CHAMPIONNAT DU MONDE PROFESSIONNELS 1904

CHAMPIONNAT DU MONDE PROFESSIONNELS 1904

(Service d'entraînement par petites motocyclettes - poids maximum 150 livres anglaises, soit 67 kg 650 - sans coupe-vent - pas de tandems à pétrole)

" L'imbattable Monsieur Walthour "

Samedi 3 Septembre (première journée du championnat du Monde) - Londres - vélodrome de Crystal Palace - 500 m (ciment)

80 Livres-Sterling et une médaille d'or au vainqueur.

Les Etats-Unis ayant décliné l'honneur de l'organisation, c'est la N.C.U. (National Cyclist Union) qui l'a récupérée.

Les observateurs notent que la piste londonienne est peu favorable à la pratique du demi-fond, de par la faiblesse de pente de ses virages, ce qui aura pour effet de limiter la vitesse des concurrents. Par contre, l'utilisation des "petites motocyclettes" place indiscutablement les concurrents sur un pied d'égalité et il est hors de doute que la course sera réservée aux hommes forts et non à ceux disposant de l'engin le plus "abritant".

Mais ce mode d'entraînement nouveau, décidé unilatéralement par l'organisateur, sans préavis et sans homologation officielle a entraîné le désistement de l'Allemagne. Ainsi, le double champion du Monde Thaddaüs Robl ne participera t-il pas à ce championnat, tout comme le Hollandais Piet Dicketman, lui aussi utilisateur invétéré de tandems, et le Britannique Tommy Hall.

Le Français César Simar, 25 ans, stayer aguerri, vainqueur 12 fois des 17 courses auxquelles il a participé cette saison est favori, au même titre que l'Américain Walthour et le monstre de résistance qu'est le Belge Arthur Vanderstuyft.

Les coureurs sont disposés côte à côte sur la ligne de départ, les motos devant les prendre postées derrière eux au bout de la ligne droite.

FINALE DIRECTE

Robert Walthour (USA) - entr. Franz Hoffmann (ALL) - les 100 km en 1h 33' 57" 3/5 - moy. 65.825 km/h
César Simar (FRA) - entr. Jan Olieslagers (BEL) - à 1 t et demi
Arthur Vanderstuyft (BEL) - entr. ... ... - à 12 t
Axel Hansen (DAN) - entr. ... ... - à 16 t (*)
Edmond Audemars (CH) - entr... ... - à 20 t

N.C. : Giovanni Gerbi (ITA) - entr. ... ... - (chute)

N.P. : Joseph Guippone (ITA); Tommy Hall, E. Barklay (G-B); Ivan Goor (BEL)

La course : Devant 7 000 personnes, les coureurs se tiennent en cette fin d'après-midi sur une même ligne au départ, Walthour à la corde. A noter que seuls Hansen et Simar portent un casque protecteur, alors que nombre d' accidents mortels ont déjà endeuillé la saison.

Le départ est donné en fin d'après-midi. Robert Walthour part en flèche, talonné par le Français César Simar.

La course va se résumer en un duel palpitant entre les deux hommes. Au gré de leurs arrêts aux stands consécutifs aux ennuis mécaniques affectant leurs engins d'entraînement, les deux hommes prennent et reprennent le commandement.

Le co-favori de l'épreuve va réussir l'exploit de prendre un tour à l'Américain... Hélas avant d'être victime de la panne moto de son entraîneur.

Mais l'homme-à-tout-faire du demi-fond français, celui à qui l'on demande d'étalonner la valeur des prétendants-champions voulant écumer les pistes parisiennes, va revenir ensuite sur l'Américain qui, a son tour, est victime de pannes de la moto de son entraîneur.

Mais sur un nouvel incident affactant une de ses motos, Simar perd deux tours et dès lors Walthour repasse en tête. En vingt tours, les deux hommes se sont partagés le commandement de la course, mais le Français, davantage victime d'ennuis mécaniques que l'Américain, se retrouve trop souvent dans la course à rouler seul.

Vers la fin de la course, Giovanni Gerbi, qui semblait s'acheminer vers la troisième place,

Gerbi, quelques années plus tard, style impeccable

reçoit la courroie de la poulie-jante de son entraîneur dans sa roue avant, et effectue une terrible cabriole... Le jeune (19 ans) italien en réchappera miraculeusement.

La nuit tombe lorsque la course se termine.

A son retour au quartier des coureurs, Simar est porté en triomphe,

César Simar, stayer sans palmarès, mais stayer de classe

et la commission sportive de l'U.V.F. lui attribuera quelques jours plus tard une médaille d'or en récompense de sa lutte magnifique avec "l'imbattable Walthour", qu'il aura même dominé à un moment de la course avant d'être victime des incidents mécaniques survenus à la moto de son entraîneur.

Pourtant, nul ne méritait mieux que Robert Howe Walthour d'être sacré meilleur stayer du Monde. Depuis son arrivée en Europe au mois de Février, il a relevé tous les défis, victorieusement.

La France, à qui il offre la primeur de sa visite du vieux-continent, se rend vite à l'évidence : le double champion des Etats-Unis 1902 et 1903 et vainqueur des 6 Jours de New-York 1901 et 1903 est bien le super-champion annoncé ! Pour le public français il est devenu " l'imbattable Monsieur Walthour "

Les meilleurs stayers du moment ont pu juger de sa valeur : Paul Dangla, le champion de France Henri Contenet, le double champion du Monde Thaddaüs Robl, le Franco-Italien Eugenio Bruni, les Allemands Demke et Salzmann, le Suisse Ryser, tous en l'espace de deux mois sont passés "à la trappe" ! Quand il retourne fin Mai aux Etats-Unis d'Amérique, il peut se targuer de onze victoires sur douze courses disputées sur le vieux continent !

Stayer hors-classe, intrépide, d'une volonté trempée, souple et félin, infatigable dans la lutte, brutal dans l'effort, monstre de sérieux à l'entraînement (ses premières paroles quand il débarque en France ne sont-elles pas pour demander où est le vélodrome Buffalo pour commencer à s'entraîner immédiatement ?) le natif d'Atlanta, sorte de mystique de l 'effort matiné de trompe-la-mort, est, à 26 ans, au sommet de son art, et sur le toit du Monde.

(*) donné non-classé (ab.) dans l'Echo des Sports

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Sources :

Le Vélo; L'Auto; L'Echo des Sports; La Vie au Grand Air
Livres "Life in the slipstream" Andrew M . Homan et "Les Légendaires" de Roger Bastide, Robert Chapatte et Dominique Grimault

Patrick Police, pour STAYER FRANCE