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STAYER FRANCE  :  100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE : 100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE ex-STAYER FR est le blog du demi-fond et de l'association FRANCE DEMI-FOND. adresse mèl : fddf@dbmail.com page Facebook : @VANWOORDEN21

Publié le par Oscar de Ramassage
Publié dans : #LES INTERVIEWS DU DEMI FOND
LOUIS DELPIANO : LE  DEMI-FOND AU GOUT AMER

  « J’étais à la fois vieux et néophyte »

 

 

 

 

" La course terminée, j’entends Georges Wambst hurler à Groslimond, mon entraîneur : « Je t’ai fait confiance ! Et toi, tu fais battre ton coureur ! »…

 

"Et puis, en rentrant au quartier des coureurs, voilà  Roger Godeau et Henri Lemoine qui m'accueillent en me disant : « Toi, petit, tu peux dire merci à ton entraîneur ! »  …  Là, dans le feu de l'action, je n’avais même pas encore réalisé ce qui venait de se passer..."

 

" Je marchais bien ce jour-là, aucun des coureurs présents sur la piste n’aurait pu me battre, je dis cela sans me vanter. J’étais en tête quand tout à coup Groslimond a carrément freiné, au point que j’en ai heurté le rouleau  de sa moto ! C'est alors que j'ai vu passer Giscos, et c’est comme cela que j’ai perdu sur la piste du Parc des Princes ce championnat de France 1964, le premier que je disputais, la première course de demi-fond à laquelle j'ai jamais participé… »

 

Louis Pierre DelPiano est né le 1er Février 1929 à Mougins, dans les Alpes-Maritimes, près de Cannes. Ses parents sont des Italiens de Cuneo, qui, avec pour seul bagage un sac, ont traversé un jour de 1925 les Alpes pour s’installer en France. " Ils venaient du même « pays » que Louis Aimar : la grand-mère de ce dernier habitait à Bagot Toumanet, à cinq kilomètres de la maison de ma mère à Saint Anna di Bernezzo. Mon père était maraîcher le matin et cultivait melons et tomates, qu’il vendait au marché. L’après-midi il était maçon. En 1933, après la vente d’une maison qu’il avait construite le dimanche après son travail, il a acheté une ferme aux Taillades, là où je vis encore aujourd’hui. On n’avait pas l’eau courante, on utilisait l’eau du canal pour se laver ! "

 

" Le vélo n’est venu que plus tard, bien plus tard, après la guerre. En 1947, à l’âge de dix-huit ans, j’ai fait mes débuts en compétition, dans les rangs de l’Etoile Sportive Cavaillonaise. Je n’avais pas de modèle ou d’idole à l’époque, la seule chose qui m’ait amené au vélo, c’est peut-être cette arrivée du Tour du Vaucluse  à Cavaillon, "sur le pas de ma porte", avant la guerre, avec les Camellini, Gianello, Troggi Nello, Ongaro… tous des descendants d’Italiens, comme moi…

Ce n'est qu'en Mars 1947 que je m' achèterai mon premier vélo de course. Je m’en rappelle encore, c’était un vélo d’occasion, de couleur verte, avec des jantes en bois... la roue arrière était fixée avec des écrous à six pans, du genre "roue de charrette". En course ou à l’entraînement, il fallait toujours que j’ai une pince sur moi ! Malgré ce handicap, les succès vont arriver vite, puisque je vais remporter ma première course en 1948, à Sault, près d’Apt : à moi les mille francs promis au vainqueur ! L’année d’après, alors que je suis encore troisième catégorie, je fais mon service militaire à Hyères, au sein du 405ème. Là-bas, je m’entraîne avec Mathieu Aimar, le frère de Louis. Mais à ma libération, en Avril 1950, je me retrouve « gras comme une taupe », et chaque course est comme une catastrophe. Alors, je vais "m’appuyer" des sorties de deux-cents kilomètres, jusqu’à ce que je retrouve enfin le chemin de la victoire, un beau jour à Revest du Bion, dans le nord du Vaucluse. Et puis un peu plus tard, je remporte, alors que je suis encore « troisième caté » une « toutes catés » à Sablet, devant Raoul Remy, Siro Banchi, Kallert… Je passe alors en seconde catégorie, mais c’est à chaque fois plus dur de gagner, les plus forts courant toujours en combine" 

 

«  En 1950, encouragé par mes dirigeants et mon constructeur, je "monte" à Paris. Là, je retouve mon camarade et "pays" Jean Rey, alors champion de France des professionnels, et qui allait bientôt trouver sur la route de Montélimar une mort tragique.  En remportant la course Courbevoie-Asnières devant les Darrigade, Siguenza, Dacquay, je me fais remarquer et vais être recruté par le Vélo Club de Courbevoie Asnières, le même club qu'André Darrigade.  Je suis alors un coureur hors-catégorie, et on me presse de passer professionnel. Malgré une blessure je réalise une bonne saison 1951, avec des participations remarquées dans les classiques Paris-Evreux et Paris-Tours amateurs, et une série de victoires en poursuite et en individuelle sur le vélodrome de Marseille. Hélas, en 1952 je vais me fracturer le crâne, lors d’une course disputée sur la piste de La Cipale. Je ne pourrai me remettre au vélo qu’à la fin de l’année 1953 ! Ma chance de passer professionnel est passée, et dès lors je fais mes bagages et je reviens à mon club de toujours, l’E.S. Cavaillonaise."

 

" Je vais alors devenir un infatigable "chasseur de primes" dans les courses du Sud-Est de la France, où je remporte pas moins d'une dizaine de victoires chaque année. En 1954, je vais même établir une sorte de records en gagnant six fois dans la même semaine ! Mais Le point d’orgue de ma carrière sera cette victoire au classement général du Tour des Hautes-Alpes en 1955, au cours duquel je remporte deux étapes. Un autre temps fort dans ma carrière sera ma victoire dans l'étape des quatre cols du Tour de Corse en 1958, où je remporte une autre étape et le classement général. Au bout de vingt saisons bien remplies, j’arrêterai le vélo en 1966, après une fracture du rocher dans une course sur route, le Grand Prix de Béssèges. Ce jour-là, j'ai littéralement culbuté par-dessus mon vélo, et j’ai bien failli « passer de l’autre côté ». Hospitalisé à Alès, le docteur avait d'ailleurs confié à ma femme pendant que j’étais dans le coma : « Il s’en sort un sur cent »… J’ai été ce un sur cent. Après ma carrière cycliste, je me suis lancé à corps perdu dans le travail, avec presque trois décennies à vendre des fruits et légumes sur les marchés, selon un programme immuable : le Mardi : Istres ; le Mercredi : Salon ; le Jeudi : Martigues ; le Vendredi et le Dimanche : Gardanne ;  le Samedi Marignane "

 

 

" Le demi-fond, c’est parti d’une idée de Georges Chabas. Ce grand amoureux de la piste, gros concessionnaire Citroën dans le civil, s’occupait du Vélodrome Joseph Lombard de Cavaillon, et était l’organisateur des réunions qui s’y déroulaient. Passionné de demi-fond, il avait acheté dans les années soixante un lot de motos commerciales d’occasion sur lesquelles il avait fait souder des rouleaux. Je gagnais souvent derrière ces engins, et, voyant cela, l'idée lui est venue un beau jour de contacter Georges Wambst, directeur du Parc des Princes, pour lui dire qu’il y avait à Cavaillon un coureur susceptible de briller en demi-fond sur la piste du Parc des Princes."

 

STAYER FR : Dans l'esprit de Georges Chabas, faire monter Louis Delpiano à Paris, c'était un peu lui offrir une revanche sur le sort. "Il n'a pu commencer sa carrière avec le maillot tricolore, mais c'est avec le maillot arc-en-ciel qu'il la terminera" déclarait t-il à l'époque à la presse.

 

" Je suis arrivé le Jeudi à Paris. Le samedi, c’étaient les qualifications du championnat de France, disputées contre la montre. Georges Wambst m’ayant procuré entretemps un casque et un vélo de stayer. Là, je me qualifie, mais je suis mort de peur : c’était ma première course de demi-fond derrière l’entraîneur, je ne voyais rien de la piste ! Mais, pour la finale disputée le Dimanche, voilà qu'il s'avère que je suis le seul des concurrents à ne pas disposer d’un entraîneur. Dès lors, Georges Wambst va m’attribuer d’office le Suisse Groslimond, qui n’avait pas de coureur affecté. Pour toute recommandation, celui-ci me dira avant le départ : « Tu roules et tu ne t’occupes de rien d'autre ! » Et ce dimanche là, je ferai deuxième, d'un championnat que je n'aurai pas dû perdre,  vous savez maintenant dans quelles conditions... Quant à mon "entraîneur",  je ne l’ai jamais plus revu après ! "

 

" Je n’avais jamais couru avant derrière une moto de demi-fond ; ma seule pratique consistait en des courses derrière motos commerciales, et les quelques entraînements effectués sur la piste du vélodrome Joseph Lombard derrière la moto achetée d’occasion par Georges Chabas au garage Nouguier à Saint Andiol. Ma deuxième course de demi-fond, ce sera le championnat du Monde, disputé cette année-là sur la piste du Parc des Princes. 

Là, je vais terminer à une honnête sixième place, après m’être qualifié en terminant second des repêchages derrière Daniel Salmon. Je marchais bien cette année-là, et avec un peu plus de courses derrière moto dans les jambes, qui sait ?"

 

" L’année d’après, en 1965, c’est sur l’insistance du même Georges Chabas, qui avait - comme pour les championnats du Monde 1964 -  organisé une souscription pour me faire « remonter» à Paris, que je m’alignerai au départ du championnat de France, où, dans le sillage d’Auguste Wambst, je terminerai  sur la troisième marche du podium, sans  coup fourré cette fois. Auguste Wambst m’entraînera également pour le championnat du Monde, disputé à San Sebastian, où, là encore parvenu en finale, je terminerai  une nouvelle fois sixième. Au bout du compte, je n’aurai disputé en tout et pour tout que cinq courses de demi-fond."

 

STAYER FR : Louis Delpiano  se gardant bien de le mettre en avant, il me revient, sa modestie dû t-elle en souffir, d'en appeler au témoignage de Robert Chapatte, présent lors de ce championnat du Monde, et qui précisera à son sujet : " Le Cavaillonais Delpiano a eu un comportement excellent, mais il eut la malchance de tirer le dernier numéro au départ. Une véritable condamnation en l'occurence. Et en tentant dans les premiers kilomètres de combler ce handicap, il s'asphyxia. Il valait cependant mieux que la sixième place qui lui échut en définitive."

 

" Mais j’avais trente-six ans et demi, « j’étais vieux et néophyte » dans la spécialité, et peut-être que j’étais déjà un peu au bout du rouleau ... Je m’étais rendu à ces courses par correction vis-à-vis de la démarche de Gerges Chabas, qui avait mobilisé toute une ville pour ma personne, mais franchement, je n’avais pas vraiment le cœur à y retourner après ce qui m’était arrivé l’année précédente"

 

« Bien sûr, il me reste aujourd’hui le bon souvenir d’avoir disputé deux finales de championnat du Monde… Mais le demi-fond, j’en ai tellement peu fait… Et puis, franchement, je ne peux pas dire que ça ait été une bonne expérience pour moi… Je peux même dire que j’ai regretté d’en avoir fait. »

 


 

Patrick Police pour STAYER FR  le 24 Février 2018 - transféré sur STAYER FRANCE le 8 Août 2020 

Avec tous mes remerciements à Louis Delpiano

Remerciements également à Gilles Ardin pour la photo de tête

 

  

 

 

 
 
 
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