ALAIN DUPONTREUE, QUAND DEMI-FOND RIMAIT AVEC "POMPON"
Une décennie sur les pistes avec Alain Dupontreue
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STAYER FRANCE : La vie avant le vélo ?
A.D. : « Gamin, j’ai pratiqué plusieurs sports, comme le football ou le handball, et il ne m’a pas fallu bien longtemps pour comprendre que je n’étais pas fait pour les sports collectifs. Alors, dès le collège, j’ai pratiqué la course à pied (le cross-country), et je me suis aperçu que j’avais des dispositions, compte tenu de mon gabarit longiligne. J’aurais certainement persisté dans cette discipline, si mes copains de toujours (on se connaissait depuis la maternelle !) Christian Piécourt, Claude Gautier et Jean-Yves Lebreton (le père du coureur pro Lylian Lebreton, très bon coureur, qui a laissé son empreinte en Bretagne) ne m’avaient pas débauché pour faire du vélo »
STAYER FRANCE : Et puis l’engrenage…
A.D. : « Donc, à quatorze ans, nous nous inscrivons - tous les quatre - au club des Bleus de France de Suresnes |la ville où nous habitions], présidé alors par Paul Fournier. A ma troisième course, disputée à Méru, dans l’Oise, je remporte mon premier bouquet, pour une seconde place. Puis je gagne deux courses à Chevannes et à Sarcelles, en région parisienne. Je finis aussi quatrième du Critérium des Vainqueurs, disputé à Combs-la-Ville. Le classement ce jour-là : 1er Jean-Pierre Livet - 2ème Claude Guyot - 3ème Jean-Yves Lebreton. Ma deuxième année de cadet, j’en gagne six, malgré deux excellents coureurs : Jacky Mourioux, de Savigny-sur-Orge et Christian Coralle, de l’A.C.B.B »
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Critérium des Vainqueurs 1963 - photo collection J-M Letailleur
« Sous la férule de « Radar », comme on aimait à surnommer Paul Fournier, je participe à deux reprises à la Course de la Paix des Jeunes. Il faut te dire que les Bleus de France organisaient des courses internationales dans le cadre d’une politique d’échange avec des pays comme la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, la Tchécoslovaquie… Donc, pendant cette période, « je vois du pays »
STAYER FRANCE : la pente fatale…
A.D. : « Et puis, en 1965, je suis versé en « trois et quatre », avant de monter en « deuxième caté » début 66 à l'occasion de mes dix-huit ans. A la fin de la saison, j’étais monté en « première », sur la foi des bons résultats accumulés ! A cette époque - je dis ça juste pour "fixer" un peu le paysage - il y avait de très bons coureurs : Christian Martignène, de l’U.S Créteil, Jean-Pierre Livet, Jean-Jacques Cornet, Enzo Mattioda, tous trois de l’A.C.B.B. Et il y avait surtout un certain Claude Guyot. Un « ogre ». Lui, c’est simple, il gagnait tous les dimanches ! Alors, quand tu le voyais s’aligner sur la ligne de départ, c’était - au mieux – la deuxième place assurée »
STAYER FRANCE : Servitudes et Grandeurs militaires
A.D. : « A la fin 1966, l’année de mes dix-huit ans, je devance l’appel pour faire mon service militaire, et pars avec mon pote Daniel Proust (qui sera coureur professionnel quelques années plus tard). Lui se fera réformer. J’effectuerai mes classes à Avord, près de Bourges, puis, à l’issue de celles-ci, au Ministère de l’Air, en qualité de chauffeur du général Jacques Mitterrand (le frère du Président, eh oui !). Evidemment, question vélo, ce sera une année blanche !… sauf quand, promenant la femme du général, je mettais le vélo dans le coffre de la Renault 16 pour m’accorder une petite « sortie ». En Février 1968, au bout de seize longs mois, j’avais achevé ma période militaire »
STAYER FRANCE : Le retour, et on the road again…
A.D. : « Je reprends les courses en Février 1968, pour ce qui sera ma dernière année aux Bleus de France. Je gagne les Quatre Jours de Seine-et-Marne, et glane des places d’honneur, dont une place de second derrière l'Espagnol Miguel-Maria Lasa au Circuit du Jura, et une de troisième au Tour du Var derrière Paul Gutty et Jankowski »
« 1968, c’est l’année olympique. Je suis des huit pré-sélectionnés pour les Jeux. Mais Toto Gérardin, notre entraîneur, y va fort, trop fort, et les essais sur quatre kilomètres pendant les stages de préparation me sortent vite par les yeux.
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Je suis « laminé » par les charges de travail qu’il nous impose. Je ne serai pas du voyage à Mexico. Mais je n’ai pas à rougir, car il y avait là une sacré concurrence : Daniel Rebillard (qui sera médaille d’or en poursuite individuelle), Jacky Mourioux, Alain Van Lancker, Bernard Darmet, Bernard Croyet, Jacques Pommier… Mais ce n’est que partie remise car en 1970 je serai de l’équipe de poursuite par équipes aux championnats du monde à Leicester (éliminés en série) »
« J’ai vingt ans quand je rentre dans la grande équipe de l’A.C.B.B, dirigée par Mickey Wiegand. Là, je cours aux côtés de « pointures » comme Régis Ovion, Bernard Thévenet, Enzo Mattioda. Et déjà, je jongle entre la route et la piste. En 1970, je rentre au club de l’A.P.S.A.P (le club de la Préfecture de Police),après avoir un temps envisagé de passer professionnel. Avec l’A.P.S.A.P, je suis parti pour un long bail, et ce sera mon dernier club »
STAYER FRANCE : Et la piste, on y arrive ?
A.D. : « Mes premières armes cyclistes sur piste, je les ai faites à La Cipale de Vincennes. Il faut te dire que le Président Paul Fournier nous obligeait (et comme il avait raison !) à faire de la piste, afin que l’on sache « frotter », anticiper, se placer, bref acquérir toute la panoplie qui permet de s’aguerrir en vue des sprints… la base, les « fondamentaux. J’acquiers vite le bagage, la culture du pistard»
« Sur la route, je collectionne les accessits (4è de Paris-Briare en 1969, 4è encore du Grand Prix de la Boucherie en 1970…), alors que sur la piste, ce sont les bouquets que je collectionne. Dans ces conditions, je fais le point, et ne suis pas long à comprendre que là se trouve ma voie. Comme je prenais de plus en plus goût à la piste, je ne vais plus « balancer» très longtemps entre les deux »
STAYER FRANCE : Et le demi-fond, dans tout ça ?
A.D. : « C’est venu tout simplement, tu vas voir… Oh, je m’en souviens parfaitement, c’était en 1968 à Lunéville , à l’occasion des championnats de France de la spécialité . Avec mon copain Christian Piécourt, un bon « toutes catés » - lui aussi des Bleus de France - , on regardait le calendrier des courses sur " La France Cycliste " et là on tombe sur l’annonce des championnats de France de demi-fond. Je lui dis alors : « Regarde la liste des prix : Quatre cents balles au vainqueur ! C’est pour nous ! En plus, jettes un œil sur la liste des engagés… Franchement… c’est dans la poche non ? Oh là là !… "
" En série, je me qualifie, mais au forceps... et déjà, je commence à comprendre ma douleur… Quand à mon pote Christian, dépité, la « fête » s’est arrêtée pour lui à ce stade... Puis est venue la finale… je crois bien ne jamais avoir autant souffert de ma vie… Et pourtant, crois-moi, je « marchais » plutôt bien cette année 1968. Mais ce jour-là Je n’ai pas arrêté de « tamponner » le rouleau, de prendre des courants d’air de partout… j’ai bien dû piquer vingt sprints dans cette finale pour rattraper mon entraîneur, dont je ne me rappelle plus le nom d’ailleurs… Pour une « première », j’ai été bien servi… Quant aux autres coureurs, (la plupart des mecs que je laissais d’habitude à X tours et plus dans les américaines !), eh bien ils m’ont tourné autour pendant toute la course ! Là, j’ai compris qu’avant de gagner un jour, j’allais m’en prendre plein la g… »
STAYER FRANCE : Et tu « repiques au truc » quand même, c’est ça ?
A.D. : « Heureusement, dès l’année suivante, au vélodrome municipal de Vincennes, « La Cipale », j’avais « pigé», et ça allait mieux… au point que je finis deuxième derrière Christian Giscos, entraîné par le Hollandais Bruno Walrave. Cette année-là, j’ai compris que cette discipline était faite pour moi ! »
STAYER FRANCE : Arrive le temps du premier titre
« Oui, en 1970. A cette époque, la parenthèse A.C.B.B. est fermée, et par une sage décision, après avoir un temps envisagé de passer pro, j’avais donc intégré l' A.P.S.A.P. A partir de là, je me consacre à 100 % à la piste. Dans ce club, je « campe » sur des bases solides, car en même temps, j’ai un métier à la Ville de Paris. Je vais y travailler d'ailleurs quarante années durant (d’abord standardiste de 1971 à 1985, puis Inspecteur de sécurité à la permanence du Cabinet du Maire Bertrand Delanoé, de 1985 à 2011). »
« Au vélodrome d’hiver de Grenoble, professionnels et amateurs étaient réunis en ce samedi de Novembre en une course unique. Et je remporte, avec Jo Goutorbe, le titre amateur, puisque Michel Scob, le seul « pro » en ligne, finit devant moi. A noter que je réalise la veille le meilleur temps aux éliminatoires. Roger Kuten, le vétéran (quarante ans), associé à Meuleman, l’entraîneur belge, caracolait au commandement de la course depuis le départ. Pourtant, quelque chose en moi me disait que mon heure allait sonner tôt ou tard, et je ne m’affolais pas… Et ça n’a pas manqué : à dix tours de la fin, voilà Meuleman qui lui annonce « C’est dans la poche ! ». Qu’est-ce qui se passe alors à ce moment-là dans la tête de Kuten ? Le fait est qu’immédiatement, il se « bloque » et peu après des crampes le saisissent… Bientôt, il n’avance plus… Et ce soir-là, c’est « Pompon », votre serviteur, qui raflera la mise… »
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STAYER FRANCE : En 1971, c’est le début de ton association avec Alain Maréchal, non ?
A.D. : « Mon premier entraîneur était Adolphe Laval… un pacemaker qui « avait de la bouteille : soixante-douze ans ! », et qui ne se laissait pas intimider… Important à cette époque, pour le néophyte que j’étais ! Il faut dire que quand Laval, déjà inquiétant à faire peur avec ses lunettes de motard et son costume de cuir, « piquait » des balustrades à la corde tel un oiseau de proie, ça impressionnait, crois-moi. Puis il y a eu Jo Goutorbe, avec qui je remporte mon premier titre national »
« Mais j’ai toujours pensé que l’entraîneur qui n’a pas été stayer lui-même ne peut pas comprendre ce que vit son coureur derrière… Et Alain Maréchal, ex-champion de France de la spécialité, et troisième d’un championnat du Monde, qui venait de « raccrocher » pour enfiler la tenue du pacemaker, pouvait, je le sentais, m’apporter ce petit « plus », ce « timing » parfait dans la conduite de la course. Notre association a été le point de départ d’une trajectoire qui traversera la décennie »
« Et à l’automne 1971, à la Cipale, c’est donc dans son sillage que je prends le départ du championnat de France. C’est le début de notre (très) longue association. Jean-Paul « Jo » Routens, le Grenoblois (qui longtemps aura été mon plus rude adversaire « mon meilleur ennemi » en quelque sorte dans les courses derrière motos) prend la tête dès le départ, et navigue loin devant nous, « drivé » par Joseph (« Jo » lui aussi) Goutorbe, pacemaker qui « avait de l’abri » mais pas forcément la « science de la course», le « timing » dont je parlais plus haut justement… Oh, j’avais bien Routens en ligne de mire, à un demi-tour, mais ça faisait bien plus d’une demi-heure que je ne lui reprenais rien, pas un centimètre ! Et puis, d’un seul coup, à cinq tours de la fin, voilà qu’il craque subitement. A deux ou trois tours – je ne me rappelle plus exactement - de l’arrivée, je viens le « sauter », direction mon second titre national ! Moralité : ménager son coureur doit faire partie du « bagage » d’un bon entraîneur : Goutorbe n’avait pas su le faire ce jour-là »
STAYER FRANCE : Après, les titres défilent, non ?
A.D. : « Je ne vais pas te raconter par le détail mes huit titres de champion de France, récoltés entre 1969 et 1978, mais si il y a bien un championnat dont je me rappelle comme d’un moment de plénitude, c’est celui qui s’est déroulé en 1972, à Dijon. Ce jour-là, j’étais dans un jour de grâce sûrement, et en plus je crois bien avoir réalisé avec Alain Maréchal ce qu’on peut appeler « la course parfaite », celle durant laquelle tu sais déjà pendant la course que la victoire ne peut pas t’échapper »
« Pourtant, ça n’avait pas franchement débuté au mieux : le tirage au sort m’avait attribué la seconde position, derrière Alain Prieur. Mais moi qui savait partir vite, je suis rapidement passé en tête, comme dans un rêve… Quand on s’est retrouvé devant, là, on a commencé à se « régaler », en arrêtant la course selon notre bon plaisir : "plus court", "plus vite" (c’est à dire qu’on le laisse approcher au plus près et ensuite on démarre très vite) Dès que ça revenait, on remettait les gaz, puis on ralentissait pour laisser les équipages-poursuivants s’empiler à nos trousses jusqu’à ce qu’ils soient pris dans le vent de leurs propres turbulences, et on repartait.Et lorsque le plus accrocheur de nos adversaires (Jo Routens, évidemment ! qui abandonna d’ailleurs peu après la mi-course) venait m’attaquer, on réaccélérait, comme à la demande, et il venait à tous les coups « buter » sur nous… Vraiment, ce jour-là, ça a « rigolé ». En plus, il faut te dire que j’appréciais beaucoup la piste de Dijon » « L’année d’après, sur le vélodrome de Sapiac, près de Montauban, on était davantage dans la maîtrise, et ça a été moins réjouissant finalement. Décollé au démarrage et parti en queue de paquet, je passe en revue tous mes adversaires, et au bout de trois tours, je prends la tête et l’affaire est pliée ! Même si Routens, encore lui, me force à m’employer fortement les trois fois où je le double. Non, vraiment, le « France » 1972 à Dijon reste mon meilleur souvenir de stayer »
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STAYER FRANCE : Si on fait les comptes de la décennie soixante-dix, tu es sorti imbattu de tous les championnats de France que tu as disputés ?
A.D. : « En 1974, sur le vélodrome de Reims, alors que je cours pour l’équipe Jobo Lejeune, je remporte mon premier titre « pro ». Mais je le perds l’année suivante sur la même piste, battu par un très bon coureur : Enzo Mattioda. Toutefois – et ne crois pas que je me cherche là une excuse – je suis victime ce jour-là de deux incidents mécaniques (crevaison et problème mécanique) qui m’ont réellement handicapé. D’ailleurs, l’année d’après, « dans mon jardin », à La Cipale, sous les couleurs cette fois de l’équipe Lejeune-BP, je le reprenais, ce titre, après une course nette et sans bavures, en laissant tout de même derrière moi Mattioda, et des « valeurs » comme Alain Van Lancker et Mariano Martinez ! »
STAYER FRANCE : Assez inexplicablement, tu as toujours « calé » au niveau des championnats du Monde, non ?
A.D. : « C’est vrai… Qu’est-ce qu’il m’a manqué, me demandes-tu ?… de l’argent, peut-être (sourire en coin) … En tous cas, pour moi il y a eu au moins deux véritables occasions manquées. La première, c’était en 1972. Le championnat se déroulait en France, à Marseille, et j’avais à cœur de bien y figurer. J’étais motivé comme il fallait pour ce genre d'occasion. La piste du stade-vélodrome me semblait roulante, comme je les aime. En séries, tout s'est bien passé et je suis arrivé en finale, comme une fleur. Mais là, le 70 x 13 que j’ai adopté m'est "resté dans les pattes" : je n’avais pas pu prévoir que ce soir-là la piste serait balayée pendant toute la course par des bourrasques… et ce maudit braquet, je n’ai finalement jamais réussi à le lancer… »
« Mais là où je suis vraiment passé de peu à côté, c’est trois années plus tard, sur la piste de Rocourt, en Belgique. Ce jour-là, drivé par Alain Maréchal, j’avais le titre dans les jambes : je le dis sans prétention aucune, et je vais te le prouver. La veille de la course, je suis victime d'un accident dans les rues de Liège, alors que je me rendais, à vélo, assister à la finale de vitesse disputée par mon ami Daniel (Morelon). En virant au coin d’une rue, je me retrouve nez-à-nez avec une voiture et la percute. Sous la violence du choc, je finis sur le toit de la Toyota Corolla du chauffard, non sans avoir pété mes freins en tentant d’éviter la collision. Je suis alors évacué vers l’hôpital, où je passe des radios : elles ne révèlent pas de casse apparente, mais j’ai un bel hématome à la cuisse, et ma clavicule est douloureuse… Tellement qu’au départ des séries, un médecin vient sur la ligne pour me faire une infiltration ! Et dans cet état, je trouve le moyen de remporter ma série, malgré - comme si ce n’était pas assez suffisant comme cela ! - , une crevaison et la prise à la volée d’un vélo qui n’est pas à ma taille! Te dire si je « tournais » ! Cette année-là c’est un Allemand, Peffgen qui « devait » gagner. Mais il y avait dû avoir du tirage en coulisses, car c’est en fait lui que vais « tamponner » à maintes et maintes reprises… Il tiendra longtemps le rôle du « portier », cherchant exclusivement à m’empêcher de gagner la tête de course, où son compatriote Kemper et les Hollandais Stam et Breur s’expliquaient. Pendant quarante kilomètres donc, ça a été « on ne passe pas », mais je peux t’assurer que j’avais forcé la petite coalition à s’employer, en finissant le course dans le tour du vainqueur… l’Allemand Dieter Kemper ! Oui, cette année-là, j’avais largement ma chance. Maintenant, c’est vrai que ma victoire n’aurait intéressé personne. Pas de débouchés, compte tenu que l’essentiel des courses de demi-fond organisées se déroulaient en Allemagne ou aux Pays-Bas. Le maillot de champion du monde ne devait pas quitter ces deux pays, et moi j’étais dans cette affaire quelque peu indésirable ce jour-là »
STAYER FRANCE : Bon, avant de fermer l’album aux souvenirs, j’aimerais que tu répondes à cette grave question : pour le demi-fond, mieux vaut le bois, ou le ciment ?
A.D. : « Le bois, sans hésitation ! Ne serait-ce que parce que la surface d’une piste en bois est lisse : tu n’encaisses pas – comme sur le ciment – les désaffleurements et les joints de dilatation. Sur le ciment, tu te prends les ressauts et les chocs consécutifs sur le rouleau… et tu as beau anticiper, à chaque tour, tu les « subis »… et les tours reviennent vite ! »
STAYER FRANCE : Avant de nous quitter, tu voudras bien faire, pour les visiteurs de « Stayer Fr » un petit paquet-souvenir de tes temps forts, moments inoubliables, et toute cette sorte de chose ?
A.D. : « Parallèlement au demi-fond, quasiment en « toile de fond », il y a toujours eu la piste, et rien que la piste. J’ai beaucoup aimé le demi-fond bien sûr (et il me l'a bien rendu, puisqu'en plus de mes huit titres, je n’ai jamais subi de chute dans ma carrière de stayer !) Mais j'ai aimé être un pistard. D'abord, les américaines à La Cipale, Aulnay, Saint-Denis, à ne plus pouvoir les compter ! Et rappelles-toi qu’à l’époque, les « stars » du genre c’était la paire Mourioux-Van Lancker ! Pour aller "bouger" ces deux-là, il fallait avoir un équipier à la hauteur… Et les Six Jours, comme ceux de Charleroi en 1969, que je remporte avec le Belge Brasseur, ceux de Grenoble en 1970, que je remporte avec mon ami Daniel Morelon, les Six Jours de l’Avenir 1969 à Zurich où l’on termine second avec Gérard Moneyron… Et les Omniums, comme celui de La Cipale, en 1977, où l’on finit avec mon coéquipier Patrick Cluzaud second derrière Merckx-Sercu, s’il vous plaît ! Et n’oublies pas mon record de l’heure derrière derny, décroché en 1971 sur la piste de La Cipale.
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Avec 55.808 kilomètres dans l’heure, j’effaçais celui détenu par Gérard Annequin. Ce record, j’y tiens ! »
STAYER FRANCE : Si tu as un message à laisser, Stayer Fr fera la commission
A.D. : « Je remercie Monsieur Fournier de m’avoir mis le pied à l’étrier sur la piste. Grâce à lui, j’ai pu accumuler un foule de bons souvenirs (les stages en équipe de France - même si Gérardin était sacrément emm... -, les séjours et courses au Japon, à Nouméa, à Tahiti…)
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Oui, de bons souvenirs, bien plus que je n’aurais pu en avoir avec une carrière de routier. Imagines-toi qu’à Osaka, je gagne une course-exhibition devant des « seigneurs » de la spécialité comme l’Allemand Horst Gnas (le plus fort des stayers que j’ai côtoyé) et le Hollandais Gaby Mineboo devant trente mille personnes ! Sur la route, tu peux faire des efforts inouïs sans que personne ne soit là pour les remarquer… chasser dans la Beauce des kilomètres durant devant pas un chat… Franchement, routier, c’est frustrant ! Rien de comparable avec la piste. Et puis sur l’anneau, il n’y a pas d’endroit où se cacher, et les spectateurs te forcent à donner le meilleur de toi-même… Tu es « cuit »… Il suffit qu’ils t’encouragent, t’ applaudissent, et tu as envie d’en remettre ! »
« Pour conclure, j’ai été perçu à l’époque (et toi-même me l'a rapporté) comme un stayer « facile ». Georges Cazeneuve m’avait dit un jour à Grenoble : « Tu as toujours l’air "facile"… Quand on te voit courir, on dirait qu’il y a un ange qui passe ! » Comment ne pas être satisfait quand tu entends ça ? Si c'est l'image que je peux laisser... Autre chose : en plus de la satisfaction d’avoir remporté huit titres de champion de France, j’ai celle d’avoir réalisé sur le vélo de stayer tout ce que je voulais, physiquement et tactiquement. Par contre, j’ai été victime du manque de piste en France, car pour le « Milieu » du demi-fond d’alors, il fallait que ce soit un Allemand, un Hollandais ou un Belge qui gagne, car toutes les courses se passaient dans ces pays-là ! »
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Interview réalisé par Patrick Police le
Mis en ligne sur STAYER FR le 1er Février 2015 - transféré sur STAYER FRANCE le 24 Septembre 2020
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Remerciements à Jean-Marie Letailleur et François Bonnin
Alain DUPONTREUE
Né le 26 Janvier 1948 à Puteaux
1m80 – 75 kgs
Champion de France de demi-fond amateurs :
1970 (Grenoble)
1971 (La Cipale)
1972 (Dijon)
1973(Montauban) (amateurs)
Champion de France de demi-fond professionnels :
1974 (Reims)
1976 (La Cipale)
1977 (où ?)
Champion de France de demi- fond « Open »
1978 (Grenoble)
2è des 6 Jours de l’Avenir de Zurich avec Gérard Moneyron en 1969
Vainqueur des 6 Jours de Charleroi (avec le Belge Brasseur) en 1969
Vainqueur des 6 Jours de Grenoble avec Daniel Morelon en 1970
Championnats du Monde de demi-fond amateurs :
1971 : éliminé aux repêchages (Varèse)
1972 : 8è (Marseille)
1973 : 6è (Saint-Sébastien)
Championnats du Monde de demi-fond professionnels :
1974 : 6è (Montréal)
1975 : 4è (Rocourt)
Record de l’heure derrière derny : 55.803 kilomètres dans l’heure le 6 Octobre 1971 au vélodrome municipal de Vincennes (La Cipale) derrière l’entraîneur Fernand Roy
Bravo Patrick, c'est un super article. Je suis surpris par certaines photos que je ne connaissais pas.
Les bagarres en 1/2 fond avec DUPONTREUE, ROUTENS, PINSELLO, j'étais môme mais je m'en souviens encore, ils se faisaient pas de cadeaux à GRENOBLE et c'était magnifique ! C'est toujours magnifique quand il y a une belle bagarre entre deux costauds !
Super papier, très intéressant !