Jeudi 8, Vendredi 9, Samedi 10 Septembre 2022 - Lyon - vélodrome Georges Préveral - ciment (333.33 m - largeur 7 m) -
LYON, CHAMPIONNAT D'EUROPE 2022 :
EN PISTE VERS LES ETOILES
Jeudi 8 Septembre.
Plein soleil au programme de ces échauffements, séquences parfois riches d'enseignements.
Pas plus étonné que ça de voir débarquer dès potron-minet - ou à peu près - la délégation allemande, première à s'essayer sur la piste. On assiste à du sérieux, du grave, du quasi-religieux, pendant une pleine heure. Ces canters sont surtout pour le rare public du matin l'occasion de découvrir le frêle stayer d'Heidenau André Hagen, qui déroule avec ardeur parmi ses confrères Retschke et Harnisch. Ce dernier devrait être la première monte, le rugueux Berlinois Robert Retschke l'homme à tout faire et André Hagen le joker-surprise... A vérifier en course, même si in petto je me demande qui, dans cet impeccable commando, a la carrure d’un Schafer, champion d’Europe 2016, ou d’un Schiewer, double champion d’Europe 2017 et 2018 ?
Côté délégation française, contraste total. Là, c'est la décontraction qui prime. L'harmonie règne parmi les "bleus", sur le vélo, la moto ou au "barnum-atelier". Les évolutions matinales de Joseph-Berlin-Semon et Kevin Fouache s'accomplissent dans une sérénité qui rassure, entrainant dans leur sillage un Camille Batista concentré et studieux. Il n’aura échappé à personne l’excellent état d’esprit de ce trio : à Lyon, la France a trouvé une équipe, véritablement, et on s'en réjouit.
Côté maillots rouge à croix blanche, il aurait pu être tentant de dauber sur la condition du triple champion d'Europe Guiseppe Atzeni. J'étais moi-même - mea culpa - plutôt porté à l'ironie à l'égard de la venue du vénérable stayer argovien. Les déboulés impressionnants du natif du canton d'Uri m'ont vite fait rentrer mon ironie dans la gorge... Et donné la conviction que qui voudra quérir le maillot étoilé samedi devra passer obligatoirement par la case Atzeni.
La Suisse avait amené un deuxième représentant dans ses bagages, le jeune (20 ans) Justin Weder, de Diepoldsau près de Saint-Gall, au rendement plutôt convaincant. De la graine de finaliste, assurément. Tout comme le Hongrois Viktor Filutas, qui aura sur-le-culté les (rares) observateurs et enchanté la fin d’après-midi avec des sprints et des séances de train haut de piste dans le sillage du madré pacer allemand Thomas Baur. Cela ajouté aux tours tonitruants déroulés par le Tchèque Jakob Filip, et je révisais du coup mes pré-supposés sur les participation dites "folkloriques", et classait illico le Hongrois dans mon "carré d'as" du samedi, et le Tchèque dans la catégorie des hommes à suivre le lendemain.
Par contre, mes fiches resteront vierges concernant la délégation italienne, qui n'investira que le lendemain matin le vélodrome Georges Préveral. De toutes façons qui pourrait croire que Leonardo Fédrigo et Davide Finatti sont venus dans la capitale des Gaules pour y faire de la figuration ?
Qualifications - 1ère série- 40 km (120 tours) - vendredi 9 Septembre - 15 h 23
La course : Il ne faudra pas attendre longtemps pour voir l’Allemand Daniel Harnisch découvrir ses batteries et faire péter son statut. Parti de la troisième position, il fait vite main basse sur la seconde trois tours plus loin et s'empare du gouvernail dès le neuvième tour.
Derrière, ca chahute sur toute la piste et on tremble pour nos représentants. Au rayon audace, Camille Batista vient de sa sixième position du départ faire ses courses à l'avant, et, avec un aplomb incroyable pointe le nez à la troisième place, tandis que Kevin Fouache, lui, préfère se fournir au rayon "prudence et prise d'informations". Rien de bien transcendant en somme... Jusqu'à ce qu'au 14ème tour déboule le "dragster" Viktor Filutas, dont chaque tour de roue arrache la résine de la piste, et qui ne stoppera son "run" qu' aux arrières de l'équipage Harnisch / Bauerlein. Au quarantième tour, ces deux derniers, mine de rien, se sont constitué une petite cagnotte d'un demi-tour d'avance.
Derrière Harnisch et Filutas, l’Italien Finatti, trouve sa troisième position ma foi plutôt idéale, tandis que nos deux Français comptent leurs coups de pédale, dans l'attente de l'orage à venir. Situation éprouvante pour nos nerfs, car le Suisse Weder vient à son tour prétendre à son ticket pour la quatrième place qualificative. Ce que voyant, Kevin Fouache, pas plus inquiet que cela, presse sur l'Italien, lui subtilisant comme en se jouant la troisième place. Nous sommes au cinquantième tour de la course. Huit tours plus loin, Weder déborde à son tour Finatti. A vingt-huit tours de l'arrivée, le Hollandais Wilfje quitte la piste, ayant épuisé, tout comme le Britannique Ward, son quota de tours de retard. A sept tours de la fin, Kevin Fouache se testera au cours d'une accélération qui le verra se rapprocher de l'incroyable Monsieur Filutas.
Un demi-tour devant, Daniel Harnisch, lui, sait qu’il a fait son petit effet sur les délégations étrangères. Ne cherchons pas plus loin le favori pour la finale de demain…
(4) Daniel Harnisch (ALL) - entr. Peter Bauerlein - les 40,263 km en 36' 14" 180 (moy. 66.667 km/h)
(7) Viktor FiIutas (HON) - entr. Thomas Baur (ALL)
(3) Kevin Fouache (FRA) - entr. Sylvain Pacheco
(8) Justin Weder (CH) - entr. Michael Alborn - à 1 t
(6) Camille Batista (FRA) - entr. Bernard Filiatre - à 2 t
(1) Davide Finatti (ITA) - entr. Dino Rey (CH) - à 3 t
(2) Tom Wijfje (P-B) - entr. Michel Filiatre - à 5 t (*)
(5) Tom Ward (G-B) - entr. James Holland Leader - à 5 t (*)
(*) Ont quitté la piste à la demande des commissaires, ayant plus de 5 tours de retard
Qualifications- 2ème série - 40 km (120 tours) - vendredi 9 Septembre - 17 h 20
La course :Le Tchèque Jakub Filip, comme catapulté de sa première position, aspiré au vol par la moto de René Kluge, ouvre déjà la piste, alors que derrière les deux Allemands Hagen et Retschke cafouillent leur prise d’entraîneurs à qui mieux- mieux. Pas besoin de faire un dessin à Alain "Human Windshield" Gaudillat : lui et Joseph Berlin-Semon profitent de l'occasion pour aller humer l'air des avant-postes. Devant, l’incroyable Jakub Filip joue au lapin mécanique dans une course de lévriers. Derrière lui, la meute paraît bien fébrile, et chacun s'y demande quand les piles du stayer tchèque vont se décharger...
20 tours sont déjà passés et déjà le Hollandais Glenn Van Nierop doit quitter la piste, saoulé de retard... Les successeurs de Patrick Kos et Reinier Honig restent à trouver, apparemment. Et on se dit que le nouveau maillot des Pays-Bas - aux couleurs façon saumon blafard - a décidemment perdu de ses couleurs.
Au 27ème tour voici revenu Robert Retschke, retenu dans l'embouteillage du départ. Vingt tours plus loin, en mode furtif, l'équipage Gaudillat/Berlin-Semon vient glaner la troisième place. Les deux hommes ne s'arrêtent pas en chemin et, douze tours plus loin, s'enhardissent à déborder Guiseppe Atzeni. Vexé, le triple champion d'Europe décide alors de convoquer le triple champion d'Europe qu'il est. Stimulé par le retour de Retschke, il accélère au 62ème tour et culbute sans pitéi au passage l'incroyable Filip .
Derrière Atzeni, Retschke et Berlin-Semon, la place de quatre reste à prendre. Débute alors une séquence à haut voltage entre l’ItalienFedrigo, revenu des tréfonds de la course, et le Tchèque Filip. Ces deux-là vont régaler le public d'une bagarre absolument fantastique, non sans avoir au préalable dû s'infliger une séquence de remous distillée par Alain Gaudillat, les collant à la piste et leur interdisant tout espoir de retour.
Au 77ème tour, premier coude-à-coude entre l'Italien et le Tchèque. L'Italien ne passe pas, mais les deux hommes dès lors ne vont plus se quitter d'une semelle. A 30 tours de l'arrivée, on relève la sortie du Belge De Groote, après une course encourageante pour ses débuts derrière le rouleau.
Quinze tours plus loin, l’Italien trouve enfin la bonne combine pour se débarrasser de son infernal rival, avec lequel il se tire la bourre depuis près de trente tours ! Il le pousse vers l’équipage Gaudillat/Berlin-Semon, y encombre le Tchèque, et le dépasse façon "le tour est joué". La quatrième place qualificative est dans la poche pour l'Italien ?
Au 88ème tour, la constipation mécanique de la moto conduite par Mathias Luginbuhl contraint un Atzeni bouillant de colère, à une pause dont il se serait bien passé. Il reprendra son entraîneur avant les 5 tours de neutralisation avec un tonus qui me laisse sans voix, alors que Fedrigo et Filip continuent à se rendent coup pour coup au fil des tours, au grand plaisir du public qui, déjà bien excité, va carrément chavirer lorsque Joseph Berlin-Semon déboulonne Robert Retschke de la seconde place.
Mais derrière, le feuilleton Fedrigo-Filip continue ! Le Tchèque, qui n'a pas quitté d'une semelle l’Italien, pousse un ultime sprint au dernier tour et s'arrache pour lui chiper sur la ligne la qualification.
(7) Guiseppe Atzeni (CH) - entr. Mathias Luginbühl - les 40 km en 35' 28" 88 (moy. 67.666 km/h)
(6) Joseph Berlin-Semon (FRA) - entr. Alain Gaudillat
(3) Robert Retschke (ALL) - entr. Ehnert Holgen -
(1) Jakub Filip (RTC) - entr. René Kluge (ALL) - à 1 t
(4) Leonardo Fedrigo (ITA) - entr. Christiano Dagnoni - à 1 t
(2) André Hagen (ALL) - entr. Udo Becker - à 3 t
(8) Arne De Groote (BEL) - entr. Edwin Smeulders - à 5 t (*)
(5) Glenn Van Nierop (P-B) - entr. Nick Alens (BEL) - à 5 t (*)
(*) Ont quitté la piste à la demande des commissaires, ayant plus de 5 tours de retard
PETITE FINALE - 30 km (90 tours) - Samedi 10 Septembre - 16 h 43.
La course : Davide Finatti a hérité de la pole-position sur la ligne de départ. Sept tours moroses défilent lorsque Camille Batista, s'extirpant de sa septième position, met le feu aux poudres, remontant à la troisième position au prix d'une fameuse séquence de saute-mouton. Ce faisant, il vient de donner le véritable départ.
Car devant lui, l’Italien Finatti et l’Allemand Hagen, anticipant la manœuvre du Français, ont haussé leur tempo, marge de sécurité oblige. Cinq coureurs sont dans le demi-tour : Finatti, Hagen, Batista, Fedrigo et le Belge De Groote, étonnant serre-file, jusqu'à ce qu'une crevaison ne le sorte - hélas - du jeu.
Au 24ème tour, Camille Batista remet le couvert et, avec un beau culot, tente de déborder l’Allemand Hagen. Ce faisant, il pousse ce dernier sur Finatti. Mauvaise pioche : car l’ Allemand, comme soudain sorti d'une torpeur, va contenir l’assaut du Français, et se rendre compte du coup qu'il n'a plus qu' à aller "sauter" l'Italien avant d'aller reprendre sa sieste. On ne peut pas dire qu'on vibre dans les tribunes...
Trois tours plus loin, Fedrigo double Batista et on se prend à croire que l' étau italien se met en place, et que les tours en tête du stayer allemand sont comptés. Mais les mâchoires de cet étau ne feront que mordre le vide (balèze comme image non ?), celui de l’espace de sécurité que saura s’octroyer Hagen au fil des tours.
Et puis la fatigue semble avoir sapé les énergies et Hagen, encore tout étonné de se retrouver devant, en profite pour, en vice, accélérer la cadence, interdisant petit à petit tout espoir de retour à ses suivants. Au 53ème tour, Camille Batista et Bernard Filiatre jouent leur va-tout, mais échouent dans leur rapproché.
Quatre tours encore et Fedrigo s’engage dans un remake de ses bras-de-fer de la veille, cette fois avec son compatriote Finatti. En vain. A cinq tours de la fin, chacun jette ses ultimes forces, Camille Batista tentant l’impossible retour dans les deux derniers tours sur Fedrigo, bien entamé par ses assauts sur Finatti. Mais les héros sont fatigués…
Hagen, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’aura pas été harcelé ni chahuté durant cette presque demi-heure, aura racheté sa transparente prestation de la veille.
André Hagen (ALL) - entr. Udo Becker - les 31,697 km en 26 mn 56" 279 (moy. 70.600 km/h)
Davide Finatti (ITA) - entr. Dino Rey (CH) - à 1 t
Leonardo Fedrigo (ITA) - entr. Christiano Dagnoni - à 1 t
Camille Batista (FRA) - entr. Bernard Filiatre - à 2 t
Tom Ward (G-B) - entr. James Holland Leader - à 4 t
Tom Wijfje (P-B) - entr. Michel Filiatre - à 4 t
Glenn Van Nierop (P-B) - entr. Nick Alens (BEL) - à 5 t(*)
Arne De Groote (BEL) - entr. Edwin Smeulders - à 5 t (*)
(*) Ont quitté la piste à la demande des commissaires, ayant plus de 5 tours de retard
FINALE - 1 heure - Samedi 10 Septembre - 18 h 04
La course :Dans l'ordre de la file des coureurs au départ : Filip, Fouache, Berlin-Semon, Retschke, Atzeni, Weder, Filutas, Harnisch. Une tension extrême est déjà palpable sur le coup des 18 heures. Dans la file des coureurs ce ne sont que visages tendus, tics bizarres, incantations muettes… Guiseppe Atzeni se bat la poitrine selon un code rituel connu de lui seul… Pas de doute, le triple champion d'Europe n'a pas son compte de gloire, il a toujours faim...
L’atmosphère, déjà tendue, pesante, devient irrespirable lorsque la moto de Thomas Baur, l’entraîneur de Viktor Filutas, se prend à cafouiller stupidement… Dîtes, vous reprendrez bien une petite tasse d’anxiété ?
18 heures quatre, ça y est la meute est enfin lâchée, direction la quête du Graal européen ! Le trublion de la veille, le Tchèque Filip, mène la danse, mais on le sent moins tonique que la veille, et il a des excuses pour cela... Et de suite Kevin Fouache lui subtilise le commandement, Joseph Berlin-Semon sur ses talons, filé par un Robert Retschke piaffant visiblement d'impatience d'en découdre.
Très vite, l'homme à tout faire du team allemand va s'employer à mettre la pression sur les hommes de tête. Derrière, rappliquent plein gaz pour participer à la fête Atzeni et l’incroyable Viktor Filutas. Daniel Harnisch, le bizuth du tirage au sort, choisit (?) pour sa part de camper au fond de la classe.
Il ne faudra pas compter sur lui pour semer le désordre dans la course, il a dans sa manche quelqu'un taillé pour le rôle, son compère Robert Retschke.
Après cinq minutes de course, les positions sont les suivantes : Kevin Fouache, Joseph Berlin-Semon, Guiseppe Atzeni, Robert Retschke, Viktor Filutas. Trois minutes encore et Kevin Fouache a déjà doublé, comme en se jouant, Jakub Filip, pâle fantôme du stayer électrique de la veille, alors que Daniel Harnish commence à petit bruit sa remontada. Deux minutes plus tard, Robert Retschke enfile le bleu de chauffe et part en maraude. A lui le sale boulot. Il s'en va d'abord travailler Atzeni au corps. Sans autre résultat que celui d'escagaçer le champion helvète qui, comme pour se défouler, dépasse alors Joseph Berlin-Semon. C'est le moment que choisit le Hongrois Filutas, parti plein pot des tréfonds de la course, pour engager un long sprint. Et le voilà qui déborde en injection tout ce beau monde, jusqu’à s'emparer de la seconde position. Chapeau l'artiste, quelle démonstration !
Devant, l’équipage Pacheco/Fouache, continue à ouvrir la piste, sans désemparer, comme s'ils avaient fait cela toute leur vie. Mais gare : à la 15ème minute de course, Harnisch est revenu dans le demi-tour ! Il y a comme de l'électricité dans l'air. Les positions sont les suivantes : Kevin Fouache, Viktor Filutas, Guiseppe Atzeni, Daniel Harnisch, Robert Retschke, alors que Joseph Berlin-Semon a reculé un peu… Aux "balus", on a le coeur qui bat la chamade en voyant passer et repasser le numéro 2 du cuir tendu de Sylvain Pacheco...
16ème minute de course. Daniel Harnisch, mine de rien, vient de prendre la quatrième position à Robert Retschke, qui la lui a cédée bien volontiers, on s'en doute. Aux vingt minutes de course, six hommes sont dans le même tour, Joseph Berlin-Semon se replaçant plus loin habilement juste derrière Harnisch. Cinq minutes plus tard, Kevin Fouache conduit toujours le bal, devant Filutas, Atzeni, Harnisch, Joseph Berlin-Semon et Retschke. C'est le moment pour ce dernier de repartir au charbon, histoire de faire grimper la tension et préparer le terrain pour Daniel Harnisch. Lequel prolonge la manoeuvre en envoyant une belle secousse. La machine à gagner germanique est en marche...
... Las. Un grain de sable va l'enrayer, sous la forme d'une crevaison lente roue arrière (le grain de sable ?) dont Robert Retschke est la victime, alors que le Tchèque Filip, quitte la piste, cinq tours de retard obligent, suivi cinq tours plus loin par le Suisse Weder.
Le cap de la demi-heure paraît bien difficile à digérer pour Filutas qui subit une inquiétant baisse de régime, et se fait déposer par Kevin Fouache, alors que ce même cap semble stimuler Robert Retschke, revenu aux affaires, et partant plus que jamais pour poursuivre son travail de sapement. Justement, ça tombe bien pour l' Allemand : Kevin Fouache apparait dans son rétroviseur. Les gorges se nouent en tribune et en bord de piste...
Les mains en sang à force de se cramponner aux balustrades, nous allons assister au combat des chefs, alors que 40 minutes de course sont affichées au tableau lumineux qui ne fonctionne pas (lisez et relisez cette phrase pour en goûter toute l'absurdité, ça vous détendra, car comme vous l'avez remarqué, le suspense est insoutenable)
Un ange (bruyant, échappement libre oblige) passe. Mano à mano somptueux. Coude-à-coude implacable. Le Berlinois, à la corde vend, en champion qu'il est, sa peau au prix fort. Mais un Kevin Fouache irrésistible l'assigne d'abord à une défense désespérée à la corde, avant de l'achever d'un sprint assassin...
Est-ce un signe ? Là bas, un demi-tour plus loin, Daniel Harnisch, au style d'ordinaire si fluide, nous apparaît au passage devant les tribunes vaguement à l'ouvrage , à la lisière du moins bien... La belle mécanique couinotte dirait-on, où je me trompe fort... Et puis, non. Pas d'erreur : le stayer allemand quitte plus loin, au virage, le rouleau de Peter Bauerlein. En une minute, les signaux sont passés au rouge pour la Manschaft.
Un demi-tour devant, le tandem Fouache/Pacheco n'a pas besoin de cet indice encourageant pour déambuler, à l'aise, dans un style qui..., dans un style que... (voir l'interview dans le lien ci-dessous, je vais pas me répéter, vous mettriez en cause ma neutralité)
Si le sociétaire du SC DHFK Leipzigparaît dans le dur, par contre, s’il y en a un qui porte encore beau, c’est bien " l'ancêtre" Guiseppe Atzeni.
Il campe obstinément au demi-tour, telle une menace, sparadrap rouge et blanc collant au doigt de l'équipage français (savourez au passage la virtuosité de cette image) lequel paraît tout de même maîtriser vraiment son sujet. Pendant ce round d'observation, l'épatant Filutas en a profité pour revenir peu à peu dans le jeu. Quel moteur, le garçon, décidemment !
20 tours au compteur (qui fonctionne; voir plus haut). C'est le moment ou jamais pour Atzeni de grignoter la marge qui le sépare de l'homme de tête. Il va s'y employer, quelques tours hautement anxiogènes durant. Mais Sylvain Pacheco amortit à chacun de ses rapprochés le retour de l'Helvète, le "rallonge" jusqu'à ce que le fil invisible qui relie les deux équipages se distende, se distende... à craquer ! A chaque entrée sur la ligne droite, l'Helvète peut apercevoir l'équipage français entrer dans le virage et "remettre les gaz". A la 52è minute, on arrête de jouer au chat et à la souris : Atzeni a acquis la certitude que le retour sur la tête lui est impossible. Dès lors, l'équipage Fouache / Pacheco va "jouer" à conserver son avance.
Auparavant, à douze tours de la fin, Joseph Berlin-Semon, façon de contribuer à la fantasia tricolore, avait tenté de déborder l'omniprésent Retschke, la cinquième place étant à ce prix. Un tour à bloc, guidons contre guidons... Le public prêt à allumer le feu si ça passe... Mais, non l'Allemand remporte le bras de fer, et sauve l'honneur pour le team germanique.
Il reste dix minutes de course à endurer. C'est long.
La piste est devenue voie triomphale, et en doublant au passage le tandem Berlin-Semon / Gaudillat, le Yonnais d'adoption reçoit des encouragements qui font monter les larmes aux yeux des coeurs sensibles. Plus que trois tours, on a le droit d'y croire, maintenant non ?
C'est le moment pour Daniel Harnisch de jeter ses dernières forces afin de fracturer le roc Atzeni. Mais rien à faire, le Suisse ne cède pas d'un pouce... Un dernier feu d'artifice en somme, offert par le champion helvétique, comme pour magnifier la victoire de Kevin Fouache, la première, depuis celle de Roger Queugnet en 1953, d'un stayer français au championnat d'Europe.
Pour Kevin Fouache, dont c'est la dernière course - il n'en démordra pas - voici venu le temps de la revanche sur le coup tordu de l'édition 2017 (cf. lien Palmarès des championnats d'Europe)
La note était déjà réglée pourtant avec cet accès classieux à la finale. Mais avec sa victoire éblouissante et attendue (par moi en tous cas) le champion d'Europe 2022 a laissé un pourboire royal... Et rendu fou de joie la délégation française.
Je vous avais vendu en Juin dernier du Kevin Fouache, au fil d'un interview dithyrambique. Franchement, j'avais pas raison ?
(2) Kevin Fouache (FRA) - entr. Sylvain Pacheco - 72.399189 km dans l'heure
INTERVIEW KEVIN FOUACHE Sur la machine, il reste l'un des plus beaux spécimens de stayer que j'ai vu évoluer sur une piste. Depuis le double champion de France Antony Gillot, qui était une sorte de
1920. Au congrès d'Anvers l'U.C.I. décide de la suppression des championnats d'Europe. En Septembre 1948 des championnats d' Europe sont créés par l'association des directeurs de vélodromes d'...
MA.GNI.FI.QUE résumé qui nous fait revivre ce que l'on a vécu ! Restons encore un peu, le plus longtemps possible sur notre petit nuage...MERCI Kevin Fouache !
Nous avons assisté à un double exploit. L’accomplissement du projet de l’organisation de Michel Meunier et de son équipe et l’apothéose de la victoire de Kevin Fouache qui renoue avec la tradition glorieuse du demi-fond français plus de 65 ans après Roger Queugnet et Raoul Lesueur. Merci à tous les organisateurs, aux officiels, stayers et entraîneurs Français et Européens pour ces belles journées de sport au Vélodrome Georges-Préveral.<br />
A l’année prochaine en espérant que cette réussite marque la reprise durable du Championnat d’Europe de demi-fond.