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STAYER FRANCE  :  100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE : 100 % demi-fond et derny - depuis 2005 au service du demi-fond et du derny

STAYER FRANCE ex-STAYER FR est le blog du demi-fond et de l'association FRANCE DEMI-FOND. adresse mèl : fddf@dbmail.com page Facebook : @VANWOORDEN21

Publié le par Oscar de Ramassage
Publié dans : #LES INTERVIEWS DU DEMI FOND

LE CHAMPIONNAT DE FRANCE DE JOSEPH PHILIPPE

JOSEPH PHILIPPE : UN TITRE ... ET LA VIE

Lunéville 1968 : Joseph Philippe aux côtés du Vice-Président de la F.F.C. Daugé, d'Alain Maréchal et Roger Kuten

RAPATRIEMENT DU SUJET MIS EN LIGNE EN AOUT 2018 SUR STAYER FR

STAYER FR : « Joseph PHILIPPE, je vous retrouve en Bretagne, alors que les quelques informations en ma possession m’orientaient plutôt vers une piste plutôt … parisienne »

JOSEPH PHILIPPE : « Je suis né le 25 Avril 1944 à Maël-Pestivien (près de Callac dans les Côtes d’Armor), mais j’ai vécu, pendant mon temps cycliste, en région parisienne, à Saint-Denis. J’habitais boulevard Félix Faure, tout près du vélodrome. Je me suis marié le 5 Février 1966 dans cette ville avec Eliane, née Charpentier, qui partage toujours ma vie  »

STAYER FR : « Comment s’y prenait-on lorsque l’on désirait se lancer dans l’aventure du demi-fond dans les années soixante ? »

JOSEPH PHILIPPE  « A cette époque, il n’était pas trop compliqué de venir au demi-fond, surtout lorsque, comme moi, on était sociétaire du C.V. Dyonisien. Les dirigeants - et là, il faut rappeler la figure du Président Frederich - avait une véritable « culture demi-fond », et il y avait toujours au moins un stayer au club, avec « en tête de gondole » un Antège Godelle, un André Retrain, ou encore un Jean Raynal … Et dans les cabines du vélodrome, il y avait toujours quatre ou cinq vélos de stayer prêts à servir »

« L’entraînement derrière moto, on le pratiquait soit sur la piste du vélodrome du Parc des Princes, soit sur celle de La Cipale, à Vincennes. Mais pas sur la piste municipale de Saint-Denis, où pourtant, mon histoire de stayer a débuté, lorsqu’en 1963, alors que je roulais   derrière derny, Monsieur Frederich m’a interpellé : « Il va falloir que tu fasses un essai derrière moto : tu tournes drôlement bien derrière derny ! » Et tout est parti de là ... »

STAYER FR : «  Vous avez bien vécu cette période de votre existence ? »

JOSEPH PHILIPPE  «  C’était une époque bien sympathique : j’aimais l’ambiance de ce milieu, on ne se prenait pas au sérieux, et on était bien plus décontractés que nos collègues sprinters par exemple. Et puis, il m’arrivait de m’entraîner avec Roger Hassenforder, qui habitait alors près de la rue de Wagram à Paris, on se rejoignait à la Porte de la Chapelle, et l’on partait rouler du côté de Pontoise. On a vite sympathisé, et nos sorties n’engendraient pas la mélancolie, car Roger était toujours « en représentation », fidèle à son personnage en somme ... »

« ... Avec Antège Godelle, nous étions voisins. Il habitait dans le quartier du Landy, à quelques encablures du boulevard Félix Faure où je résidais, et c’était mon grand copain. Mais quel casse-cou sur le vélo ! Le genre à rouler derrière un camion, capter son abri et s’attacher à ne pas se faire larguer, peu importe la vitesse … Quand tu roulais avec lui dans une américaine, c’était un régal : il était d’une telle adresse, il passait partout … »

STAYER FR : «  Il y cinquante ans maintenant, vous remportiez à Lunéville le titre de champion de France amateurs, après trois podiums consécutifs sur la troisième marche. Des souvenirs particuliers de cette journée ? »

JOSEPH PHILIPPE : « Dans cette édition 1968, je peux dire que j’ai vécu là une journée sans histoire. C’est bien simple : je n’ai jamais été inquiété de toute la course. Des championnats de France, j’en ai disputé sans discontinuer de 1965 à 1969. Je courrai mon dernier à l’âge de vingt-cinq ans, en 1969. Et je vais vous expliquer pourquoi »

« Ce Dimanche 20 Juillet 1969 à La Cipale, le championnat se disputait dans le cadre de l’arrivée du Tour de France. J’avais observé, à l’occasion des épreuves précédentes disputées par les pros, que ceux-ci crevaient souvent au même endroit dans le virage, juste avant la ligne droite d’arrivée … L’un des concurrents avait même chuté. J’en ai alors fait la remarque à Monsieur Jean Court, qui officiait ce jour-là, et lui demandait de bien vouloir faire procéder à un balayage de la piste à cet endroit : il y avait pour moi un titre national à la clef tout de même … Mais il a refusé, et il m’a littéralement envoyé « promener ». J’étais à ce point outré que je me rappelle lui avoir alors répondu : « Puisque c’est comme ça, c’est terminé ! Vous ne me reverrez plus jamais ! ... D’ailleurs, j’ai autre chose à faire de mon existence ! »

« Evidemment, pendant la course, vous devinez ce qui est arrivé : j’ai bien sûr crevé du pneu avant dans ce fameux virage, alors que j’étais à ce moment de la course en seconde position, et tout à fait en posture de pouvoir encore la gagner … Et cela a été mon dernier championnat de France ! Et ma toute dernière course derrière moto ! »

STAYER FR : « A raison d’une dizaine de courses de demi-fond par an, et de ces cinq championnats, vous avez usé de combien d’entraîneurs ?   »

JOSEPH PHILIPPE : « Pour l’édition 1965, le premier était René Godest, ensuite il y a eu Victor Longue, pour les éditions 1966 et 1967, et enfin Alexis-Blanc-Garin pour les éditions 1968 et 1969 »

STAYER FR : « Aux championnats du Monde, on ne peut pas dire que vous ayez connu une franche réussite … »

JOSEPH PHILIPPE : «  En effet, mais il y a de bonnes raisons à cela. En 1967 (je travaillais alors au Crédit Chimique Péchiney à Paris) pour me rendre aux championnats du Monde disputés à Amsterdam, il m’a été impossible d’obtenir un congé de mon employeur. Du coup, je me suis trouvé dans l’obligation de faire le voyage en Hollande pour arriver juste au moment de disputer ma série,   le temps de l’achever en sixième position dans le sillage du bon Victor Longue, suivi d' un retour express à la maison afin de reprendre le collier dès le lendemain matin. Difficile dans de pareilles conditions d'accomplir une performance ... »

« En 1968, les choses se sont présentées différemment. Tout d’abord je dois rappeler que 1968 a été ma meilleure saison. Je marchais très fort cette année-là : la preuve, j’ai remporté toutes les courses de demi-fond que j’ai disputées, que ce soit en France ou en Belgique ! Et d’ailleurs, quand je me suis présenté au vélodrome olympique de Rome (cette fois j’avais réussi à obtenir quelques jours de congé …), j’étais considéré comme l’un des favoris. »

«  Je me rappelle avoir rejoint Rome avec André Gruchet (un autre grand copain; il habitait Sannois et s’entraînait souvent sur le vélodrome de Saint-Denis) au volant de ma Simca 1300, l’équipe de France ayant quant à elle effectué le voyage en avion. Arrivé là-bas, j’avais bien en mémoire qu’Hugo Lorenzetti avait eu sur cette piste en bois, très rapide, un grave accident, qui l’avait définitivement écarté des courses ... "

" Le jour de la course, je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser lorsque, alors que, derrière Alexis Blanc-Garin, alors que j’étais en seconde position et que tout se passait jusqu’ici plutôt bien, ma pédale a soudain heurté le bois dans un virage. Résultat, une énorme frayeur, avec à la clef une quatrième place synonyme de repêchages. … Je n’y étais déjà plus. Je me souviens avoir alors réfléchi intensément. Je venais juste d’avoir ma fille quinze jours auparavant... et Alexis Blanc-Garin qui en a rajouté : « Tu as eu chaud, tu sais ! »

« Et comme si ce n’était pas assez, tout s’est vite gâté. Dès ma descente de vélo, deux commissaires, un Italien et un Allemand, m’ont conduits sans ménagement au contrôle anti-dopage. Enervé par leur incorrection, je leur ai demandé de me laisser au moins le temps de prendre ma douche. Devant leur refus, j’ai décidé, alors que j’étais accompagné du mécano de l’équipe de France « Mémé » Montillot, de ne pas me rendre au lieu de contrôle tant que je n’aurais pas pu prendre ma douche. Je suis resté en compagnie de ces deux commissaires des heures (« Mémé » Montillot était parti quant à lui depuis un moment). Là, j’ai eu tout le temps de penser aux problèmes que Jacques Anquetil lui-même avait rencontré avec les contrôles anti-dopage en Italie l’année d’avant. Enfin, Toto Gérardin, ne me voyant pas revenir et commençant par s’inquiéter, est venu en personne nous chercher. Là il a réussi à convaincre les commissaires d’accéder à ma requête, et j’ai pu me doucher avant de satisfaire au contrôle."

" Quand nous avons quitté le vélodrome il était plus d’une heure du matin. La nuit a donc été courte (je partageais ma chambre avec André Gruchet) avec un réveil à huit heures pour disputer les repêchages … Après toutes ces péripéties, inutile de préciser que je n’y étais déjà plus. Résultat, une cinquième place, synonyme de retour à la maison, après tout de même un intermède publicitaire au cours duquel Henry Anglade, qui était alors consultant TV, m’a interviewé pour me faire raconter mes mésaventures. En tous cas, je peux vous dire que cette histoire m’a durablement marqué : ces vexations endurées à Rome on fait que jamais plus je n’ai remis les pieds en Italie ! Jamais plus. »

« Après ce championnat du Monde, je devais participer à une tournée en U.R.S.S. avec l’équipe de France. Mais je travaillais en qualité de cadre au Crédit Chimique à Paris et mon employeur, devant ma demande d’un nouveau congé, m’a alors mis au pied du mur : « Soit le vélo, soit votre carrière. Il vous faut maintenant choisir ! »J’ai continué une saison, jusqu’à la triste histoire de l’édition 1969 du championnat de France que je vous ai conté plus haut. Là, j’ai choisi ma carrière. Et je n’ai pas eu à le regretter »

STAYER FR : « L’après-vélo s’est déroulé comment ? »

JOSEPH PHILIPPE : « En 1972, j’ai eu l’opportunité de revenir en Bretagne (où j’avais vécu jusqu’en 1954, avant de descendre sur Saint-Denis pour y suivre mes études) J’ai accompli ma carrière au Crédit Agricole, dont je suis devenu Directeur d’Agence, jusqu’à me retraite intervenue en 2000. Puis, pendant dix années, j’ai été administrateur au C.M.C.M. Prevadives, une fondation devenue depuis Harmonie Mutuelle. J’y ai œuvré jusqu’en 2014 »

STAYER FR : « Le vélo c’est donc fini, bien fini ? »

JOSEPH PHILIPPE : «  Aujourd’hui, je réside à Trélevern dans les Côtes d’Armor. Je n’ai plus de contact avec le monde du vélo, j’avais d’ailleurs coupé toute activité sportive jusqu’à mon départ en retraite. Maintenant, je suis impliqué dans tout ce qui touche au monde marin. J’encadre notamment à Perros-Guirrec les sessions de permis côtiers pour les plaisanciers »

STAYER FR : « Qu’avez-vous retenu de votre pratique du demi-fond  ? »

JOSEPH PHILIPPE : « Le demi-fond, à mon avis, c’est la discipline la plus spectaculaire de la piste. Une course de demi-fond bien menée, c’est vraiment captivant. Aucune autre discipline de la piste n’a ce « cachet ». 

« Pour ce qui me concerne, j’ai eu la chance de disposer, au contraire d’autres pistards, de l’endurance nécessaire à la pratique du demi-fond. Car que ce soit sur 50 km ou sur une heure, le demi-fond ça se court toujours « à bloc », in-ten-sé-ment …  »

 


Trélevern, Avril et Août 2018 - avec mes remerciements à Marc  Martinez et Joseph et Eliane Philippe. Toutes photos collection personnelle Joseph Philippe 

Patrick Police, pour STAYER FR

 

 

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