manche, mon corps, mon esprit, mon âme avaient atteints leur limite. Il a fallu que je fasse appel à toutes mes ressources pour continuer le job... C'était devenu un peu "fou" pour moi de tourner sur l’ovale à pleine vitesse avec par moment  trois équipages côte à côte.  Dans ces conditions, nous sommes arrivés tout de même troisième du classement final."

"Respect pour Karl -  dans la vie civile quotidienne, il n’est pas spécialement connu comme quelqu'un d'intrépide  - mais là il a montré (comme si souvent) qu’il était un vrai professionnel dans son domaine ! "

Quoi qu’il en soit - je ne suis plus jamais devenu champion du monde après cet accident. Mais j'ai encore disputé trois mondiaux (1992-1993 (amateurs)-1994 (professionnels) - à chaque fois second n.d. STAYER FRANCE - , et  deux   championnat d’Europe (en 1995 et 1996 - troisième à chaque fois n.d. STAYER FRANCE - et ça m'a  suffi.

 

 

Patrick Police, pour STAYER FRANCE - avec l'aide de Dominique Turgis, Francis Metzger et S. Schneider

le 5 Juin 2020

 

 

CLIQUEZ CI-DESSOUS POUR VOIR LA VIDEO 

Commenter cet article
M
Il est sûr que des chutes comme celle-ci, ça vous marque le corps bien sûr et l'esprit....Il faut donc s'en relever physiquement et psychologiquement...C'est parfois le plus long et réclame une autre forme de courage, que celui, physique de tout cycliste...Alors, nos stayers son-t’ils des coureurs ou des cascadeurs....un peu des deux forcément ! RESPECT !
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G
C'est chaud !!
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D
So schön !
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