PREAMBULE

Il aura traversé les années cinquante et soixante tel un sémillant ambassadeur du cyclisme sur piste, affirmant la présence de la France sur les pistes de plusieurs continents. D’abord routier doté d’une belle pointe de vitesse, sachant grimper quand nécessaire, il se révèlera très vite un brillant pistard, n’hésitant pas à tâter de l’expérimental lorsque l’occasion s’en présenta.
Sur le bois, il aura été un américain redoutable et respecté, doublé d'un coureur derrière derny de première force. Du bout des pédales il se lancera dans l’aventure du demi-fond, pour devenir champion de France à son premier galop d’essai !
Quand il se consacrera sérieusement au métier de stayer, au début des années soixante, il saura rappeler sa valeur une décennie durant aux cracks de la spécialité, quels qu’ils soient.
Enfin, il assurera – au meilleur niveau en "taxi de luxe " - la permanence de l’école française dans les six-jours européens et américains. Une carrière riche, aux sinuosités déroutantes parfois, dont STAYER FR va s’efforcer de vous faire revivre la brillance... un parcours où, vous vous en apercevrez bien vite, les performances, les expériences, et les drames parfois, ont toujours su ménager une place au pittoresque et au truculent.
JEAN RAYNAL, LE STAYER TOUCHE-A-TOUT, CHAMPION GLOBE-TROTTER
La première chose qui saute aux yeux de l’observateur lambda (moi, en l’occurrence) c’est que Jean Raynal apparaît comme un fameux dévoreur de kilomètres... Au temps de sa splendeur, il accumulait volontiers ses vingt-quatre mille bornes annuelles. Son credo d’alors : rouler le matin, rouler l’après-midi, sans relâche. Mais ne croyez pas qu’à maintenant quatre-vingt-trois ans révolus, cette marotte de roule-toujours lui soit passée : le Monsieur s’astreint encore quotidiennement à aligner les kilomètres, (même si parfois ce n’est plus que sur le home-trainer) et toujours « à fond la caisse ». Dans le pavillon de Champigny-sur-Marne, le vélo est omniprésent, de la chambre au salon, et je ne serais pas étonné que le home-trainer soit en surchauffe dès le réveil, calé sur 52x13 avec, une heure durant, soixante kilomètres à l’heure affichés au compteur…
Jean RAYNAL : « J’avais dix-sept ans, et déjà sur le vélo, rien ne pouvait me décourager : pensez que j’ai commencé le cyclisme par des randonnées de quatre cents bornes ! Et puis, tout débutant, je voyais passer sur la RN 4 - littéralement sur le pas de ma porte ! - (à Champigny-sur-Marne, sur l’avenue Marx Dormoy, à l’angle de la rue Michelet n.d. STAYER FRANCE), le peloton des Louviot, Idée, Danguillaume, Giguet, Bobet qui partaient s’entraîner. Très vite, je me suis mis en tête de leur « filer le train », jusqu’à la cuvette de Champlain, et d’accomplir le chemin du retour à leurs trousses. Bientôt, l’intrus que j’étais sera adopté, même si, par jeu, on ne se gênera pas de chercher parfois à le faire « sauter »… « Le dernier arrivé paie sa tournée au « Bon-Repos ! » (un bistrot situé au bord de la RN 4, en haut de la cuvette de Champlain) c'était le leitmotiv de ces sorties… » Mais le petit gars du C.C. Chennevières-Ormesson n’aura jamais à régler une tournée, même le jour où Paul Giguet tentera de le surprendre, son démarrage « couvert » en mode complot par ses beaux-frères Emile Idée et Camille Danguillaume …
Jean RAYNAL : « Quand j’y repense, en fait, je me suis formé tout seul ! En roulant avec ces gars-là, je me suis très vite dit : si ces mecs – c’étaient tout de même les champions du moment – se donnent la peine de s’entraîner, c’est qu’il doit bien y avoir une raison… A partir de cette réflexion, j’ai compris très vite la nécessité d’une préparation intense. Même si, apparemment, j’avais des dispositions pour la course cycliste, je me suis persuadé que je devais m’entraîner durement. Dans la presse, on a souvent parlé de « Raynal le touche-à-tout », « Raynal le fantaisiste », « Raynal le joyeux compagnon », « Raynal la figure de cinéma »… Je laissais dire, et j’accumulais mes vinqt-quatre mille bornes annuelles, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige… »
Passant - sans problème aucun - des Brevets de Randonneur de quatre-cents kilomètres aux critériums de banlieue, notre juvénile bornivore commence dès 1949 à se construire une solide réputation régionale, sous les couleurs jaune et bleu-gris du C.C.C.O. Avec sa belle pointe de vitesse, il va accumuler les victoires, avant d’entrer aux J.P.S. en 1951. C’est simple : à l'époque, lorsqu’il n’est pas à la gagne, il est inutile de chercher son nom dans la feuille de résultats au-delà de la dixième place ! Tout s’enchaîne à merveille, jusqu’au mois de septembre 1952, où l’heure du service militaire sonne…
Mais entretemps, le bail avec le club du Président Achille Joinard n’aura pu aller à son terme, à la suite d’un évènement insolite aux conséquences inattendues…
Jean RAYNAL : « L’hiver, je travaillais (car il fallait bien que je gagne ma croûte !) en qualité de couvreur/plombier, à la faveur de petits chantiers. Le camarade qui m’avait embauché avait un défaut bien handicapant pour pratiquer ce métier : il avait le vertige ! Du coup, c’est moi qui grimpais à l’échelle de corde pour accomplir tous les travaux en toiture. Bref, un jour que je rentrais à vélo d’un de ces chantiers, et alors que je traversais le Faubourg Saint-Antoine pour prendre la rue de la Roquette, voici que je me fais agresser par un énergumène à bicyclette qui saisit la sacoche où était contenue tous mes outils et la secoue violemment, jusqu’à me faire tomber… Là-dessus on en vient rapidement aux mains : je le couche vite fait avec une série « gauche-droite » bien placée, et il s’écroule le long d’une camionnette. Fin de l’algarade, je reprends mon vélo et le laisse là, et n’entends plus parler de cette histoire jusqu’au jour où je me retrouve convoqué par le Président de la F.F.C., Achille Joinard, qui était aussi mon Président de club ! Le gars avait porté plainte. C’était un marchand de quatre saisons qui, tous les matins, debout derrière son étal, dos à la rue, se faisait botter les fesses par un plaisantin à bicyclette »
STAYER FR : « Vous m’avez précisé que la victime de ce rituel imbécile avait donc décidé un jour, à bout de patience, d’amener son vélo avec lui, afin de courser l’indélicat dès qu’il se manifesterait, et lui administrer la correction qu’il méritait ! »
Jean RAYNAL : « Exactement, mais il y avait erreur sur la personne, et d’ailleurs le procès qui aura lieu établira bien vite mon innocence ! Entretemps, je me suis tout de même fait virer du club à cause de cette histoire, et au lieu d’effectuer mon service militaire au Bataillon de Joinville, tout près de chez moi, je me suis retrouvé affecté aux Forces Françaises en Autriche, au 5ème Dragon à Innsbruck ! Maintenant, avec le recul, je réalise que ça n’a finalement pas été une mauvaise chose, et tu verras pourquoi... Ceci dit, le type qui m’a valu ces ennuis ne m’a jamais présenté ses excuses… »
Tout au long de l’année 1953, au gré d’ordres de mission bien opportuns, le soldat Raynal va représenter la France sur les routes – plutôt escarpées – du Tyrol autrichien, et recevoir la révélation de dons de grimpeur tout à fait honorables.

Jean RAYNAL : « Là-bas, je ne vais finalement pas perdre mon temps. Je pouvais m’entraîner pratiquement tous les jours après mon temps de service, et bien vite je vais gagner pas mal de courses. Le Directeur du Mess des Officiers, Monsieur Leroy, s’arrangera même à ce que je sois en mesure de me coucher le soir en dehors de la caserne ! Pendant l’année 1953, je vais donc étoffer sérieusement mon palmarès : championnat militaire international et Critérium International d’Innsbruck, championnat des F.F.A.U., Innsbruck-Telfs et retour, critériums de Schwaz, de Hard, Tour des Alpes de Kitzbühel... »
« Au Tour d’Autriche, je vais remporter la deuxième étape, Graz-Klagenfurt, en alignant, lors d’une échappée à trois, un certain Rick Van Looy, puis la sixième, Bad Ischl-Linz. Et ne croyez surtout pas que le peloton était composé de « rigolos » là-bas ! : outre Van Looy, regarde un peu les classements de l’époque : tu y trouvera les noms des Belges Desmet et De Paepe (que je retrouverai plus tard sur les pistes), des Autrichiens Christian (qui fera plus tard troisième d’un Tour de France) et Wimmer (futur recordman de l’heure amateur), du Luxembourgeois « Jempy » Schmitz. »
De retour à la vie civile au début de l’année 1954, c’est sous les couleurs violet et orange du maillot de la Pédale Charentonnaise que va désormais sévir « l’Autrichien ». Il loupera de peu son championnat de France, devancé par Bourgeois et Vermeulin, au terme d’une course dont, aujourd’hui encore, il n’arrive pas à digérer le dénouement. L’hiver 1954 le voit écumer les vélodromes, et notamment le « Vél’ d’Hiv’ », où, très vite, associé à l’Autrichien Wimmer - qu’il a en quelque sorte "ramené dans ses bagages" -, il va se révéler transcendant.

Le club d’Oscar Egg peut jubiler : les records à l’américaine amateurs n’en finissent pas de tomber cet hiver-là sur les lattes du « Vél’ d’Hiv’ » : celui des dix kilomètres, détenu depuis 1938 par l’équipe Couturier-Le Moal, des vingt kilomètres, jusqu’ici propriété jusque-là de Decaux et Michel, et même celui de la demi-heure, fraîchement établi par Brun et Picard… Que ce soit associé à Wimmer, au Français Guérin ou, deux années plus tard, à l’Autrichien Simic, Jean Raynal n’en finit pas de brûler les planches…
Si l’hiver 1954 a marqué l’entrée en scène d’un grand pistard, le millésime suivant va démontrer que notre homme est également un redoutable « client » lorsqu’il s’agit de prendre le sillage d’un derny, engin qu’il découvre d’abord au Circuit de Daumesnil, le 21 Avril 1955. Troisième de cette course remportée par Claude Barmier du V.C.C.A., il maîtrisera bien vite les subtilités de l’exercice en tournant inlassablement sur la vénérable et voisine « Cipale ».
Sur la route, il épingle un Paris-Montargis chahuté, où il laisse derrière lui les De Vries, Mézière, Skerl, Deconinck… Il ajoute dans son escarcelle une étape du Ceinturon de Barcelone au mois d’Août, puis un prix de la Ville d’Asnières sous les yeux experts de Léo Véron et Jean Maréchal, bluffés par son « jump » irrésistible. Mais tout ceci n’est que peccadille lorsque le 11 Décembre 1955, sur les lattes du « Vél’d’Hiv’ » de Paris, derrière le derny piloté par Fernand Wambst, il établit le premier record amateur du genre : 55.826 kilomètres dans l’heure ! Un chiffre à faire réfléchir plus d’un professionnel, puisque la marque établie jusqu’ici par Roger Queugnet chez les « pros » n’était « que » de 55.388 ! Dans le monde de la piste, plus personne ne peut désormais méconnaître la valeur de cet athlète d’ 1m 76 et 74 kilos, véritable « publicité pour la joie de vivre » - comme le dépeindra un jour le coureur-journaliste Henri Surbatis-, adroit dans le sillage du derny, au style coulé et redoutable d’efficience.
1956 pourrait donc bien être pour notre homme l’année de l’apothéose. Mais 1956, c’est surtout l’année terrible où l’on rappelle pour la Guerre d’Algérie la classe 1952. Et notre homme de partir pour un long "stage", qui le mènera d’Orléansville (aujourd’hui El-Asnam) à Périgueux, et interrompra tristement un parcours jusqu’ici sans faute. Et 1956 restera comme une année " blanche " : adieu les Jeux Olympiques de Melbourne ! Une chance est passée à jamais. Après avoir couru quelques mois pour le club de Périgueux, ce sera le retour à la Pédale Charentonnaise, pour une année 1957 charnière. La piste ou la route ? La route ou la piste ?
La balance semble fortement pencher du côté route, avec une victoire au critérium des Comingmen du renouveau, organisé - après une longue période d'interruption – sur le circuit de Longchamp par le V.C. de Paris. Elle penchera davantage encore côté route, à l’occasion d’une victoire qu’il considère aujourd’hui encore avec une tendresse particulière : car dans cette homérique Roue d’Or à Daumesnil, disputée derrière scooter Vespa, il caracolera littéralement ce jour-là, en pignon fixe avec le 52x13, sur un vélo de piste équipé du seul frein avant ! Mais une fois saluée la foule, debout sur la banquette d’une autre vedette de l’année 1957, une Vespa 400 GT brillant de tous ses chromes, il doit filer en toute hâte en direction de La Cipale toute proche pour disputer (et remporter) une américaine, le Prix Rouillard-Vuillemin, associé à son complice André Retrain qui, en l’attendant, faisait des ronds, seul contre les autres équipes !

Un Paris-Briare remporté en pignon fixe dans la foulée pourrait bien le convaincre tout à fait de son talent de routier-sprinteur... Pourtant, son destin de pistard s’écrira à l’occasion d’un Paris-Vimoutiers, disputé parmi les « pros », en qualité d’Indépendant. Là, alors qu’il se voit déjà ne faire qu’une bouchée au sprint de son compagnon d’échappée Pierre Michel - avec qui il compte une belle minute d’avance sur les rescapés - il ne peut qu’assister impuissant à la victoire de Joseph Groussard, toutes ses chances envolées suite à une bête crevaison survenue en pleine ascension du « Mur » des Champeaux.

A partir de ce jour, plus d’hésitation, ce sera la piste, ses contrats sûrs et lucratifs, et ses courses moins soumises aux aléas ! De plus, notre homme aime le public des vélodromes, qu’il séduit à tout coup avec sa gueule d’acteur de cinéma, et il se sent comme un poisson dans l’eau dans l’atmosphère bruitive et enfumée des vélodromes.
Quelques semaines encore et viendra le temps de l’ancrage définitif dans le monde de la piste, avec la folle aventure des Six-jours, pour lesquels il contractera un long mariage d’amour, préambule à une entrée fracassante dans le monde du derrière moto. Mais ceci est une toute autre histoire...
" DU DEMI-FOND AU SPOUTNIK, DU SPOUTNIK AU DEMI-FOND "

photo collection Jean Raynal
1957, c’est aussi l’année de l’ouverture de l’Ecole Fédérale de Demi-Fond à la bonne vieille « Cipale » de Vincennes, animée par Jacques Lohmuller et Henri Damasse. L’année aussi de la renaissance des championnats de France et du Monde de demi-fond pour les amateurs et indépendants, compétition qui sera disputée à l’automne pour ce dernier sous la forme d’un Critérium Mondial, sur la piste de Leipzig, à l’Automne.
Jean RAYNAL : « Tout est parti d’une boutade lancée à l’emporte-pièce un jour d’entraînement à La Cipale. Alors que je regardais tourner les stayers qui se préparaient pour les championnats de France, je lance à Henri Damasse qui était à mes côtés : « Dis-donc, ils vont tout de même pas donner un maillot de champion de France à ces mecs-là ? » Aussi sec, Damasse me renvoie : « Si tu es aussi costaud, tu n’as qu’à t’engager ! En plus, tu as de la veine, aujourd’hui, c’est le dernier jour pour s’inscrire au championnat !» J’étais doté d’un tempérament de fonceur, et il n’a jamais été trop dans mon tempérament d’hésiter. Je lui ai alors répondu, du tac au tac : « Vous pouvez m’engager ! » Et Damasse d’avancer perfidement : « Dis, tu as un vélo de stayer, au moins ? » Moi : « Non, évidemment… »
Le numéro devait avoir été bien réglé à l’avance, car sur ces entrefaites, arrive comme par hasard son complice Jacques Lohmuller qui en rajoute alors une couche en lançant opportunément: « Mais ce n’est pas un problème (ben tiens !...) On va t’en passer un ! » Et de me précipiter sur ces paroles providentielles direction le café de Marcel Jean tout proche pour m’inscrire ! Du coup, il ne me restait plus qu’à enchaîner vite fait sur le gaz des séances de soixante bornes, sur la route le matin et autant derrière moto sur la piste l’après-midi, pendant les deux journées qui me séparaient de la course au titre pour être fin prêt ! Le jour du championnat, je gagnerai devant Hugues Pacini de l’A.C.B.B. et mon camarade de club Roger Picard ! Drivé par Maurice Longue, j’étais revenu à la mi-course sur Pacini qui s’était usé à vouloir doubler Picard. Du coup, j’ai remporté ce titre sans finalement me faire trop mal. Et la presse de l’époque de clamer alors : « Raynal, transcendant, a son billet pour Leipzig » »

« Après le championnat, sur la route, avec mon club, la Pédale Charentonnaise, je vais remporter en septembre une course ressuscitée, disputée sur le circuit de Longchamp, le Critérium des Comingmen. Tout se présente dès lors pour le mieux côté condition physique lorsque s’annonce le fameux Critérium Mondial.
Mais là, c’est la catastrophe : je rencontre avant d’aller à Leipzig un gars - dont aujourd’hui encore je suis incapable de me rappeler le nom - qui me fait signer un contrat moyennant monnaie pour porter en course des chaussures révolutionnaires de son invention. Hélas, ces chaussures, vissées sur la pédale, (eh oui, dès 1957, le système existait, la preuve !) si elles étaient difficiles à chausser, l’étaient encore plus à rechausser. Au premier coup de pédale de la manche qualificative, je sortais le pied, et m'emberlificotais pour le remettre, une catastrophe ! Empêtré dans mes problèmes de chaussures, ne trouvant jamais le bon coup de pédale - et pour cause ! -, je n’ai pu faire que cinquième de la première série remportée par l’Italien Musone.
Plus tard, je m’enfoncerai davantage dans les repêchages (6ème, vainqueur Zieger (R.D.A. - n.d.Stayer Fr) Pire : je ne participais même pas à la manche de la consolation (course arrêtée par les intempéries au vingt-huitième kilomètre) ! Et comme si ce n’était pas assez, le soir même, voilà que je me fais pincer dans la chambre des filles de l’hôtel où nous séjournions, par un Henri Damasse outré et furibard… Là, mon standing tout frais va en prendre un fameux coup.
Mais je ne gamberge pas, et je me décide bien vite de tourner la page, pour passer professionnel. Ce sera chose faite le 7 Novembre 1957. Tiens, tu peux vérifier, j’ai conservé ma licence depuis tout ce temps ! »
Après cette séquence demi-fond achevée en queue de poisson, la saison 1958 sera pour Jean RAYNAL placée sous le signe du Spoutnik, le premier engin satellite artificiel qui a bouleversé l’histoire spatiale l’automne précédent. Cela fait un moment que le Suisse Oscar Egg, ex-champion cycliste et recordman de l’heure (entre autres) reconverti dans le commerce des cycles, est à la recherche depuis quelque temps d’un coursier sans peur et sans reproches susceptible de piloter un curieux engin caréné de son invention, qu’il a opportunément baptisé « vélo-spoutnik »
Cet engin n’est rien moins que le rejeton putatif du fameux « Vélo-Torpille » d’avant-guerre (celle de 14-18) de l’Ingénieur Etienne Bunau-Varilla. Si l’on se rappelle que c’est le meilleur ennemi d’Oscar Egg en record de l’heure, le Français Marcel Berthet, qui avait utilisé en ces temps héroïques cette curieuse machine, il ne vous reste plus qu’à échafauder toutes les théories possibles et imaginables sur les motivations profondes qui ont pu pousser Oscar Egg a ressortir de la cave cette vieille lune de la recherche aérodynamique (Rancune tenace contre Berthet? Sorte de vengeance surgelée ? Difficile de trancher… )
Il n’empêche que l’engin va faire parler de lui tout au long de l’été 1958. Ce vélo caréné, doté d’un habitacle en matière plastique, d’abord fermé, puis ajouré au moyen d'une ouverture pratiquée en sa partie supérieure, n’en finira pas de méduser le public des vélodromes européens.
A Lausanne, malgré la prime de cent mille francs offerte, une équipe de quatre poursuiteurs du cru, renforcée par le champion-recordman de l’heure Willy Trepp, est rejointe par notre homme-torpille au bout de huit tours ! Deux équipes de coureurs se relayant à l’américaine, et même un stayer ne pourront quant à eux que s’accrocher quelques tours, avant d’ « exploser », la face empourprée et le souffle court ! Au cours de ces démonstrations, notre homme tutoie les 63 kilomètres à l’heure, et déroule le kilomètre en 57 secondes, chiffres impensables alors ! Animé à coup de 52 x 13 (tout de même), le vélo-torpille Spoutnik III se révèlera vite imbattable.
Et un scénario identique se reproduira au vélodrome d’Ordrup au Danemark, où Raynal et son vélo-spoutnik (à moins que ce ne soit le contraire) atomiseront au bout de cinq tours de piste le « gratin » de la piste danoise représenté par Kay-Werner Nielsen,Palle Lykke, Jean Hansen et Rupert Christensen »

De Bruxelles à Zurich en passant par Lyon, la cagnotte de l’équipage Egg-Raynal n’en finira pas de prospérer… Mais il sera bientôt temps pour notre homme de passer après ce bel été à d’autres jeux, même si ceux-ci se sont révélés fort lucratifs, et de ne plus proposer de défis, mais d’en relever. Ce qu’il va s’attacher à faire sans plus tarder.
Jean RAYNAL : « Oscar Egg tenait une boutique de cycles avenue de la Grande Armée à Paris, et était le Directeur Sportif de la Pédale Charentonnaise, mon club. Il avait essayé de faire piloter l’engin à plusieurs coureurs, et tous avaient échoué ! Un coureur niçois du nom de Zanetti, si j’ai bonne mémoire, des « pointures » comme Roger Gaignard, Jacques Bellanger, et même Roger Hassenforder je crois, tous s’y étaient cassé les dents. Un jour, Fernand Wambst confia à Oscar Egg, qui s’était ouvert à lui du problème : « Ecoutes, je connais, moi, un type assez dingue pour piloter ton engin » Evidemment, ce « dingue », c’était moi ! »
« Maintenant, il faut reconnaître qu’il n’était pas commode à manœuvrer, le « Spoutnik » ! A l’intérieur de la carlingue, ça vibrait de partout tant que l’on n’avait pas atteint les soixante à l’heure. Mais j’ai vite trouvé la parade pour corriger la chose : en plaquant mes coudes contre la coque, l’effet de « shimmy » que j’avais ressenti initialement avait disparu comme par magie. Inutile de te dire que j’ai gardé le « truc » pour moi, alors que le père Oscar Egg m’a regardé à ma descente de machine comme une sorte de messie »
« Plus tard, en réduisant un peu la taille de la coque et en portant des coudières, c’est même devenu presque parfait. A la fin, on a pratiqué une ouverture dans le cockpit ! Ainsi, ça devenait nettement plus respirable pour pousser le 52 x 13, et accomplir le kilomètre en 57 secondes… »

« Ce vélo-spoutnik, on l’a exhibé sur tous les vélodromes possibles : à Berne, à Valenciennes, à Berlin, au Parc des Princes, à la Tête d’Or à Lyon, à Copenhague, à Saint-Etienne, à Anvers … et même sur la piste d’Oléron, alors un véritable champ de mines, un vrai petit Paris-Roubaix. Mais là-bas, j’en ai fait « cadeau » à Hassenforder ! En bord de piste, je pouvais voir la carlingue qui tremblait et se détériorait, et compter les boulons qui s’en détachaient au fil des tours… Maintenant, c’est une aventure qui a valu la peine d’être vécue : rends-toi compte, j’encaissais un million de francs au cours de ces match-défi si je les remportais ! Et rien si j’étais battu. Mais je n’ai jamais été battu ! Pour transporter le « Spoutnik », c’était pittoresque : je fixais le carénage et le vélo couché sans les roues sur la galerie de la 403 Peugeot, et les roues dans le coffre. Effet garanti sur les routes et autoroutes d’alors... Tu me demandes ce qu’est devenu l’engin ? Eh bien, il a fini à la casse, il y a une vingtaine d’années. Ma femme en avait marre de le voir dans notre garage… Elle m’a demandé de nous en débarrasser, et vite ! Parce que, comme elle me disait « Tel que je te connais, tu serais bien capable un jour d’en refaire !… Et elle avait raison ! »
DES SIX-JOURS, UN RECORD ET PUIS … LE DEMI-FOND
Après les jeux (ma foi fort lucratifs) du « Vélo-Spoutnik », il était temps pour notre homme de changer de braquet. Le mot d’ordre pour l’année 1959 sera donc : « Tout pour le demi-fond ! » Mais avant d'évoquer cette tranche de vie forte de ses six titres nationaux, il nous reste à évoquer l'évènement qui y mènera.
Jean RAYNAL : « Tu viens de me remettre mon palmarès, établi par ton copain … Chapeau… Je suis impressionné. Il y a même dedans des courses dont je ne me rappelais plus du tout ! Pourtant, je vois qu’il manque quelque chose… Et quelque chose qui me tient drôlement à cœur : c’est mon record derrière derny ! Je vais te raconter, car ça en vaut la peine ! Ce jour-là, le 8 Février 1959, au « Vél’ d’Hiv’ » de Paris, je marchais « terrible », au point que j’ai battu le record des dix kilomètres derrière derny, détenu jusqu’ici par Louison Bobet ! Mais s’il n’y avait eu que le record ! Dans cette course, disputée « à fond les poignées », j’ai laissé derrière moi Jacques Anquetil lui-même, après avoir doublé tous mes adversaires ! Je m’en rappellerai toujours : à peine la ligne d’arrivée dépassée, Anquetil, alors que nous étions encore sur le vélo, m’a passé le bras autour du cou et m’a dit : « Je suis content ! Merci, merci : tu as battu le record de Bobet ! » Ce record, je l’avais abaissé de dix secondes ! (10’11’’3/5 au lieu de 10’21’’3/5) Parti en tête, jamais dépassé pendant la course, avec un Jacques Anquetil constamment sur mes talons et qui finira à 125 m, Varnajo, Blusson, Gauthier et consorts doublés, oui, ce match « Pistards-Routiers » restera un des grands moments de ma carrière, un de ceux dont je suis le plus fier ! Le lendemain, les journalistes me couvraient de louanges : « Jean Raynal affirme son talent » « Un exploit à l’actif de Jean Raynal » Après ce moment de grâce, j’enchaînerai par la suite les américaines au « Vél d’Hiv’ » avec Roger Godeau, avant de partir pour New-York afin de participer aux Six-Jours là-bas, avec Serge Blusson pour équipier. Etaient du voyage également Bernard Bouvard et André Boher »

« On a vécu sur le transatlantique « Le Liberté » sept jours d’une traversée bien agitée, et Bernard Bouvard et ses coups pendables n’y furent pas pour rien ! Au retour des Etats-Unis, j’ai participé au gala de clôture du Vél’ d’Hiv’ : " Le dernier tour de piste " ainsi que l'appelait le programme. Ce vendredi 17 Avril - tristement historique -, je finis quatrième de l’épreuve de demi-fond derrière Timoner, De Paepe et Godeau. Car je continuais à courir derrière moto, comme tu le vois. Depuis mon titre chez les amateurs, je n’avais jamais vraiment laissé tomber le demi-fond, « faisant le stayer » par ci par là, au gré des contrats. Toutefois, mon record et ma victoire sur Anquetil derrière derny avaient agi en moi comme un déclic, et l’idée de m’y consacrer plus sérieusement, me trottinait de plus en plus dans la tête. Appuyé sans réserve par Georges Wambst, j’ai décidé un beau jour de faire du championnat de France des stayers un véritable objectif »
« Routier ou pistard, je restais toujours le même forcené de l’entraînement. La plupart du temps, j’effectuais mes raids dans le sillage de la Mobylette orange de mon oncle Lucien Baudry, sur la route nationale 4. Un jour que nous roulions à fond entre Ozoir-La-Ferrière et Tournan, nous voilà interpellés par un gendarme nous faisant signe de nous arrêter : « Le Général de Gaulle va passer, dégagez de là ! » Je ne lui réponds pas, et on continue de foncer comme si nous n'avions rien entendu.
Quelques instants plus tard, une 403 break de la gendarmerie nous prend en chasse, et nous force à stopper. Les gendarmes ne sont pas longs à nous emmener tous les deux au poste de Tournan. Là, ils me verbalisent pour, en vrac et dans le tas : prise de sillage d’un cyclomoteur, défaut d’avertisseur et absence d’éclairage. Je leur dit que leur verbalisation ne vaut rien, que je n’ai pas pris le sillage de qui que ce soit, que je ne connais pas le type qui conduisait ce cyclomoteur ( !) J'en rajoute en leur affirmant que c’est lui qui m’a dépassé et qui m’accompagnait lorsqu’ils m’ont interpellé … Quand ils m'ont demandé ce que je faisais sur cette route, je leur ai répondu : « Je suis champion de France, il faut bien que je m’entraîne, non ? »
Là, ça s’est gâté, et le ton est vite monté. « Je peux téléphoner ? » « Non ! » Dès lors les choses ont franchement dégénérées, et à un point tel que je me suis retrouvé bientôt menotté à un radiateur du poste ! Alors là, je peux te dire que j’ai gueulé, et me suis débattu en faisant un boucan de tous les diables ! Après avoir vérifié mon identité (ça a duré des heures), ils m’ont finalement relâché à la fin du jour. Il ne me restait plus dès lors qu’à rentrer chez moi à vélo, avec une histoire de plus à ajouter à mon «palmarès » (après celle du marchand de quatre saisons (cf. premier épisode - n.d. Stayer Fr). Pour les journaux de l’époque, ça a été l’occasion de me faire un peu plus de publicité en titrant deux jours après : « Le chemin du Président De Gaulle coûte cher… » »
«Tout pour le demi-fond », avions-nous dit plus haut. Oui, mais les anciens ne sont pas forcément enclins à lâcher prise en cette année 1959, et Jean Raynal devra se contenter de la troisième place au championnat de France disputé sur la piste du Parc des Princes à Paris, derrière les indéracinables Bouvard et Godeau. Ce jour-là, Jean Raynal se heurtera de plein fouet à ces deux « murs ». Passer Godeau ? Aussitôt c’était buter sur Bouvard. Attaquer à mort ? Passer l’un, et c’était ce jour-là s’exposer immanquablement au « contre » de l’autre, un jeu où il n’y avait rien à gagner. L’heure de la consécration chez les « pros » n’avait apparemment pas encore sonnée pour le stayer francilien...
Jean RAYNAL : « Pour l’édition 1960 du championnat de France, je suis persuadé que le titre est pour moi. J’ai préparé cette compétition pendant deux mois. Même si je crains Roger Godeau, je sens que je peux le battre, car je suis en parfaite condition. Mais le jour de la course, parti en tête, je vais buter sur Robert Varnajo, et surtout sur son entraîneur Meuleman. Lorsque je réussirai à m'en débarrasser, ce sera pour m’épuiser à la lutte avec Bernard Bouvard, tout ça durant la première demi-heure. A ce petit jeu, arriva ce qui devait arriver : Godeau nous a placé - une fois que l'on s'était bien "cramés" - une attaque imparable, et a tiré les marrons du feu !

Et malgré cela, je termine dans le tour de Godeau, « sur ses reins », à cent cinquante mètres, mon copain André Retrain me dépassant… après la ligne, pour finir troisième ! La presse, emballée par la course, estime que j’ai été l’homme fort de la course, et qu’André Retrain et moi représentons le renouveau du demi-fond. D’ailleurs, Roger Godeau lui-même ne le cache pas, et assure même ma promotion en déclarant aux journalistes : « Jean Raynal sera mon successeur ! » Mais tous ces compliments ne peuvent pas effacer ma déception, énorme ! »
« Les championnats du Monde, qui se déroulent trois mois plus tard en Allemagne de l’Est, à Karl-Marx-Stadt (redevenue Chemnitz de nos jours, n.d. Stayer fr) auraient pu constituer une consolation idéale. Tout débute comme dans un rêve, et ils vont résonner comme un véritable coup de tonnerre dans le petit monde du demi-fond ! Car sur cette piste parfaite, dans le sillage d’Hugo Lorenzetti, et devant vingt mille spectateurs enthousiastes, je vais remporter ma série, la troisième, en « déroulant » en tête du début à la fin ! A la moyenne de 80,793 km/h, en enroulant en souplesse le 29x6, je vais épater ce mardi soir là tous les observateurs présents. La presse française va s’enflammer de suite, d’autant que Verschueren et Timoner - spectateurs en bord de piste - leur déclarent voir en moi un futur champion du Monde ! »

« Inutile de te dire qu’après cette victoire, je me retrouve « gonflé à bloc ». Hélas, l’euphorie ne durera pas très longtemps : le vendredi suivant, je déchantais même tout à fait, en passant à côté de ma finale (disputée entre parenthèses à plus de 82 km/h de moyenne, la plus rapide de l'après-guerre !) Cinquième derrière le grand Timoner, les Hollandais Wiestra, Koch, Van Houwelingen et l’Italien Pizzali, je me suis un peu consolé en pensant que j’avais tout de même gagné en quelque sorte pendant ces championnats du Monde mon ticket d’entrée dans la cour des grands. Mais au fond de moi, j’espérais autre chose, et la presse française aussi. Encore aujourd’hui, je ne comprends toujours pas comment j’ai pu passer au travers dans cette finale. D’autant que quelques temps après, je gagnerai au Parc des Princes la « revanche » de ces championnats du Monde, en faisant décoller – à quatre reprises s’il vous plaît ! - le Grand Timoner en personne ! »
« La saison d’après, je suis fin prêt pour revêtir mon premier maillot de champion de France chez les professionnels. 1961 sera l’année de ma consécration. Au terme d’une course serrée, disputée à 81.234 km/h de moyenne, je remporte mon premier titre chez les professionnels, en laissant à trente mètres derrière moi un Robert Varnajo qui m'a mené la vie dure une heure durant. Ni lui ni moi ne pouvions nous douter que l’on inaugurait ce jour-là une rivalité qui allait s’étaler sur cinq saisons ! Pour les championnats du monde, disputés deux mois et demi plus tard, à Zurich, je figure logiquement parmi les favoris, compte tenu de mon titre tout neuf, et surtout de ma performance en série de l’an dernier, qui est restée dans tous les esprits. En l’absence de Timoner, blessé par une grave chute (fracture de l’humérus) survenue sur le vélodrome de Madrid, je crois en mes chances, même si personne, et moi le premier, n’ignore cette année-là la forme étincelante de l’Allemand Marsell. Je gagne ma place en finale, en terminant second de ma série derrière le Hollandais Wiestra. Mais cette finale se révèlera un drôle de « western » ! La course sera viciée par les agissements de Meuleman, l’entraîneur belge de Marsell, envers son compatriote Verschueren. Ce dernier tentera d'ailleurs de se faire justice lui-même, sur la piste ! La course se terminera en esclandre. Mais le plus triste restera pour moi d’avoir fait perdre ce soir-là mon ami Paul De Paepe, que j’avais connu en Autriche (voir épisode précédent n.d.Stayer.Fr) et à qui j’avais promis de ne pas faire de misères pendant la course. Dommage que Lorenzetti, mon entraîneur, n’ait rien trouvé de mieux que de faire tout le contraire ce soir-là, en « arrêtant » mon ami de son propre chef ! Je terminerai quatrième de cette drôle de finale au goût amer. Tu ne me croirais pas, mais tout ce « bazar » n’a finalement pas eu d’influence sur mon résultat décevant; je ne peux pas dire ça, ça ne serait pas honnête. Je n'ai pas fait une belle finale, c'est tout. Ce qu’il faut retenir de positif, c’est que j'ai confirmé à Zurich cette année-là le statut acquis l’année d’avant à Karl-Marx-Stadt. D’ailleurs, je vais enfoncer le clou dès le mois de Décembre, en terminant second du Critérium d’Europe de demi-fond disputé à Bruxelles, remporté par… Paul De Paepe.

Sans m’étaler sur le sujet, talonné pendant toute la course par le champion du Monde, Marsell, je dois dire que je n’ai vraiment pas empêché Paul de remporter le maillot or avec la bande arc-en-ciel ce soir-là »
Fort de ce statut de stayer de valeur internationale, 1962 devrait donc s’annoncer favorablement pour « Monsieur 80 à l’heure ». Il va lui falloir confirmer son titre de champion de France, et chercher le maillot arc-en-ciel, que ses pairs et la presse le voient capable de forcément revêtir un jour.

Mais tout ne va pas se passer pour le mieux cette année-là : une pincée de « Chouan » et une bonne dose de malchance suffiront à remettre les compteurs à (presque) zéro.
Jean RAYNAL : « Et voilà que je perds mon maillot de champion de France... Celui qui me le ravit ? Mon « meilleur ennemi » : Robert Varnajo. On s’est battu comme des chiffonniers tout au long de la course, et je finis à quarante mètres du « Chouan ». J’ai perdu mon titre, mais au moins on aura offert en ce 20 Mai au public du Parc des Princes un spectacle de toute beauté. Ce jour-là, il était déchaîné, ce public, et il a eu du mal à trancher entre ses deux « chouchous ». Je termine second donc, mais en n’ayant rien à me reprocher : je reste donc confiant pour les championnats du Monde. Surtout qu’ils se disputent à Milan, sur la piste du Vigorelli. Je me frotte les mains : une piste « rapide », comme je les aime ! Le « Chouan », lui, aurait préféré une piste plus « dure ». Mais c’est tout « bénéf’ » pour moi. Je crois en mes chances, même si Timoner, de retour, est le grand favori, indiscutable. L’Equipe n’hésite pas à avancer « Jean Raynal aura au Vigorelli la chance de sa vie ». Je termine troisième de ma série derrière Timoner et De Paepe, et me qualifie pour la finale. Tout se présente donc pour le mieux pour moi... sauf la météo : 44°, avec un Vigorelli transformé en étuve ! Et une finale qui tournera pour moi au cauchemar. En effet, j’attrape dans l’après-midi une insolation terrible. Je veux me rafraîchir un peu, et je m’effondre dans les douches. Mon état inquiète tellement les personnes présentes que l’on décide de me transporter à l’hôpital de Milan, afin de s’assurer qu’il ne s’agit bien seulement que d’une insolation (tu vois ce que je veux dire…)
De retour de l’hôpital le soir même, je suis hors de toute condition. Et le jour de la finale je n’ai toujours pas récupéré. Dans le sillage de l’entraîneur Meuleman (le même qui avait failli tuer Verschueren l’année précédente), sans forces, je ne trouverai jamais l’allure et il n’y aura pas de « Miracle à Milan » : je terminerai sixième. La presse française, qui avait cru en moi, et m’avait plutôt gâté les années précédentes, ne me loupe pas cette fois : « Jean Raynal fut « léger » « Jean Raynal n’a pas tenu ses promesses »
Jean RAYNAL : « La saison d’après, les journalistes auront encore l’occasion de se défouler, à l’occasion du championnat de France (1963). "On" (Jean Leulliot dans « Route et Piste », n.d.Stayer.fr) parlera même de « drogue » pour commenter ce qui m’est arrivé ce dimanche 9 Juin. Parti en tête derrière mon pacemaker Meuleman, je serai constamment à la lutte avec (encore lui !) un Robert Varnajo qui n’arrêtera pas de m’emm… pendant toute la course, Roger Hassenforder restant longtemps en embuscade dans le même tour. A huit minutes de la fin, alors que Varnajo et Lorenzetti m’attaquent pour la Xième fois, je perds le contrôle de mon vélo alors qu’on était "aux bâtons", à 80 à l’heure et plus ! Et là, je ne peux pas éviter la chute ! Groggy en bord de piste, je peux dire adieu au titre... Et dire que je n’avais plus que huit minutes de course à tenir ! »

Les brancardiers du Parc des Princes emmèneront Jean Raynal sous les acclamations un peu inquiètes et émues du public, pendant que Varnajo ira chercher dès lors sans coup férir son deuxième titre de champion de France.
Jean RAYNAL : « Ce n’est que cinq jours plus tard, alors que j’étais de retour au Parc pour m’y entraîner, que j’ai eu le fin mot de l’histoire, en constatant que le boyau arrière de mon vélo de piste était à plat. Une crevaison lente… il ne fallait pas chercher plus loin la cause de ma chute. Mais c’était trop tard pour en parler à la presse ; ça aurait eu tout l’air d’une excuse, et ça, je ne le voulais pas… »
« Mais je vais vite me consoler, car, cette saison-là, je tiens une forme du tonnerre, et j’enchaîne victoires sur victoires au Parc des Princes, à Dortmund, à Zürich. Et cette victoire à Zürich, je ne peux pas l’oublier. Là-bas, au Hallenstadion, dans le sillage d’Auguste Wambst, je vais remporter le Grand Prix des Stayers, et recevoir une ovation extraordinaire, de celles qui comptent dans la vie d’un coureur ! D’autant que les vedettes du coin, dans le dos de l’organisateur, étaient venues me voir avant le départ pour me demander de ne pas bouger de la course. Ils m’avaient même attribué une place dans leur "classement" : « Tu feras sixième » Choqué, je leur réponds : « Vous rigolez ? Pour faire sixième, j’ai besoin de personne ! » »
« Peu après, j’en parle à Auguste Wambst, qui est devenu sur le coup fou de colère. Résultat : on a fait un départ canon, puis on a tourné en haut de piste, en mettant au fur et à mesure des tours tout le monde "à plat ventre" ! L’organisateur, qui n’était au courant de rien, et qui était un « pote » d' Auguste Wambst, nous a félicité pour notre démonstration, sans rien savoir de ce qui s'était tramé à son insu avant la course ! »
Jean Raynal a « loupé » son championnat de France. Il ne lui restait plus qu’à échouer au championnat du Monde ! Mais là, ce sera sans avoir nourri aucune espérance ni illusion. En effet, la course se déroule au vélodrome de Liège-Rocourt. Sur une piste « dure », de celles sur lesquelles ses qualités de sprint et de détente "s'écrasent" et ne s’expriment pas. Par contre, une piste « dure »… Vous m’avez compris, ce genre de piste ça fait l’affaire de… suivez mon regard…
Jean RAYNAL : « Je vais te dire : je n’ai jamais aimé ce genre de pistes, type Rocourt ou Nuremberg. Celles-là, c’était pour Varnajo. Moi, j’étais à l’aise sur les pistes « rapides » type Milan, le Parc des Princes, Bordeaux. Par contre, s’il est vrai que je redoutais certaines pistes, par contre, je n’ai jamais craint personne. Sauf peut-être "Le Chouan", parce que lui, même quand tu avais réussi à le doubler, eh bien, tu n’étais jamais sûr d’ « avoir sa peau ». Même passé, il revenait t’attaquer, il n’arrêtait jamais… Bien sûr, il y avait Timoner.
Timoner a d'ailleurs toujours cru en moi, et il est devenu par la suite un ami. Je me suis rendu chez lui avec mon épouse, à Majorque, en 1961. Là-bas, il s’entraînait sur la piste locale, derrière la moto conduite par sa femme ! Il était bien le plus fort, rien à dire à ce sujet. Tu me demandes s’il était « prenable » ? Franchement, pour le battre, il n’y avait qu’une manière, une seule : « l’arrêter » quatre ou cinq fois de suite. Moi je savais le faire; après, il n’avait plus les moyens d’insister.Mais à ce petit jeu, bien sûr, j’étais « carbonisé » Sinon, si tu laissais faire, c’était parti pour le voir "faire son cinéma" en haut de piste, et nous tourner autour. Et puis, il y avait aussi Adolf Verschueren, que j’ai connu alors qu’il était plutôt vers la fin de sa carrière. Pour moi, c’était lui le plus "rapide". J’étais pourtant très fort sur un kilomètre : eh bien, je n’ai jamais réussi à le « prendre » sur cette distance… Et puis lui, tu pouvais toujours essayer de « l’arrêter » : même à vingt à l’heure, ça ne lui aurait pas posé de problèmes : il repartait aussi sec, et autant de fois que tu voulais ! »

Reprenons notre récit là où nous l’avons laissé : à ce championnat du Monde 1963, et à cette satanée piste de Liège-Rocourt, cauchemar des « stayers-sprinteurs ».
Jean RAYNAL : « Troisième de ma série qualificative derrière mon ami De Paepe et l’Allemand Marsell, je ne m’attends pas à un miracle dans la finale, qui sera remportée par le Belge Proost devant De Paepe : je termine bon dernier. Mais cette soirée- là, c’est Robert Varnajo, bien sûr, qui fera un « tabac », en poussant les deux Belges dans leurs derniers retranchements, en dépit d’un Lorenzetti étrangement prudent (cf. article Stayer Fr. Robert Varnajo « le Chouan » un stayer pas à demi-fond) Je vois bien que tu vas me dire : que j’aurais pu lui filer un coup de main, au « Chouan », sur ce coup là... »
« ...C’est vrai, mais c’était impossible. Devant lui, il y avait mon pote Depaepe. Et puis, comment j’aurais fait ? A partir du moment où nous n’en avions pas parlé avant la course, il m’aurait fallu un haut-parleur pour demander à mon entraîneur d’arrêter… et d’arrêter qui, d’abord ? Suppose que je l’aie fait, et que j’aie réussi à bloquer Depaepe… Eh bien, il restait de toutes façons un deuxième Belge devant… »
« Après le championnat du Monde, je vais repartir pour une belle campagne de Six Jours à travers l’Europe : Montréal, Berlin, Bruxelles, Zurich, Berlin à nouveau, Anvers, Milan. Dans ces années-là, je suis un peu l’ambassadeur de la France sur les vélodromes européens, où je suis très demandé par les organisateurs. Mais ce n'est pas forcément cela qui me rend le plus fier. C’est que demandé, je le suis aussi par les coureurs eux-mêmes, et surtout par le « gratin » des vélodromes, les meilleurs spécialistes, les Gillen, les Pfenninger, les Bugdahl, qui savent reconnaître en moi un vrai « taxi » de la piste… Une véritable fierté pour moi »
« Nous arrivons à la saison 1964, et là, arrive « la grosse tuile » Le 23 Février, au cours du Critérium d’Europe derrière derny, disputé au Sportpaleis d’Anvers, alors que, « drivé » par Pierre Morphyre, je roulais devant Peter Post, je viens à crever, puis à chuter lourdement. Là, j’ai tout de suite compris que c’était grave… Ma femme Nicole aussi, qui regardait la course en direct à la télé : elle est parti de suite de notre maison de Champigny, affolée, et a taillé la route direction Anvers.
A la clinique, le verdict est tombé, impitoyable : fracture de la tête du fémur. Dès lors, je vais passer trois semaines dans cette clinique tenue par des bonnes sœurs, à me ronger les sangs, et à me demander si je pourrais jamais un jour remonter sur une bicyclette. Plâtré pendant deux mois, j’ai "dérouillé" là-bas, à un point qui n’est pas imaginable… Béquilles, rééducation de l’articulation de la hanche… Une fois rétabli, je mets pourtant les bouchées doubles : mais même avec trois mille sept-cents bornes au compteur alignés au sortir de ma convalescence, je ne suis pas compétitif pour le championnat de France, remporté par… Robert Varnajo bien sûr !
Je ne le serai pas plus pour les championnats du Monde : quatrième et non qualifié en série, quatrième du repêchage. Je suis attristé car ces Mondiaux se disputaient sur « ma » piste du Parc des Princes, et j’avais enchaîné les victoires sur cette même piste, et à Francfort, Munich, Berlin, tout au long du mois d’Août ! Je vais terminer la saison en enchaînant sur une nouvelle campagne d’hiver de Six-Jours : Montréal, Madrid, Brême, Milan… »
« Au printemps 1965, après deux six-jours accomplis avec Roger Gaignard à Toronto et Québec, je remporte au mois de Juin une victoire au Parc des Princes. Le championnat de France se dispute cinq semaines plus tard à Reims. Mais j’y arrive en méforme totale, et le moral à zéro. C’est bien simple, je « n’avançais » plus, je ne « marchais » pas : à tel point que ma femme ne voulait pas que je dispute ce championnat, et me l’a répété en boucle dans la voiture jusqu’à notre arrivée à Reims. Pour te dire à quel point je ne me donnais aucune chance ce jour-là, je n'ai rien trouvé de mieux à faire en arrivant sur le vélodrome que d’aller voir Varnajo, et lui faire une « offre de service », en lui proposant de ne pas contrarier sa course. Aussi sec, il m’a renvoyé : « Mais tout le monde sait que tu ne marches pas en ce moment ! Chacun sa course, mon vieux ! »
« ...Alors là, je me suis piqué un de ces fards ! Vexé comme un pou, j’ai tourné les talons et déboulé furieux vers mon coin, en ordonnant à "Tonton" Landry : « Vas dire à "Blan-Blan" (mon entraîneur, Alexis Blanc-Garin n.d. Stayer.Fr) que c’est « à bloc » ! Et dès le départ ! » Sur ces entrefaites, je me suis payé une séance de forcené sur les rouleaux, à m’en faire péter le cœur !Je bouillais littéralement de rage. »

« La course lancée, me voilà parti à fond pour une sacrée corrida ! Au bout de quinze minutes, tous mes adversaires étaient éparpillés sur la piste - Varnajo y compris – « Le Chouan » restant le seul à un tour, les autres au diable vauvert ! Trois fois, Varnajo essaiera de me passer : à la trente-septième, la trente-neuvième, puis la quarante-deuxième minute ! Jamais il n’y parviendra. Et je finirai même par lui prendre un second tour à onze minutes de la fin ! Ce nouveau maillot bleu-blanc-rouge, on peut dire que j’ai été le chercher à la rage, à l’amour-propre. Tu te rends compte : j’ai battu ce jour-là le record de la piste, alors que je « n’avançais pas », mais alors pas du tout encore un jour avant, je te l’assure ! Cette année-là, le « Chouan » prendra sa retraite.
Après lui, il y aura pour moi comme un vide... Plus jamais par la suite, je ne retrouverai d’adversaire de son calibre dans le circuit du demi-fond en France. »
LA FIN DE LA SAGA

Avec "Noppie" Koch, le "Pape" des entraîneurs, un dernier titre
collection personnelle Jean Raynal
« Heureusement pour moi, il me restait les Six Jours, où je remplissais mon rôle de « taxi » de luxe chaque hiver. Après avoir récolté sans trop me faire mal derrière Hugo Lorenzetti un quatrième titre de champion de France en 1966, je dispute un an plus tard le dernier couru sur le vélodrome du Parc des Princes (décidemment, j’aurai été de tous les « enterrements », celui du « Vél’ d’Hiv’ » puis celui du Parc des Princes ! )

Ce dimanche 18 Juillet 1967, devant trente mille spectateurs, je vais décrocher mon cinquième maillot de champion de France, dans le sillage du « Pape » des entraîneurs, le Hollandais « Noppie » Koch, le meilleur pacemaker derrière lequel j’aie jamais couru. Les spectateurs debout m’ont réservé ce dimanche-là une standing-ovation énorme lorsque j’ai bouclé les derniers tours à plus de 85 à l’heure ! L'Equipe s'est d’ailleurs fendu d'un compte-rendu émouvant à ce sujet. »
« Et pour le Mondial 1967 à Amsterdam, je tiens la toute grande forme. Dès lors, je n’hésite pas à afficher mes ambitions dans la presse. En fait, je ne vais pas passer si loin du titre cette année-là en terminant cinquième. Car là-bas, je réalise à trente-trois ans une des courses les plus probantes de ma carrière, alors que j’étais déstabilisé par le changement d’entraîneur intervenu après les séries (on m’a imposé l’entraîneur Hollandais Wiersma alors que j’étais « drivé » jusque-là à la perfection - comme toujours - par « Noppie » Koch, débauché par le Belge Léo Proost). Cinquième donc. Et je ne sais pas à ce moment-là que j’ai laissé passer ma dernière chance arc-en-ciel »
« En 1968, je remporte sur le vélodrome de Creil, toujours dans le sillage de « Noppie » Koch, mon sixième et dernier titre de champion de France. Le matin suivant, je prenais l’avion avec Alain Le Grevès pour aller disputer les Six-Jours de Montréal, qui seront mes derniers Six-Jours. Au championnat du Monde à Rome, j’abandonne en finale, alors que j’avais terminé deuxième de ma série, couvé par « Noppie » Koch. Mais pour cette finale, même schéma que l’année précédente : mon pacemaker est débauché par Léo Proost, et je récupère l’entraîneur français Plaisance… Dégoûté par ce traitement, je ne termine même pas l'épreuve »
« Pour ma dernière saison, en 1969, le championnat du Monde se dispute à Anvers. Je vais y connaître une des plus terribles déceptions de ma carrière. Dans les séries, je suis encore qualifié à deux tours de la fin, lorsque l’entraîneur Meuleman (décidemment dans tous les mauvais coups – n.d.Stayer.Fr) plonge délibérément à la corde avant de remonter brutalement vers moi, me sortant ainsi littéralement du sillage de ma moto »
« Inutile de te dire qu’après la course, je l’attendais à la sortie du tunnel, pour lui coller mon poing dans la gueule ! J’étais dans une rage folle. Mais je n’étais pas au bout de mes misères. Pour les repêchages (qui ne qualifiaient qu’un coureur !), et alors que j'avais quitté mon hôtel pour m’entraîner sur les bords de l’Escaut afin d’arriver « chaud bouillant » sur la piste, l’organisation décidait de changer au dernier moment l’horaire de départ. Le staff de l’équipe de France prévient l’hôtel, qui leur répond, de bonne foi, que je suis… en route pour le vélodrome ! Lorsque j’y arrive après mon échauffement, j’entendais de l’extérieur les motos tourner déjà… Bête à pleurer ! Tout le monde en a pris pour son grade - tu peux me croire - y compris « Toto » Gérardin, qui, de toutes façons, ne s’est pas gêné de me dire qu’il n’en avait rien à f… des stayers… »

« Le 31 Août, sur le vélodrome de La Cipale, je dispute, sans motivation, mon dernier championnat de France. J’aurai le plaisir d’y voir gagner, vingt mètres devant moi, Michel Scob, qui remporte ainsi son premier titre chez les stayers. Ce championnat, je l’ai fait pour lui faire plaisir, pour valoriser son titre, si, si ! Je peux te dire que je ne l’ai jamais attaqué de toute la course ! Par contre, j’ai « arrêté » je ne sais combien de fois Daniel Salmon, qui n’a jamais pu passer. Deuxième en 1966, 1967, 1968, troisième derrière moi cette année-là… en voilà un qui n’a pas du beaucoup m’apprécier à l’époque… De toutes façons, je n’ « avançais » plus en cette fin d’été 1969, j'avais « le cul cassé » et je n’étais déjà plus stayer dans ma tête. Pourtant, je vais tout de même m’attacher à honorer mes derniers contrats, en disputant notamment en septembre à la Deutschlanhalle de Berlin le championnat d’Europe de demi-fond, sans y briller (quatrième en série, non qualifié pour la finale) »
« Ma femme voulait que je m’arrête ; et moi, franchement, je n’avais plus l’envie de continuer : dès lors, je n’ai pas été long à mettre un terme à ma carrière. Par la suite, j’ai tenu un temps la boutique de charcuterie de mon beau-frère, à Champigny-sur-Marne, ma ville. Puis je suis devenu négociant en voitures. Pour boucler ma retraite, j’ai travaillé aussi un peu chez le carrossier d’à côté… »
« Ma femme est décédée il y a dix années de cela, et je vais quatre à cinq fois par semaine porter des fleurs sur sa tombe au cimetière de Champigny.

Je viens de fêter ma quatre-vingt-troisième année, et j’aligne toujours les kilomètres à vélo, plutôt sur le home-trainer maintenant…
Mais toujours à fond, et sur le 52 x 13 ! Tiens, je te passe cette photo, je l'aime bien, regarde : on est tous là : "Le Chouan", Godeau, Bouvard, Forilini, qui a fait un peu de demi-fond aussi, et moi : c'est presque une photo de famille des stayers, tu ne trouves pas ? »

EPILOGUE
« Tu me demandes comment, en figurant dix années durant parmi les meilleurs stayers internationaux, je n’ai pas jamais pu décrocher – ne serait-ce qu’une fois – le maillot arc-en-ciel, alors que beaucoup s’accordaient à dire – et parmi eux des champions comme Timoner et Verschueren – que ce titre, je l’avais « dans les jambes » ? Tu me parles du manque de courses disputées par rapport à mes adversaires ? Non, je ne peux pas prétendre ça, ce n’est pas un argument valable … Car je courrais beaucoup, et du 1er Janvier au 31 Décembre, entre les américaines, les Six-Jours, les courses de demi-fond ! Ma meilleure année, rends-toi compte, j’ai même disputé soixante courses derrière moto ! Non, la seule raison qui tienne la route, c’est que, franchement, je n’ai jamais eu la satisfaction d’avoir - même battu - réalisé (ne serait-ce qu'une fois) une "belle" finale, une seule « belle finale »... C’est tout. »

MERCI JEAN !
______________________
Patrick Police, pour STAYER FR - mis en ligne sur STAYER FR en Septembre 2016 - transféré sur STAYER FRANCE le 19 Août 2020

