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" Que sont les BSA devenues, que j'avais de si près tenues, et tant aimées..."
Non, même en pastichant le poète, " ça ne passe pas " : vous n'arriverez pas à arracher une bouffée de nostalgie à un ancien coureur ou un ancien pacemaker à l'évocation de ces motos d'entraînement qui ont pourtant rythmé, un quart de siècle durant, l'épopée du demi - fond.
Elles n'ont pas eu de chance, au fond, les BSA : elles n'ont jamais été appréciées, et aucune charge affective ou nostalgique ne leur est attachée. Elles ont eu - il faut le dire - la tâche ingrate de succéder aux mythiques ANZANI et BAC MEYER, et ceci explique grandement cela...
Au début de l'année 1956, la Direction du vélodrome du Parc des Princes, en la personne d'André Mouton, lasse de constater l'emprise des entraîneurs - propriétaires de leurs machines - et les pratiques en course de leur consortium inavoué, décide de faire l'acquisition - pour le prix de 700 000 francs l'unité - de douze motos BSA Golden Flash twin, un modèle "commercial" d'une cylindrée de 650 cm3, doté de " quelques modifications peu importantes pour l'utilisation en demi-fond " (suspension arrière neutralisée, un seul frein à l'avant, guidon haubanné et rallongé, selle, sabots repose - pied, adaptation d'un rouleau; tous aménagements apportés en usine par BSA) .
Le but avoué de l'équipe de direction : remplacer l'antique parc millésimé 1903, équipé Anzani jusqu'en 1923 puis motorisé Bac-Meyer, et surtout briser le "monopole" des entraîneurs, et favoriser l'éclosion des jeunes. Ces deux derniers postulats, seront - hélas - autant d'échecs. Les entraîneurs s'adapteront bien vite à la situation et agrandiront très vite leur "terrain de jeu" pour le plus grand mal de la discipline. Quant à l'éclosion des jeunes, elle ne fera pas florès : le demi-fond a déjà son avenir derrière lui en ce milieu des années cinquante où l'hégémonie de la route étouffe chaque jour davantage l'activité pistière...
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Au cours des essais, réalisés sur la piste rose du Parc des Princes, la BSA atteint la moyenne fort satisfaisante de 87 km/h. Pourtant, les réactions des observateurs, des entraîneurs et des coureurs restent mitigées...
Côté coureurs, si il y en a un qui s'adapte remarquablement,
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c'est bien l'Australien French - futur champion du Monde - qui gagnera la première réunion organisée le dimanche 25 Mars 1956 au Parc des Princes, devant le champion du Monde belge Verschueren et le Français Guy Solente.
Les 7 000 spectateurs présents quittent pas le vélodrome avec une impression mitigée. Tout comme les spécialistes, qui trouvent qu'en comparaison des "grosses mouches" , les BSA sont trop légères et n'offrent pas la même capacité de pénétration au vent.
Le côté moderne, les impératifs d'adaptation à l'époque, à la rigueur, ils ne discutent pas... Mais quid de la proverbiale onctuosité des accélérations des antiques "grosses mouches", l'inégalée lenteur (1800 tours minutes) des moteurs Bac Meyer à deux cylindres culbutés de 18cv ? Derrière les BSA, les stayers "encaissent" mal les accélérations. Quant à la capacité d'abri des fabuleux engins du début du siècle, elle apparaît à la rubrique "Pertes" de l'opération. Elles précipiteront même la retraite du double champion de France Roger Queugnet, qui avoue ne pas pouvoir s'y habituer, et s'empressera de prendre une gérance de café.
Côté entraîneurs, ce ne sera pas la franche gaîté, d'autant que les nouvelles machines semblent modifier la hiérarchie en vigueur jusqu'à lors. Autant vous dire qu'à l'humiliation de voir remisées au placard les motos dont ils sont propriétaires s'en ajoute une autre, tout aussi saumâtre : la couleuvre aura du mal à passer. D'autant qu'en course, il apparaît vite que les BSA et leur train soutenu ne permettent pas de réaliser de grosses différences, ou qu'en tous cas celles-ci deviennent plus difficiles à réaliser qu'avec les anciennes grosses motos.
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Avec ces nouveaux engins, exit paraît-il les coude-à-coude si spectaculaires. Et les anciens de comparer leur rendement sportif à celui - si médiocre - des motos dites commerciales type Automoto ou Terrot expérimentées avant-guerre. Enfin, et ce n'est pas là le moins, les remous occasionnés par les BSA s'avèrent nettement moins conséquents que le "souffle" dégagé par le dépassement des vénérables "grosses motos" : plus de course d'arrêt donc...
Le championnat 1956, remporté par Roger "Popeye" Godeau, semblera nourrir la démonstration que le nouveau mode d'entraînement profite davantage aux stayers "souples" habitués au bois des pistes des vélodromes d'hiver. Après quelques saisons d'utilisation, force sera de constater que les buts recherchés ne seront jamais atteints, et l'adoption des BSA ne marquera finalement qu'un fol espoir pour les aficionados, et une simple pause dans un processus de délitement déjà fort entamé.
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Les caractéristiques du moteur BSA :
- régime : 5750 t/m
- puissance : 34 cv à 5750 t/m
- Poids : 195 kg
- Cylindrée : 646 cm3 / course : 84 mm / alésage : 70 mm
- Cycle : 4 temps culbutés
- Bicylindre
- Boîte 4 vitesses
- Vitesse minimum : 5 km/h
- Vitesse maximum : 115 km/h
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Ces engins auront donc une brève et cahoteuse existence, hâtée par la démolition du vélodrome du Parc des Princes en 1967, vendu par la société " l' Equipe-Parc-des-Princes ". Quand la Ville de Paris confiera la gestion du site à la Fédération Française de Football, un restaurateur montmartrois, Monsieur Antonin Dalous [alerté par un ami que les vélos de stayer, les équipements et les BSA allaient être "bradés"], acquerra l'ensemble de ces matériels et équipements. Son restaurant " Sous l'Abat-Jour " deviendra le siège du club " Le Guidon d'Or ", nouveau propriétaire des BSA. Antonin Dalous a créé ce club, dont il devient le Président, guidé, selon ses propos, par le désir de "purifier l'ambiance". Le journaliste et ancien stayer Jacques Lohmuller en est le Directeur Technique, aux côtés d'André Texier (vice-président), Maxime Bousquet (secrétaire) et Roger Quinet (Trésorier)
Remises sur le circuit, les BSA accompagneront jusqu'en 1981 les stayers nationaux dans leur ronde infernale, recevant dans l'intervalle l'agrément de l' U.C.I. en Novembre 1971 pour les championnats du Monde professionnel 1972. Pour la purification de l'atmosphère espérée, on repassera...
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A l'occasion du renouvellement du parc des motos d'entrainement en 1982, nos BSA s'éparpilleront aux quatre coins du territoire (et quelques fois même au-delà), certaines finissant même paraît-il dans des collections privées, de façon assez inexplicable (??) Mystère, mystère...
Pauvres BSA, mal aimées lors de leur entrée en piste en 1956, peu appréciées durant leur (brève : un quart de siècle) existence, elles ne trouveront donc jamais le repos, même dans leur retraite... Alors : " Que sont les BSA devenues ? ". La question reste posée : si vous avez des éléments de réponse, je serai curieux de les connaître.
Aujourd'hui, l' on attend encore des informations sur leur sort... Ne soyez donc pas étonnés d'en voir apparaître une un de ces quatre au gré d'une brocante ou d'une vente aux enchères, en France ou à l'étranger, une fois que leur(s) légitime(s) ou (il)légitimes propriétaire(s) aura(ont) quitté la piste du grand vélodrome de l'existence...
Et si vos pérégrinations vous amènent un jour à croiser leur route, faîtes-nous signe...
Patrick Police et François Bonnin, pour STAYER FR, les 2 Janvier 2015 & 31 Octobre 2018. Transféré sur STAYER FRANCE le 16 Juin 2020. Mise à jour 3 Juin 2022.
Sources :
- Moto revue; Miroir du Cyclisme; programme vél' d'Hiv' de Saint-Etienne; Route et Piste; Sport Mondial;
- documentations Michel Meunier, Pascal Pannetier et François Bonnin
- Livre " Les motos des français - un album de famille 1945-1970 " de Jean Bourdache


