Elberfeld bergisches stadion (Wuppertal sera jumelé à Elberfeld en 1929) – piste 500 mètres
Vendredi 22 et Dimanche 24 Juillet
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Accaparé par l'acquisition d'une scierie dans l'Eure, Victor Linart a un peu couru après la forme en ce Printemps 1927. Pourtant, le triple champion du Monde est revenu peu à peu sur le devant de la scène. Mais " Le Sioux" est-il encore stayer à plein temps ?
C'est qu'il avait assez clamé l'annonce de sa retraite à l'issue de son terrible combat de l'an dernier avec Gustave Ganay... Motovelodromo de Turin : une heure et demie à tombeau ouvert ce premier dimanche d'Août 1926 à lutter sans jamais baisser la garde une seule seconde, une sangsue accrochée à ses basques 100 kilomètres durant à 80 km/h et plus...
Après avoir eu raison du champion marseillais, " Le Sioux " a eu l'impression que ce troisième maillot arc-en-ciel, eh bien il ne fallait peut-être pas aller le gâcher en accomplissant "la course de trop", qui sait ? Alors, sous le coup de l'émotion, il a assuré que ce troisième paletot serait le dernier, et que cette fois, promis-juré, il prenait sa retraite ! Et puis...
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Et puis, il a fallu honorer les contrats de fin de saison, puis ceux de celle à suivre, et de fil en aiguille, il s'est retrouvé au mois de Mai sur la piste de Buffalo à Montrouge cueillir un 732ème titre de champion de Belgique des stayers. Une semaine auparavant, sur la même piste, il avait maté le nouveau champion de France Jean Brunier et le champion d'Allemagne Sawall, sans se faire plus mal que ça finalement... Alors, il a poursuivi sur sa lancée, jusqu'à se rappeler au bon souvenir de ses copains allemands, en remportant la Roue d'Or à Berlin, sans oublier de ferrailler victorieusement auparavant avec le Français Brunier au Parc des Princes. Alors, pourquoi dans ces conditions ne pas s'offrir une nouvelle tournée d'arc-en-ciel ?
Bref, lorsqu'arrive le mois de Juillet, il est devenu clair que le mirobolant stayer belge ne va pas regarder son paletot irisé passer sur d'autres épaules sans le défendre. Son rival de l'an dernier, le sombre et farouche Gustave Ganay, ne sera plus là pour le pousser dans ses derniers retranchements : il a trouvé la mort sur la piste du Parc des Princes l'été dernier, le torse ceint de ce maillot bleu blanc rouge qu'il avait tant désiré.
Mais d'autres stayers aux dents longues sont bien décidés à hâter l'heure de la relève du champion belge le 22 Juillet prochain au Stadion d' Elberfeld.
Deux Allemands d'abord. Pour cette édition, qui marque la fin d'un purgatoire de quatorze années (le dernier Mondial organisé en Allemagne l'a été en 1913) l'Allemagne peut compter sur deux "clients" pour faire chuter " Le Sioux" de son piédestal : Walter Sawall et Paul Krewer. Deux fameux candidats au titre qui, de plus, évolueront "à domicile", sur la piste "la plus rapide du monde".
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Sawall, vingt-huit ans. 1 m 69 et 73 kilos, c'est l'archétype du stayer compact, solide, doué de surcroît de cette capacité à lire la course et peser ses adversaires qui est l'apanage du coureur réfléchi. Mais ce n'est pas seulement un stayer cérébral : tout en nerf et rage, d'une énergie hallucinée, peu ménager de lui-même, on le qualifie dans la presse de "lutteur effarant" et ça vous donne un aperçu de la combativité du coureur berlinois. Par ailleurs, excellent gymnaste, maintenant sa forme l'hiver venu par de longs footing en forêt et la pratique de la boxe, du ski de fond et du hockey sur glace. Quant à sa popularité outre-Rhin, qu'il vous suffise de savoir que le bourgmestre de Berlin donnera un jour à ce futur double champion du Monde des stayers son nom à une rue d'Erkner en son honneur. Eh oui, Walter Sawall pouvait se flatter d'être domicilié dans sa "propre" rue. Une image du demi-fond Outre-Rhin qui donne le vertige...
Pour le tout récent champion d'Allemagne, dans un grand jour, il y aura la place pour passer, même face à un monstre sacré de la spécialité comme Linart... Mais encore pour cela faudra -t-il que son compatriote Paul Krewer, soit logé derrière lui sur la ligne de départ. Sinon " das wird nicht passieren ". Et dans la négative rien ne garantit que le citoyen de Cologne "ouvrira la porte" au Berlinois.
Paul Krewer. Ouh là là… Alors lui, attention, ça brûle… Si l'on n'est pas certain Outre-Rhin que le champion d'Allemagne puisse encaisser une pleine heure et demie de combat d'homme à homme avec "Le Sioux", avec "Indi" la question ne se pose pas. Krewer, 22 ans, est la révélation de cette saison 1927. D'emblée, il n'a pas demandé la permission d'exister sur les pistes allemandes. A Dusseldorf, Cologne, Chemnitz, Dresde et Francfort, il a fait depuis le début de l'année main basse sur les Grands Prix, sans complexe aucun.
Cet ancien sprinteur de grande valeur vient d'être labellisé stayer la saison précédente. Le garçon sait aller vite donc. Mais côté résistance, il a aussi ce qu'il faut sur lui. En plus, il affiche sur la piste une propension à se complaire dans la lutte : plus ça castagne, plus il aime ! La lutte le réjouit. Mieux, il en redemande, et ça agace prodigieusement ses pairs. Quand à le vouloir le passer d'homme à homme, mieux vaut d'abord être optimiste, puis sacrément entêté. On ne lui a pas encore attribué son fameux surnom de "Porc-Epic", mais tous ceux qui se sont frottés à lui le lui ont in petto déjà attribué. C'est une véritable teigne. Une patelle soudée à un rocher. Le natif de Duisbourg sera une décade durant le grand fossoyeur d'ambitions arc-en-ciel des adversaires qu'il aura "pointé". On maudira le sort lorsque l'on aura le malheur d'être placé derrière lui sur une ligne de départ. Et avec ça affichant toujours ce petit sourire ironique au coin des lèvres, le genre pas concerné, le casque porté façon canotier,
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l'air enfin du monsieur prenant plaisir à balancer des pétards sous la table des convives aux banquets de mariage. Mais les plaisanteries pistières, façon poil à gratter et verre baveur du citoyen de Cologne, ils seront une génération de stayers a les trouver saumâtres. En tous cas, dans le paquebot d'Elberfeld qui l'a révélé l'an dernier, nul doute qu'il sera comme dans un bain de sirop de sucre et qu'il sera un fameux "client" pour le jour "j".
Victor Linart semble donc comme avoir un peu de soucis à se faire lorsqu'il débarquera fin Juillet au Wuppertal Stadion. Pourtant à la rubrique " Attention danger " il va lui falloir rajouter deux noms.
Car en cette saison 1927, et alors que l'on s'interrogeait chez nous sur la permanence du demi-fond français, suite au gouffre béant créé par la disparition du malheureux Gustave Ganay, voici qu'a déboulé au printemps sur l'avant-scène un attelage inédit. Laissez-moi vous les présenter.
A ma gauche Léon Didier, "le Roi des Entraîneurs". Machiavel de la moto, pacemaker mâtiné marabout, Grand Fakir de l'abri, l'homme-à-qui-on-ne-l'a-fait-pas-sur-un -vélodrome, inventeur du virage "en œuf à la coque" et autres sorcelleries…
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A ma droite Jean Brunier. Champion de France amateur sur route en 1921, puis chez les pros en 1922, second du Tour des Flandres la même année.
Après ce départ en fanfare, le Parisien a vite déprimé au service de Frères Pélissier qui ont eu tendance à confondre apprentissage et bizuthage. Deux saisons à brillotter en diverses activités routières et pistières, et il trouve le "truc" pour relancer sa carrière en devenant coup sur coup en 1924, puis en 1925, "L'Homme le plus vite du Monde" sur l'autodrome de Montlhéry, (cf. mon livre " L'épopée du Cyclisme sur l'autodrome de Montlhéry") Le demi-fond l'attire de plus en plus. Il s'y investit sans convaincre plus que cela au cours de la saison 1926. Stayer en devenir cherche bon entraîneur... Et de préférence le meilleur.
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Ce sera chose faite au Printemps 1927. Son élève-souffre-douleur "Toto" Grassin parti moissonner les dollars aux Etats-Unis, Léon Didier a jeté derechef son dévolu sur " L'homme le plus vite du Monde". Il a deviné la cylindrée sous le châssis classieux. Et en trois mois passés à ajuster les réglages sur les pistes européennes, la symbiose à priori impensable entre le pacemaker à l'autorité bourrue et le coureur à la virile prestance s'est pleinement réalisée. Et nos deux hommes de ramasser au passage comme en se jouant un titre de champion de France, en mode "walk over". Le temps ce Dimanche 5 Juin 1927 d'une pose pour la postérité, avec cette icône où la posturale majesté du "Roi des entraîneurs" se conjugue au plus-que-parfait avec la silhouette racée de "L'Homme le plus vite du Monde". La Joconde ou le meilleur Rubens ne sont pas loin non ?
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Un troisième titre de champion de France donc pour Jean Brunier, remporté derrière motos celui-là !
Exploit unique en son genre. Et un premier (enfin ! serait-on tenté de dire...) pour son entraîneur, qui lui a déjà goûté avec Robert Grassin à la gloire en arc-en-ciel.
La France semble avoir trouvé le digne successeur de Gustave Ganay. Ca tombe bien, le championnat du Monde est pour dans deux mois, et la piste-autobahn d'Elberfeld est un écrin à la hauteur de l'ambition de l'équipage.
D'ailleurs, Léon Didier et Jean Brunier ne vont pas là-bas pour s'asseoir poliment à la table des grands. Non. Ils viennent pour la renverser, carrément...
A SUIVRE...
Etude de Patrick Police et François Bonnin
pour STAYER FRANCE le 15 Décembre 2021
Sources :
- Quotidiens, magazines : Paris-Soir; L'Echo des Sports; l'Auto; L’Intransigeant; Le Petit Parisien; Excelsior; Match; le Miroir des Sports; Match Haarlem’s Dagblad 25 juli; Illustrieten Rad Ren Sport; Rad-WM in Deutschland.
- Livres : Geschichte des rad sports des fahr rades de W. Gronen et W. Lemke; Der entfessekte weltmeister d' Adolf Klimanchewsky
- Compléments d'information et documents : Doc Petzold et Heinz Weidner
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